À 7h30, nous avons libéré la chambre, chargé la voiture et nous voici en route pour notre prochain lieu de villégiature : la bien nommée Moab. Entre Green River et Moab, il y a théoriquement moins d’une heure de route mais nous comptons bien prendre la journée complète, journée que nous entamons en allant visiter Sego Canyon.
Bye bye, Green River.
Nous partons en direction de Thompson, en passant par Crescent Junction où nous repasserons plus tard car c’est la bifurcation à prendre pour aller à Moab.
Il est 8h00 et Sego Canyon est là, devant nous, dans le noir (ou à l’ombre, si vous préférez).
Nous arrivons sur le site principal, composée de 3 parties distinctes que nous allons aborder en ordre chronologique inverse. Sur la photo ci-dessous, la partie la plus récente, tout à gauche, ne se discerne pas très bien. La partie intermédiaire fait face, sur ce gros rocher. Enfin, la partie la plus ancienne est sur la tranche droite du même gros rocher.
Ute style
C’est malheureusement la partie la moins accessible. Entre la falaise et nous, il y a un canyon de 5 à 6 mètres de profondeur, quasiment infranchissable. Et quand bien même, des barrières interdisent l’accès.
Et pour la leçon d’histoire, c’est par là.
Fremont Style
La diversité des formes et le style très affirmé de ce panneau nous émerveillent.
Les deux personnages centraux, représentés dans le plus pur Fremont style, sont d’une précision et d’une originalité sans égale. Nous aimons leur forme trapézoïdale, leur plastron orné, leur petite houppette et enfin leur yeux rectangulaires. Une merveille d’imagination et de style.
Ensuite, il y a les chèvres et le tipi (proposition d’interprétation que je me permets de faire) qui nous fait penser à une soucoupe volante. Les deux chèvres de la partie supérieure sont à croquer, au sens figuré bien sûr. Ce n’est cependant pas ce que semble penser l’archer, en face de la première dont la tête fièrement dressée semble se gausser de la menace pourtant sérieuse. Une flèche, ça fait mal. Ce sont les sabots de la seconde chèvre qui nous ravissent.
Et voici pour terminer un peu d’histoire.
Barrier Canyon Style
Stefano, en plein contemplation. Au pied de la paroi, le petit mur est une relique de la voie ferrée qui reliait la ville de Sego, aujourd’hui disparue, à Thompson.
Comme les couleurs sont assez affadies, nous les avons un peu « trafiquées » afin que les dessins ressortent au mieux. En fait, quand je dis nous, c’est plutôt Stefano qui ne compte plus les heures passées à optimiser certaines de nos photos.
Nous retrouvons des représentations de serpents. Autour de ce personnage, trois serpents dressés, dont deux tournés vers lui.
Voilà une série de trois personnages.
Je les connais tous. Je les ai vu en venant ici, en Utah, dans l’avion. Luc Besson s’en est inspiré, dans son film Valerian.
Du côté de Allred Patsy
Nous traversons la piste et remontons une centaine de mètre dans le canyon. Il y a un autre site, sur une propriété privée, avec un grand signe « No Tresspassing« . Nous, nous n’avons pas vu la barrière donc…
Nous n’aurions aucun problème à laisser une dizaine de dollars si le site avait été protégé à défaut d’être mis en valeur. Mais là, rien. Le bétail peut se coller aux parois décorées, voire s’y frotter le dos.
Et parmi ces dessins, combien sont d’origine ?
Ceux-ci ont été pris pour cible et sont criblés de balles. Déprimant !
Pour retourner à la voiture, nous devons repasser devant les 3 panneaux. Nous ne résistons pas à aller les admirer encore.
Sego Ghost Town
Non loin de là, Stefano sait que nous pouvons trouver une ghost town et son cimetière.
Même si la piste y mène, nous préférons marcher, n’ayant aucune idée de l’endroit où se trouve le cimetière.
Nous avons en tête le cimetière de Grafton, mais celui-ci n’y ressemble vraiment pas. Il est laissé à l’abandon. Sur chaque emplacement qui marque une tombe, des pièces de monnaies sont posées. Il n’y a quasiment pas de nom gravé (à part un nom à consonance italienne) et pas de dates non plus.
Nous reprenons la voiture pour aller voir la ghost town, témoignage de l’activité minière de la région, disparue au milieu du siècle dernier. L’histoire de cette ville, très fortement liée à l’exploitation minière, ressemble à beaucoup d’autres : fondée en 1910 par Henry Ballard, qui avait découvert, deux ans plus tôt, une veine de hard coal (anthracite en français). Une ligne de chemin de fer fut construite, la Ballard & Thompson Railroad, pour acheminer le minerai vers la ville de Thompson. L’eau devint très vite un problème. Trop rare pour permettre l’exploitation minière dans de bonnes conditions, elle détruisait par contre régulièrement la route et la voie de chemin de fer lors des flash floods.
J’apprends aussi que la ville, initialement nommée Ballard (sans trop de surprise vu le nom de son fondateur) changea de nom en 1918 pour s’appeler Sego, afin de rappeler cette magnifique fleur, le Sego Lily, emblème de l’Utah, qui poussait en abondance dans le canyon. Nous, les Sego Lily, nous en sommes fan. Ce sont des fleurs délicates et magnifiques qui arrivent à pousser où rien de pousse. Nous en avons régulièrement trouvé lors de nos balades, les dernières étant lors notre balade autour de Shiprock.
Un Sego Lily, ça ressemble à :
En 1947, la société décida de fermer, les coûts de production devenant supérieurs aux revenus. De 125 mineurs, seuls 27 restèrent qui se cotisèrent pour acheter la société. La société, renommée Utah Grand Coal Company fut profitable la première année. Ensuite des incendies s’enchaînèrent, détruisant le quai de chargement du minerai (tipple en anglais) ainsi que du gros matériel. Le coup de grâce fut donné par l’abandon des locomotives utilisant le charbon au bénéfice de celles utilisant le mazout. En 1955, la société fut vendue à une société texane et les maisons déplacée vers Thompson, Moab, et même Fruita, dans le Colorado.
Le siège de la société, malgré l’absence de toit, est bien conservé.
La boarding house, écroulée depuis 2010.
Des restes de la voie de chemin de fer.
Nous ne savons pas à quoi servaient les constructions de ce type. Il y en a encore trois, plus ou moins debout. Étaient-ce des habitations ou des entrepôts ? Nous sommes prudemment restés dehors, donc impossible de savoir.
Il est à peine 10h. Nous partons vers la seconde activité de la journée.
Bye bye, Sego Canyon !