Aujourd’hui, nous consacrons notre journée à des visites pour lesquelles aucun effort physique n’est requis. Nous commençons nos vacances en douceur car nous savons qu’elles se termineront par quelques rim to river to rim au Grand Canyon (nous espérons en tout cas deux). La première visite du jour se fait à V-Bar-V Heritage Site.
Nous nous laissons réveiller par la lumière du jour car le site n’ouvre « qu’à » 9h30, du vendredi au lundi uniquement. Et nous sommes lundi, ce qui tombe bien ! Il nous faut moins d’une demi-heure pour y arriver et encore, nous devons attendre encore quelques minutes devant la barrière fermée.
Je vous l’ai dit, nous sommes en mode touriste.
Nous mettons néanmoins les chaussures de randonnée, histoire de ne pas avoir à vider régulièrement nos sandales des petits cailloux qui adorent se faufiler entre les lanières de nos Keen.
Du ranch V-Bar-V, il ne reste pas grand chose. La cheminée du ranch est à peu près le seul élément encore debout.
Sur sa face parfaitement à l’ombre, dessiné avec des pierres, la marque V-Bar-V : un V, souligné d’un trait horizontal, qui chapeaute un autre V.
Si mon explication n’est pas claire, de dépit, vous pouvez toujours aller voir cette photo trouvée sur le bloc www.towingsilver.com.
Cette marque était le symbole utilisé pour marquer le bétail au fer rouge.
Nous passons par la ranger station afin d’y montrer patte blanche (en l’occurrence notre carte America The Beautiful qui nous permet de rentrer dans tous les parc nationaux et certains autres parcs dont V-Bar-V). Et puisque j’ai bêtement oublié de prendre nos chapeaux de randonnée et qu’hier il nous ont manqués – oui, le soleil tape en Arizona, même en hiver) nous en profitons pour en acheter deux et contribuer ainsi à l’entretien du parc.
Le site de pétroglyphes de V-Bar-V ne peut pas être visité sans un chaperon. Nous avons vu partir un volontaire avec deux ou trois personnes, il y a quelques minutes. Nous le rejoindrons sur place. Mais d’abord, nous faisons honneur aux magnifiques cottonwood trees qui, même à la mi-novembre, conservent leurs magnifiques couleurs d’automne.
Nous suivons le sentier sur quelques centaines de mètres et arrivons au pied de falaises, là où se situent les pétroglyphes. Le site est entouré de grillage.
Les volontaires qui animent les visites sont des membres de Verde Valley Archaeological Society and Friends of the Forest. Nous l’entendons parler à l’autre groupe et comprenons tout de suite que c’est un passionné.
Nous prenons quelques photos en attendant qu’il se libère.
Les pétroglyphes sont en très bon état compte tenu du fait qu’ils se situent sur un terrain qui fût une propriété privée jusqu’en 1995. Qui plus est dans un ranch, où le bétail se promène librement.
Ils sont attribués aux Sinagua, à savoir « les sans-eau ». Le terme Sinagua a pour origine l’archéologue Harold S. Colton qui, en 1939, l’emprunta du nom Sierra Sin Agua qui désignait la chaîne des San Fransisco Peaks. C’est le nom qu’avaient donné les espagnols à cette chaîne de montagne, étonnés de voir qu’aucun torrent ou rivière ne dévalait des montagnes été comme hiver.
Ce fut également Harold S. Colton qui distingua les deux cultures Sinagua : les Northern Sinagua qui vivaient plutôt dans les hauteurs autour de Flagstaff et les Southern Sinagua qui habitaient le long de la Valley Verde où coule, sans surprise, la Verde River. Le Wet Beaver Creek qui traverse le ranch V-Bar-V est d’ailleurs un affluent de la Verde River dans laquelle il se jette quelques 16 km à vol d’oiseau plus loin au sud ouest, distance qu’il faut multiplier par 3 voire 4 compte tenu des méandres du creek.
Les Sinagua occupèrent cette région entre 500 et 1425 après J.-C.
Ces panneaux de pétroglyphes sont donc attribués aux Southern Sinagua.
Le volontaire est maintenant tout à nous. Il insiste sur le fait que ce qu’il va nous dire concernant les symboles n’est qu’une interprétation. Ces panneaux de pétroglyphes ont été réalisés entre 1150 et 1350. Il nous explique d’abord que la patine qui recouvre les parois (desert varnish) est constituée de manganèse, fer et d’argile et de colonies de bactéries microscopiques vivant sur la surface du rocher depuis des milliers d’années.
Il nous décrit ensuite quelques éléments.
D’abord cette fissure dans la roche, à gauche. Tous les formes zoomorphiques et anthropomorphiques semblent en sortir, s’en éloigner. La fissure pourrait être une représentation de l’origine du monde.
Les taches jaunes et blanches sont dues à du lichen et d’après le volontaire, il n’est pas possible de l’éradiquer sans abîmer les dessins, qui sont condamnés à disparaître tôt ou tard à cause de ce même lichen.
Il nous parle ensuite des points de repère dans la roche, qui marque les deux équinoxes et les deux solstices. Il nous dit que un ou plusieurs membres de la tribu était dédié à l’étude du cycle des jours en fonction du soleil.
Les représentations anthropomorphiques dont les têtes sont ornées comme les exemples (1 et 2) ci-dessous, représentent des filles non encore mariées. Elles portaient une coiffure distinctive, où les cheveux étaient enroulés au-dessus des oreilles. L’on retrouve ces coiffures chez les Hopi, qui se considèrent les descendants de Sinagua. Voir à ce propos, ces images disponibles sur la banque de photos Alamy.
Ce qu’il nous raconte pour la photo (3) est tout simplement extraordinaire.
La roche de couleur claire a été travaillée. Lorsque le soleil arrive de biais, l’ombre projetée est la réplique parfaite de la ligne de crête des San Francisco Peaks. Il nous montre une photo de la ligne de crête mise en parallèle avec le profil de la pierre. La théorie se tient, il n’y a rien à dire.
Nous posons encore quelques questions et repartons alors qu’un autre groupe arrive.
Nous retournons à la voiture, sans oublier d’admirer le contraste du ciel bleu et des feuilles des cottonwood trees.
La suite de nos pérégrinations de touristes dans le prochain billet.
Autoportraits du jour
Vous ne trouvez pas que Stefano a un petit sourire espiègle ?