Pour la suite de nos explorations dans le Grand Gulch, nous nous dirigeons vers Sheiks Canyon, qui sera aussi notre route de sortie.
Un des papys rencontrés à Jailhouse Ruins nous a prédit de la neige pour cette nuit. Nous voyons les nuages s’amonceler au-dessus de nos têtes et souhaitons très fort qu’ils n’aient pas besoin de se soulager avant… quelques heures.
Inconsciemment, nous avons accéléré le pas.
Le Garmin de Stefano annonce des ruines dans un cirque du bord du canyon mais nous ne dévions pas de notre route. Nous stoppons quelques secondes pour repérer l’endroit, prendre une photo et lui dire : hasta la vista !
Le sentier est beaucoup plus technique que celui de Bullet Canyon. Les pour-off sont nombreux et les chemins d’évitement assez approximatifs, montant souvent tout droit dans le sable fuyant et les rochers instables. Mieux vaut donc les faire en montant qu’en descendant.
Nous sommes contents d’avoir choisi le bon sens de la boucle et nous nous permettons ainsi de donner un conseil à ceux qui seraient tentés par la boucle Bullet Canyon – Sheiks Canyon : commencer absolument par Bullet Canyon.
Il es 16h30 lorsque nous arrivons sur le site dit de The Green Mask.
Le site se divise en plusieurs sections et chaque section affiche des pictogrammes de plusieurs époques.
La section dite de Breech Birth Panel est composée de mains de taille adulte et de formes anthropomorphiques.
Sur la gauche, deux corps triangulaires dont les têtes blanchâtres se distinguent encore vaguement au dessus des corps ornés de plastrons.
Le nom donné au panneau provient du fait que certaines personnes ont interprété une portion du panneau comme étant une représentation d’un accouchement par le siège.
Voici un panorama qui a le mérite de donner une idée de la taille de Breech Birth Panel.
Sur la droite de la photo ci-dessus, on aperçoit un panneau noir. Tout autour, des restes de murs, marquant l’ancien emplacement d’une pièce.
La couleur noire est sans doute de la suie appliquée en guise de peinture. Des spirales ont été dessinées avec de la boue.
En voici une, prise de très près.
Une niche abrite des rafles de maïs.
Voici une idée du site dans sa verticalité. Regardez bien la 3ème photo et l’orientation de l’appareil photo de Stefano. Dans quelques lignes, vous comprendrez pourquoi.
Sur le site de The Green Mask, en janvier 1897, Richard Wetherill, un rancher de l’époque, excava la momie d’une jeune femme. Il n’en était pas à sa première tombe mais il jugea celle-ci exceptionnelle par le degré de raffinement de la sépulture : 3 sarcophages de yucca tressé, une couverture de plumes de dinde et une parure de plumes bleues d’oiseaux. Le corps était peint de jaune et la face de rouge.
Père, frères, membres éloignés de la famille, tous les Wetherill étaient ce que je qualifierais des explorateur-pilleurs de tombes qui revendaient leur butin à de prestigieux musées.
Entre Breech Birth Panel et Green Mask Panel, dans un no man’s land, des formes anthropomorphiques presque effacées.
Deux séries de deux formes, mais sur les 4, des coiffes se distinguent.
Je reviens à l’orientation de l’appareil. Au dessus de nos têtes, à presque à 10 mètres de hauteur, une série de dessins. Le style est totalement différent. La première question qui nous vient à l’esprit et de savoir comment ils ont pu aller peindre si haut. Avec des échelles, forcément. Mais des échelles de 7 à 8 mètres de hauteur ? Wow !
Ce n’est pas notre meilleur panorama mais il donne une bonne idée de la hauteur. On y voit des impacts de boules de boue, ce fameux « jeu » que je mentionne dans le billet Bullet Canyon.
Les formes dessinées sont très atypiques.
Sans chercher à interpréter, la forme de droite me fait penser à un oasis.
Voici quelques détails.
On pourrait presque assimiler quelques signes à de l’écriture.
Et de trois !
Et le masque vert, me direz-vous ?
Il est tout petit (et surtout très très haut) et tout à droite du site. Presque indiscernable. Stefano a dû me le pointer du doigt.
Le voici, avec les couleurs légèrement trafiquées afin de mieux le faire ressortir. Remarquez les impacts de boue, tout autour !
Au sommet du crâne, on distingue un anneau. Des spécialiste s’accordent à dire que The Green Mask est une représentation d’une tête coupée, un trophée, vraisemblablement brandi lors de confrontations pour effrayer l’ennemi.
Il est 17h et nous devons partir, même si nous aurions pu encore passer des heures à explorer le site.
Comme vous pouvez le constater, les falaises du canyon sont encore hautes.
Un pour-off particulièrement hargneux nous oblige à monter une énième fois sur un ledge. Nous prenons un petit coup de chaud en dépit de l’air frais, qu’un petit vent assassin et constant a malignement rafraîchi au fil des heures.
Le bout du canyon se rapproche.
Nous sommes presque au même niveau que la mesa. À ne pas manquer, tout à gauche de la photo ci-dessus, la fleur solitaire…
Stefano a encore une surprise en réserve. Je le vois soudain se diriger vers une alcôve.
D’abord, il y a ce petit grenier, parfaitement conservé, blotti au fond d’une petite alcôve.
Et puis, exposé aux rayons du soleil proche de l’horizon (il est quand même 18h30 passées), voici Yellow House.
Le yellow de Yellow House est parfaitement justifié. La couleur de la roche oscille entre le jaune et l’orangé, accentués par le soleil.
Malgré son accès facile (il n’est pas loin du trail head de Sheiks Canyon), le site est dans un état de conservation exceptionnel.
Voici le toit, pris de l’intérieur. Du travail d’orfèvre.
Je crois que nous ne pouvions espérer de meilleures conditions de lumière.
À contre-cœur, nous nous arrachons du site. Il est déjà 19h et nous devons encore rejoindre le parking soit quelques 4 km à parcourir.
L’option facile mais plus longue consiste à suivre la piste.
Mais Stefano nous a préparé autre chose : en suivant les social trails visibles depuis Google Maps, il a dessiné un tracé qui coupe dans les pâturages, ou la brousse, comme je l’ai appelée précédemment.
Nous partons donc au milieu des junipers, des pins et des buissons.
Nous arrivons à la voiture à 20h. Le soleil s’est couché et le froid s’est installé. Les campeurs avec qui nous avions échangé quelques mots ce matin, sont assis autour d’un feu. Rapidement, nous échangeons quelques mots et sans enlever nos chaussures, nous mettons la voiture en marche. Il nous faut 55 minutes pour rentrer à Blanding et notre cantine ferme à 21h. Le calcul est vite fait…
Nous arrivons à 20h57. Stefano me lâche devant la porte et va garer la voiture. Le propriétaire nous accueille avec un grand sourire. Nous voici bientôt devant un Green Curry Tofu.
Ce soir, c’est la fête ! Le poulet a été remplacé par du tofu et nous mangeons de bon appétit, commentant avec enthousiasme, les yeux brillantes, nos découvertes de la journée.
Flore du jour
Autoportrait du jour
Nous sommes tout simplement… heureux.