08 mars 2025
Lors de nos balades au départ de All’Acqua, soit vers la capanna Pian Secco ou vers l’Alpe di Cruina, nous avons maintes fois regardé, avec convoitise, le flanc de montagne opposé, joliment décoré de la dentelle des traces de ski laissées par des amateurs de glisse. Trois vallées rejoignent le torrent Tessin : Val Piana, Val Cavagnolo et Val d’Olgia.
Notre première randonnée se fera dans le Val Cavagnolo. Vue du bas, la pente nous parait vertigineuse et nous ne sommes qu’admiration pour les audacieux qui s’y lancent. De janvier à février, elle est majoritairement à l’ombre mais avec l’allongement des jours, en arrivant ce matin vers 9h30, une bonne partie du val Cavalogno est déjà baignée de lumière.
Notre guide locale, Fernanda, est confiante de trouver deux places de parking à All’Acqua. Nous sommes un peu moins convaincus, ayant déjà eu deux tentatives ratées par deux dimanches matin ensoleillés. Comme attendu, les voitures et vans sont agglutinés, laissant à peine libre l’arrêt du mini-bus postal Airolo-All’Acqua. Nous opérons un demi-tour sous les regards amusés des skieurs en pleine préparation de leur journée et garons les voitures sur le parking vide de Cioss Prato. Le téléski tire déjà quelques enfants et la piste a encore l’aspect de la tôle ondulée laissé par le passage de la dameuse. Nous sommes à l’ombre et le froid est vif.
Nous rejoignons All’Acqua en longeant le bas-côté de la route, couvert de l’épaisse couche de neige accumulée par le passage du chasse neige. La surface est dure et le froid aidant, nous couvrons en quelques minutes les mille mètres qui nous séparent du départ du sentier.
En contrebas du restaurant, nous traversons la route qui mène au col du Nufenen puis le fleuve Tessin en devenir qui, à cet endroit, n’est encore qu’un petit torrent.
La première partie de la montée se fait dans une forêt clairsemée de mélèzes. Ou dans un pré parsemé de mélèzes. C’est selon. Toute la surface de la pente a été durcie par le passage répété des skis qui a même conduit à la formation de bosses. Nous choisissons de manière opportuniste un itinéraire qui serpente continuellement afin de réduire le degré de la pente.
Dès que les arbres se densifient, le sentier se matérialise. Les virages, creusés par la forte fréquentation, ont le relief des courbes d’un circuit de bobsleigh. Devant, la chienne de notre guide, Kaila. Durant la semaine, ses promenades sont réduites. Alors aujourd’hui, elle en profite. Courant comme une folle, elle va, elle vient, s’allonge sur la neige, pattes en l’air, pour se frotter le dos, comme le ferait un sanglier dans de la fange. De temps en temps, elle vient quêter une caresse auprès de sa maîtresse puis repart.
En consultant mon ami Wiki quant à l’orthographe du mot « bobsliegh » je lis que la discipline naquit à la fin du 19ème siècle, à St-Moritz, ici même en Suisse. De riches anglais séjournant au Palace Hotel construisirent les premiers engins à partir de toboggan (traineau) et de luges. Les premiers essais eurent lieu dans les rues du village jusqu’à les habitants s’insurgent, à cause des accidents, et obtiennent qu’ils soient interdits sur la voie publique. Quelques années plus tard, en 1884, le propriétaire du Palace Hotel fit construire une piste de glace, longue de 1212 mètres dédiée à l’activité, la Cresta Run, toujours en activité. Plus que le bobsliegh, la discipline reine est le tobogganing, sport olympique.
Nous atteignons un replat qui nous procure un répit bienvenu. La raideur de la pente met à dure épreuve nos mollets, même si nous avons relevé les cales des raquettes. Nous sommes sortis de la forêt.
Devant nous, un méga champ de bosses.
Nous regardons, ravis, cet espace à découvrir.
Sur la droite, derrière la crête, se trouve le passo San Giacomo et sa jolie petite chapelle. Nous avons hâte de pouvoir y retourner. D’après les traces de ski qui marquent la montagne, y accéder en raquette semble faisable. Même si quelques pentes sont estimées à plus de 30°.
Nous nous enfonçons un peu plus dans le val Cavagnolo. Chacune des bosses dont je parlais précédemment est en fait une petite colline. Nous avons le choix de les contourner ou de les attaquer de face. Selon le degré de pente, nous préférons souvent les franchir de face, afin de nous éviter une marche en dévers. Les raquettes, quel qu’en soit le modèle, sont plutôt profilées pour un terrain horizontal. Dans le cas contraire, les genoux et chevilles subissent de fortes pressions dans un axe qui ne leur est pas naturel.
Une ou deux buttes cependant ne nous offrent aucun choix. Heureusement, des traces de ski bien dures nous simplifient la tâche, nous contraignant simplement à marcher chaque pied sur la même ligne, nous donnant l’impression d’être des mannequins sur une estrade, participant à un défilé de mode.
L’endroit est très populaire. La pente ressemble à une piste de ski. Il ne manque que les pylônes des tire-fesses ou des télésièges pour que l’image soit complète. Mais non, ici, le plaisir de la descente se gagne au prix de la sueur et de battements accélérés du coeur.
Nos trois silhouettes.
Un second replat nous procure à nouveau un peu de repos. Le reste à faire est encore incertain. Notre guide attend un appel qui décidera du temps qu’il nous reste.
Le coup de téléphone tardant à venir, la planification se fait selon le scenario le plus pessimiste. Nous irons donc au prochain replat, celui qui précède la montée finale vers la crête qui surplombe le val Piana. Ce sera le terme de notre ascension.
Une petite heure aurait suffi pour cette dernière pente, mais cette heure, nous ne l’avons pas à disposition. Tant pis, il y aura d’autres occasions.
Le casse-croûte dégusté, nous nous préparons à la descente. Les critères de choix de l’itinéraire de descente ne sont pas forcément les mêmes que ceux de la montée. Nous choisissons de commencer le retour par un champ de neige vierge, trop peu pentu pour avoir attiré les skieurs, pour notre plus grand bonheur.
Seuls au monde, durant un bref instant !
Dans la neige fraîche, nous pouvons descendre en commençant chaque pas par le talon, libérant ainsi la pression sur les extrémités des pieds et sur les genoux. Le rythme est rapide. Notre avance est confirmée en jetant un coup d’œil derrière nous.
Notre compagnon à quatre pattes.
De retour à l’orée de la forêt, la neige durcie complique un peu la descente. Le moins mauvais choix est de prendre les bosses par le flanc, en un zigzag opportuniste. Les raquettes ne sont plus à l’horizontale et nous avons hâte d’arriver en bas.
Retour à la case départ. Il est 14h30.
Nous avons hâte du prochain weekend ensoleillé pour découvrir d’autres itinéraires.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.