Cette journée est consacrée à la découverte de deux villages situés sur les hauteurs de Malvaglia, sur les flancs du Pizzo Muncréch. Tous deux – Solgone et Monte Crecch – sont extrêmement pittoresques, composés de maisons de vacances rénovées et soignées. C’est parce que nous choisissons de descendre par l’itinéraire le plus long que nous pourrons admirer deux ponts romans : ponte Canè et ponte Laú.
Ce matin, nous partons de Malvaglia. Stefano a soigneusement étudié non seulement les itinéraires de rando mais également les endroits où nous pouvons laisser la voiture toute une journée. Le parking de l’église est un de ces endroits. Il fait déjà chaud, bien chaud, bien au-delà des 25 degrés. Sur la place, l’ombre est rare et en fermant la voiture, nous nous disons que ce soir, en la récupérant, ce sera une étuve. Le prix à payer pour avoir un magnifique ciel bleu. On ne peut pas tout avoir, dirait ma Maman !
Tout en longeant la route cantonale via une petite rue dans une zone résidentielle, nous admirons l’audace de certains architectes qui ont su construire des maisons au style épuré, comme nous aimons.
Nous traversons la route pour rejoindre une piste forestière.
Puis enjambons une petite rivière, Legiuna, qui se jette, quelques mètres plus loin dans le Brenno dont j’ai déjà parlé précédemment. Nous aurions pu passer à gué car l’eau est rare mais nous ne doutons pas un seul instant de la raison d’être du pont. En cas d’intempérie, la Legiuna doit être redoutable.
Voilà le premier panneau de la balade du jour. Les options ne manquent pas. Celle qui nous interpelle est évidemment celle marquée de blanc et de rouge. Et si j’ai bien compris, Muncrèch, ou Monte Crechh ou encore Montegreco fait partie du programme. Trois noms pour un seul et même lieu.
De rouge et blanc, la montée vers le village de Pontironetto n’en a que le panneau. Le sentier est en réalité une vieille route, agréable à la marche, qui nous laisse cependant suants et dégoulinants. Nous avons des réminiscences de nos randonnées pédestres et parfois urbaines à Houston et de nos tee-shirts en mérinos gorgés de sueur.
Depuis la plaine, nous avons déjà pris un peu d’altitude. Voici quelques maisons de Pontironetto, village de vacances.
Une route (une vraie, étroite certes, mais goudronnée) traverse le village en direction de Pontirone, autre village à peine plus grand que son petit frère. D’ici, nous ne le voyons pas car il est à l’intérieur d’une vallée, la vallée où coule la fameuse Legiuna.
Cependant, nous ne sommes pas venus au Tessin pour marcher sur du goudron. Un joli sentier « construit » de pierres plates arrangées sous forme de marches, encadré parfois d’empilements latéraux de pierre pour le soutenir, nous élève sur les flancs du pizzo Muncréch que nous ne discernons pas encore.
Parfois, le tracé a été fait de telle sorte à utiliser le relief à disposition, limitant ainsi le travail à fournir.
Le cheminement est plaisant, bien qu’exigeant. Un peu moins de 300 mètres plus haut, une petite maison-étable au toit parfaitement refait, tiré au cordeau.
Le sentier se transforme et devient plus lisse alors qu’il traverse un sous-bois d’épineux.
Les pierres de soutènement se font plus rares, plus épisodiques,
avant de revenir en force, pour notre plus grand soulagement, lorsque le sentier se rétrécit et s’expose au vide.
Bref, vous l’aurez compris, le terrain est varié et nous ne nous ennuyons pas.
Parce que sur la carte une section semble plus raide et plus exposée que les autres, nous choisissons une alternative plus longue. Nous irons tout droit, plutôt que de monter à droite (photo ci-dessous).
Nous n’arriverons pas à trouver l’alternative la plus longue mais au moins aurons-nous la surprise de trouver une bouteille de champagne nichée – c’est le cas de le dire – dans une vieille souche d’arbre. Allez savoir quelle histoire se cache derrière ! Ici le panneau indique la « variante MEI » et un peu plus tard une autre feuille plastifiée indiquera « variante BERÜD ».
Nous sortons de la forêt et marchons maintenant sur un sentier large, pris à la montagne. Sur notre droite, la pente est verticale.
Puis, devant nous, se dévoile un petit village accroché à la montagne. Que ne devaient pas faire les anciens pour survivre… Nous sommes à Solgone.
Nous traversons le village à deux reprises, à la recherche d’une fontaine. Les ruelles sont étroites, entrecoupées de volées de marche. Des gouttières en cuivre encore brillant témoignent de rénovations récentes.
Certaines bâtisses ressemblent à des maisons de schtroumpfs. Ou de trolls.
Alors que nous renoncions presque à trouver une fontaine, une affichette, accrochée sur un robinet à sec, donne de précieuses indications.
Il nous faut quitter le village par l’est et marcher une centaine de mètres.
Mais le détour en vaut la chandelle. L’eau coule à flot et sa fraîcheur est revigorante.
Le chemin qui en revient.
C’est sur une table et deux bancs de pierre que nous prenons notre pause de midi. Nous faisons particulièrement attention à ne pas chatouiller d’orties, très présentes autour de la table. Nous partons ensuite en direction de notre prochain objectif, Montegreco.
Nous nous retournons. Tout à l’heure, de face, le village nous semblait accroché à la montagne. De profil, il nous semble plutôt suspendu. Nous n’osons imaginer le travail qui fut nécessaire à la construction des maisons.
Le sentier traverse un mini-hameau, très proche de Solgone, au nom très terre à terre : Case di dentro – ou les maisons de l’intérieur. Un monte-charge y arrive, mis en évidence par une grosse boule orange
Un peu plus loin, nous voici à Case di fuori. Les maisons de l’extérieur. Logique, n’est-ce pas ? Que dire de ces maisons, sinon qu’elles sont magnifiques ?
Nous avons gentiment commencé la descente. Descente qui, me promet Stefano, sera douce mais longue. Effectivement, la pente reste très raisonnable. Pour l’instant en tout cas.
Alternativement, nous avons une belle vue sur le val Blenio côté Olivone ou côté Biasca.
Le ciel s’est obscurci et l’humidité nous colle au sol. Mais l’effort est moindre et nos jambes apprécient le répit.
Nous laissons derrière nous la forêt et traversons un pâturage légèrement boisé. En son centre, à sa largeur la plus étroite, un oratoire dont la mosaïque, très récente – 2012 -, représente un baptême. L’artiste – Lucia Derighetti – est une enfant de la vallée.
Autour, un immense banc de bois et de pierre.
Nous sommes à Ranch.
Les arbres sont jeunes et les fougères gagnent du terrain. L’issue semble inévitable. Petit à petit, le pâturage va disparaître, absorbé par la végétation.
Quelques dizaines de mètres plus loin, les vestiges d’un moulin, le murin da Ränch. Détruit par une avalanche en 1919, le moulin était alimenté par de l’eau de source dont le débit pouvait atteindre 600 litres d’eau à la minute. C’était un élément clé de la vie paysanne d’alors, où les patates et le seigle étaient cultivés. Montegreco fut, par le passé, un village très actif, dont l’apogée se situe entre 1600-1800, avant l’exode inéluctable vers la vallée.
Voici le seul vestige qu’il reste du moulin : sa meule de pierre.
Le sentier continue, sans prendre ni perdre de la hauteur, comme accroché à la montagne. Certains passages sont étroits, très étroits, avec, côté vallée, le vide, sans un arbre ou un brin d’herbe pour retenir un randonneur maladroit. Je regarde les mains de Stefano qui marche devant moi. J’ai appris à repérer son stress au mouvement de ses doigts, de l’index qui vient toucher le pouce, le majeur prenant la relève, puis l’annulaire pour terminer par l’auriculaire avant que la ronde ne reprenne.
A l’entrée de Montegreco, une chapelle.
Une rascana, cette « échelle » de bois utilisée pour faire sécher le seigle. Comparée à celle près de la maison, à Olivone, celle-ci est récente.
Un groupe de randonneurs aux cheveux grisonnants sillonnent les petites ruelles et s’interpellent. Nous nous asseyons un moment près de la fontaine, instinctivement, à la recherche d’un peu de fraîcheur. Nous trempons nos tee-shirts dans l’eau, laissant la laine s’imbiber et se gonfler. Le buste est un peu surpris lorsque nous le réenfilons mais la sensation de fraîcheur s’évapore rapidement.
Notre second objectif est atteint. Stefano m’en propose un troisième, puis un quatrième. Des ponts romains, aux airs faussement antiques. De romains, ils n’ont que le nom qui fait référence à l’habileté technique des Romains. Ou, nous pouvons nous satisfaire d’en avoir atteint deux et descendre directement sur Malvaglia.
Nous regardons de concert nos montres. 15h. Il est encore tôt. Continuons ! Stefano me montre le tracé. Le sentier s’étire encore le long de la montagne, perdant doucement de l’altitude. Je repère deux escarpements que je pointe du doigt, laissant une empreinte grasse sur la vitre du téléphone, pour la plus grande joie de Stefano. Ce dernier les observe puis hoche la tête : ça devrait passer, dit-il.
Nous marchons en file indienne, le sentier ne nous permettant plus de marcher de front. L’absence d’effort rend la chaleur supportable. De temps en temps, de l’air chaud passe au travers des mailles mouillées de nos tee-shirts, laissant la peau profiter fugacement d’un peu de fraîcheur.
D’une sente prise à la montagne, il devient un sentier de plus en plus structuré. Ce n’est pas de la maçonnerie élaborée mais les pierres superposées évitent que le terrain ne s’érode
Nous arrivons à Canè.
Le train n’y passe plus depuis longtemps. A moins qu’il n’y soit jamais passé.
Et voici le fameux pont romain, Ponte di Canè.
A proximité, un pont de bois, construit en 1941 et récemment rénové.
Nous sommes maintenant sur une route étroite mais goudronnée, traversant la forêt. Sur notre gauche, au fond d’une gorge, coule la rivière Òrin. Nous traversons quelques hameaux de maisons de vacances.
Un peu avant Pontéi di fuori, la route s’arrête, presque brutalement. Il y a encore deux bâtiments sur un replat avant que deux sentiers ne se matérialisent, formant une fourche. Le relief change tout aussi brusquement. La roche et la rocaille reviennent en force. Un mur en demi-lune nous laisse perplexe.
Le sentier a été savamment aménagé. Plus question de pierres grossièrement empilées. Nous sommes en présence de marches véritables.
Et, lorsque la construction n’est pas possible, l’alternative est d’attaquer la roche.
Voici un second pont romain, le Ponte Laú. Côté nord, des artistes en herbe ont décoré des cailloux.
Nous le traversons, sans même entrevoir la rivière qui coule dessous.
Tout est dit… 25 minutes jusqu’à la voiture.
Le retour dans la vallée s’accompagne du retour de la chaleur, qui pourtant, nous semble-t-il ne nous avait pas quitté. Mais elle s’impose, pesante et écrasante. Nous sommes en mode de pilotage automatique, la tête vide et zigzaguons entre les maisons, sur la route, le goudron reflétant la chaleur, tout en libérant celle accumulée.
Le soleil projette l’ombre d’un arbre sur le pare-brise de la voiture. Ce n’est qu’illusion.
Nous faisons un détour par la Coop de Malvaglia avant de rentrer et y restons un petit plus longtemps que nécessaire, appréciant la délicieuse fraîcheur des lieux.
De retour à Olivone, après une bonne douche revigorante, confortablement installés sur la terrasse, nous nous remémorons les beaux instants de la balade du jour, une chope de bière sans alcool à la main, histoire de compenser tous les sels minéraux perdus.
Flore du jour
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
A Solgone. Au bout du sentier, Case di dentro.
A Montegreco.