Ce matin, nous partons vers l’inconnu. Nous partons en effet vers Todie Canyon. Todie Canyon est l’un des canyons qui permettent de rejoindre le Grand Gulch. Dans cette catégorie de canyons, nous avons déjà à notre actif Kane Gulch, Bullet Canyon, Polly’s Canyon et enfin Sheiks Canyon.
Nous avons pris le demi-sac Burton qui contient notre maison. Nous avons prévu de passer la nuit sous la tente, afin de ne pas avoir à faire la route ce soir pour revenir à Blanding. Comme nous étions limités en terme de poids et de place, nous avons opté pour notre tente 2 places au lieu de la 3 places que nous utilisons habituellement. Ce sera l’occasion de l’étrenner et de se serrer l’un contre l’autre car la nuit s’annonce fraîche.
Nous nous arrêtons à la Kane Gulch Ranger Station pour acheter notre passe annuel pour la Cedar Mesa. À 8 heures et quelques du matin, elle est déjà prise d’assaut par des randonneurs espérant pouvoir décrocher un permis pour Moon House. Lorsque nous mentionnons notre destination du jour au ranger, il montre peu d’enthousiasme. Il nous dit ne pas conseiller cette destination mais ne pas pouvoir l’interdire. C’est sans doute parce que la descente initiale dans le canyon lui-même est un peu technique. Bah, nous verrons bien sur place.
Nous quittons la UT-261 pour nous engager sur la piste.
Le bétail a pris possession de la piste qu’il occupe sans vergogne. Certains bestiaux sont même allongés en plein milieu et il nous devons faire preuve de beaucoup de dissuasion pour les en déloger. Nous n’avons pas d’autre solution que de donner un léger coup de klaxon pour faire déguerpir un petit veau nonchalant.
À 8 heures 50, nous sommes prêts à partir.
Nous signons le log book…
… et nous partons à l’aventure.
Très rapidement nous sommes au bord de Todie Canyon. Il nous faut juste trouver l’endroit où descendre.
Quelques cairns indiquent la direction.
La descente est effectivement un peu technique. Elle consiste à se faufiler entre de gros voire très gros rochers ou à les escalader pour mieux en redescendre. C’est très fun, même si nous faisons très très attention. En moins de 13 minutes nous sommes en bas. Presque pas drôle.
Nous voici dans Todie Canyon. Il n’y a plus qu’à.
Très vite, nous apercevons des vestiges de la présence des Anasazis.
Si, si, regardez bien… Tout en haut, dans l’alcôve, quelques greniers sont visibles.
Les traces de ghost walls (murs fantômes) montrent que la rangée était continue. Il y avait en tout cas 8 constructions en enfilade.
Un peu à l’écart, deux autres constructions.
Todie Canyon est tout simplement magnifique. Pour l’instant, la végétation est conciliante et nous laisse facilement passer.
Encore quelques ruines dans une alcôve.
Inaccessibles bien sûr, comme toutes les précédentes.
Même si notre progression est facile, elle n’est quand même pas dépourvue d’intérêt et de difficultés sporadiques. Ici, nous n’avons pas d’autres solution que de nous glisser entre la roche et la végétation. Pas loin, mais vraiment pas loin, l’eau guette un faux pas.
Nous avons atteint le Grand Gulch.
Les prochaines ruines sont accessibles. Elles sont sur deux niveaux.
Il y a même de la poterie. Deux fois Yes!
Cette branche est le seul souvenir du toit.
Les Anasazis savaient occuper le moindre espace propice à une construction. À moins de me mettre à 4 pattes puis de ramper, je ne peux m’approcher plus.
Un reste de pierre qui servait de metate.
Je suis en train d’observer le midden, en contrebas des habitations. C’est là qu’en général se trouvent en nombre les morceaux de poterie. Mon regard passe sur un reflet blanc qui affleure la surface, puis reviens dessus. Je l’effleure du doigt, histoire d’enlever le sable qui l’entoure. Et là, mon cœur se met à battre. Je n’en crois pas mes yeux. J’ai trouvé une pointe de flèche ! La première de toutes nos explorations. Stefano me voit arriver comme une folle, les yeux brillants, les 2 mains en coupe, tenant délicatement ma précieuse trouvaille. Une puis deux photos plus tard, je la remets religieusement à sa place.
Les seuls pétroglyphes du lieu sont ceux-ci.
Les environs du site. À contre-jour, Todie Canyon.
Nous allons explorer le niveau inférieur.
Le toit de cette pièce est intact.
Nous nous remettons en route. Les ruines que Stefano a prévu de nous faire découvrir sont encore plus loin. Les ruines que nous venons de visiter sont un extra.
Nous y sommes…
Le site s’appelle Split Level Ruins et il est tout simplement magnifique.
La tour carrée, sur deux niveaux, est sans doute à l’origine du nom du site.
Les morceaux de poterie peints y foisonnent.
12h23. Stefano me révèle son plan. Revenir sur nos pas, passer l’embouchure de Todie Canyon et remonter le Grand Gulch jusqu’à Turkey Pen. Wow! Tout un programme.
Mais que font les rangers ? Qu’ont-ils de mieux à faire que de venir nettoyer les sentiers et couper les arbres tombés ?
Nous suivons un vrai sentier. Mais la nature a horreur du vide et ces plantes ont presque réussi à anéantir le sentier. C’est la première fois que nous voyons une telle concentration de ces plantes, qui nous font penser à de l’oseille sauvage, mais deux à trois fois plus volumineuses. Nous en avons vu quelques pieds dans des prairies et nous avons constaté que le bétail les dédaigne.
Paysage et couleurs typiques du sud de l’Utah. Le ciel est presque trop bleu. Mais nous n’allons pas nous plaindre.
Le sentier suit tantôt le lit du wash mais souvent cherche le plus court chemin et coupe ses méandres. À chaque fois que nous sortons du wash, nous avons droit à une courte montée bien raide dans du sable. Même topo lorsque nous y rentrons, sauf que là, ça descend et que c’est un peu plus facile mais beaucoup plus traître. Je me méfie des racines traversantes où un pied pourrait se coincer.
Un faint trail dévie du sentier principal. Une occasion comme ça, ça ne se rate pas. Il nous mène à des ruines.
Un toit effondré. On voit encore le treillis de branche recouvert de boue.
Si les constructions n’ont rien d’exceptionnel, les dessins muraux sont nombreux et très bien conservés.
Les voici.
Le dessin qui retient notre attention est hors du commun. Notre imagination galope. Une chèvre, des roues : mais bien sûr, une chèvre-mobile. Complètement absurde si l’on considère que les Anasazis ne connaissaient ni le fer ni la roue.
La voilà de plus près. Tout simplement splendide.
Nous reprenons notre marche vers Turkey Pen.
Lorsque nous repérons Stimper Arch, nous savons que nous n’en sommes plus loin.
Les voilà.
Nous apercevons d’abord la construction du niveau supérieur, inaccessible. Que ne donnerait-on pour pouvoir s’en approcher.
Nous repartons découvrir, pour la troisième fois, ce magnifique site qu’est le Turkey Pen.
Trois choses à remarquer sur la photo ci-dessous : le plafond noirci par la suie des feux , les pictogrammes et également les impacts de boules de boue. Ces impacts m’ont toujours intriguée et m’intriguent encore. Pourquoi lancer des boules de boue. Était-ce un jeu ? Qui lançaient ces boules et à quelle occasion ?
Nous trouvons un reste de corde en fibre de yucca,
des bouts de poterie bien sûr, des rafles de maïs et un bout de quelque chose tressé.
Nous nous questionnons quant aux feux. Les Anasazis restaient-ils dans les pièces où les feux étaient installés ? Au vue de la suie qui recouvrent les plafonds, l’air ne devaient être irrespirable.
Le turkey pen qui a donné son nom au site. C’est d’ailleurs une fausse interprétation. Ce n’est pas un enclos mais le reste inachevé d’une construction, appelée Jacal par les Espagnols. C’est une ancienne méthode que l’on retrouve dans pratiquement tout le sud-ouest des États-Unis. Les branches qui se dressent constituent le treillis qui aurait été ensuite recouvert de boue.
La vue depuis le site de Turkey Pen.
Quelques pictogrammes / pétroglyphes :
Dont des mains et des formes anthropomorphiques.
15 heures. Il est temps de prendre le chemin du retour. Nous comptons 3 heures pour rejoindre la voiture. Il nous faudra ensuite monter la tente et préparer le dîner.
Le retour à l’embouchure de Todie Canyon se fait à un rythme accéléré. Nous sommes sur du plat, alors autant en profiter et gagner un peu de temps. Enfin lorsque la végétation est conciliante.
Nous sommes tous surpris lorsque nous arrivons à l’endroit où commence la sortie de Todie Canyon et la remontée sur le rim. Nous pensions mettre beaucoup plus de temps. D’autant que la déclivité et la fatigue nous avaient fait ralentir notre allure.
Il nous faut moins de 15 minutes pour remonter sur le rim, par un chemin alternatif qui nous semble plus facile que celui pris lors de la descente.
Sur le rim, nous repérons des ruines qui nous avaient échappées ce matin.
Nous sommes à quelques centaines de mètres de la voiture. Il est presque 18 heures.
Stefano me dit : tu sais, si tu veux, on peut aussi rentrer à Blanding plutôt que de passer la nuit ici. J’accepte l’offre en une demi-seconde, sans regret. La tente c’est bien, un bon lit confortable c’est encore mieux, surtout après une longue et belle randonnée et en vue de celle qui s’annonce demain.
Nous rentrons à Blanding, tout joyeux de notre magnifique journée.
Faune du jour
Flore du jour
Autoportraits du jour
Ce n’est de loin pas notre meilleur autoportrait, je sais.