Aujourd’hui, c’est le dernier jour de randonnée de nos vacances d’automne 2018. Pour clore en beauté nos vacances, nous décidons de nous offir un dernier Rim to River to Rim. Nous ferons une rencontre étonnante avec un groupe d’Amish sur le Bright Angel Trail.
Peu avant 8 heures nous sommes au départ du Bright Angel Trail et, pour bien commencer la journée, nous allons faire un petit coucou aux mules.
Nous attaquons la descente avec enthousiasme. Nous nous attendons à croiser plusieurs personnes : un couple qui était avec nous dans le Hikers Express bus d’hier et qui devait passer une nuit à Phantom Ranch et pourquoi pas le couple avec l’enfant, rencontré déjà à 3 reprises.
Entre le premier et le second tunnel, nous croisons le bouquetin déjà rencontré hier.
Devant nous, un paysage dont nous nous lasserons jamais.
Côté rim, le ciel est bien bleu et la lune ne s’est pas encore couchée.
Un peu avant d’arriver à Indian Garden, nous rencontrons sans surprise le couple avec l’enfant. Elle porte l’enfant qui pèse 12 bons kilos. Lui le reste, c’est à dire la tente, les sacs de couchage, les restes de nourriture et les déchets, comme par exemple les couches culottes sales. Ils nous racontent que le petit a réveillé tout le champ avec ses pleurs. Le gamin nous regarde, hilare, perché dans le sac à dos. Il y l’air très fier de son exploit. Nous leur disons au revoir pour la dernière fois.
Deux heures moins deux minutes après avoir commencé la descente, nous sommes à Indian Garden. Une pause technique plus tard, nous attaquons la seconde partie de la descente.
Nous longeons le creek. Même après plusieurs passages, nous aimons beaucoup cette partie de sentier : c’est une véritable oasis au milieu du désert.
Le bruit de l’eau qui coule est agréable aux oreilles et le jaune d’or des feuilles des cottonwood trees nous ravit les yeux.
Juste avant d’arriver à The Saddle, ce petit col à partir duquel comment les switchbacks du Devil’s Corkscrew, nous croisons un groupe d’Amish. La première partie du groupe est composé d’un homme et de trois femmes. D’une main, ils tiennent tous une corde constituée de châles noirs noués entre eux. Un lien symbolique, pour éviter que le chef de file ne distance les autres. Stefano les salue en allemand. Le groupe s’arrête et répond à notre salut. Fidèles lecteurs qui ne connaissez pas la communauté Amish, allez-donc faire un tour sur l’article Wikipédia.
Ils sont en habit traditionnel : l’homme porte une chemise et un gilet. Son visage est orné d’une barbe qui me fait penser à la barbe des sept nains de Blanche-Neige : longue d’environ 10 à 15 cm, elle commence au bas du menton, la partie entre la lèvre inférieure et le bas du menton étant soigneusement rasée. Un petit coup d’œil discret aux autres membres masculins du groupe confirme que la taille de la barbe est homogène. Les femmes sont vêtues d’une robe longue, aux manches longues elles-aussi, de couleur bleu. La robe est cintrée au-dessous de la poitrine s’évase pour se terminer au-dessus des chevilles. Elles portent toutes une coiffe en tissu léger, proche du crâne. Les hommes comme les femmes sont chaussés de chaussures robustes, certes, mais certainement pas adaptées à la marche en montagne.
Nous continuons la conversation en anglais. Une des femmes nous demandent si Indian Garden est encore loin. Une vingtaine de minutes, répondons-nous. Sans doute une heure pour nous, voire plus, rétorque-t-elle. Le groupe, composé en tout d’une dizaine de personnes, a passé deux nuit à Phantom Ranch. Ils nous racontent leur expérience. Nous parlons de leur mode de vie, de leurs origines suisses, pour certains. L’homme de tête, qui parle anglais avec un accent, nous dit que l’allemand est sa langue de tous les jours, qu’ils parlent entre eux un dialecte qui tire ses origines du palatin, de l’alsacien et du suisse-allemand (ce dialecte est appelé Pennsylvania Dutch, sans rapport avec les Pays-Bas), et que la messe est encore dite en bon allemand.
C’est à regret que nous les quittons, non sans avoir serré la main à tous les membres du groupe. Ils sont ravis et nous aussi. Quelle belle rencontre !
Nous nous engageons dans le Devil’s Corkscrew.
La descente jusqu’au niveau du Colorado se fait rapidement. Nous rejoignons le Pipe Creek que nous suivons sur près de 2 km avant d’arriver en vue du Colorado.
Nous parlons avec enthousiasme de notre rencontre avec le groupe d’Amish. Stefano me raconte l’histoire qu’il a lue récemment sur CNN : un saoudien, Walid Abdelwahhab, étudiant aux USA, qui, à la fin de ses études, a créé une société – Desert Farms – vendant du lait de chameau. Ses premiers producteurs de lait de chameau furent des fermes Amish. Stefano me raconte que, du fait de sa barbe, les Amish le prirent pour un membre de leur communauté. Il me narre aussi les déboires du jeune entrepreneur, comme devoir se rendre physiquement dans les fermes pour passer ses commandes, étant donné que l’usage des moyens de communication modernes (y compris le téléphone) étant proscrits par certains membres de cette communauté.
Sans vraiment nous en rendre compte, nous arrivons au bord du Colorado.
Nous marchons avec délice sur le River Trail, la section du Bright Angel Trail qui longe le Colorado à flanc de falaise sur près de 2 km et qui se termine au pont qui enjambe le Colorado.
Le soleil est encore bas et les falaises exposées au nord sont à l’ombre.
Au pont, avant la traversée.
Le Colorado, côté ouest. Le rose des falaises nous enchante.
Le point d’eau. Il y a aussi des abris à mules.
Après avoir traversé le pont, nous descendons au bord du fleuve.
Comme hier, nous nous asseyons un moment sur les rochers qui entourent le point d’eau. Nous regardons les gens passer, contemplons les falaises qui descendent abruptement et profitons de l’instant présent. Nous sommes au fond du Grand Canyon, que diable ! Un rêve réalisé pour la première fois en 2012 mais qui a embelli nos nuits depuis le début des années 2000, bien avant que les Two Swiss Hikers n’existent.
Après une petite quinzaine de minutes de repos, nous nous remettons en route. En marchant vers le Black Bridge, nous remarquons, pour la première fois, ce qui ressemble à un tumulus. Pas de nom, aucune inscription pour nous permettre d’identifier qui est enterré ici. Mes googling sont restés vains également.
Le Black Bridge.
Ajustement de laçage avant les 3 ou 4 heures de montée à venir.
Nous passons le tunnel, non sans mentionner les chauve-souris imaginaires et attaquons la montée.
Dès les premières mètres, je sens qu’elle va être éprouvante pour moi ? Pourquoi ? Aucune idée… mais j’ai les jambes lourdes et le cardio monte beaucoup trop vite. Bon, il va falloir que Stefano soit patient.
La montée reste silencieuse (en tout cas pour moi). Si je réponds, c’est par mono-syllabe. Stefano s’occupe en prenant des photos. Il chantonne. Heureusement, car moi j’ai la tête ailleurs.
La montée jusqu’à Tipoff Point est habituellement la partie la plus facile. Certes, les marches sont hautes et inégales mais la déclivité est relativement faible.
Nous y arrivons au bout d’une heure. Je lève la tête pour la première fois.
Nous ne traînons pas. Lorsque je peine dans une montée, je n’aime pas m’arrêter trop longtemps car plus le temps de pause est long, plus la période de remise en route est longue et difficile.
Je me sens revivre lors du long passage plat (le mot plat étant tout relatif) avant avant les switchbacks assassins qui mènent à Skeleton Point.
Skeleton Point.
Le reste de la montée se fait sans plus de photo. Je dois me concentrer et Stefano ne cesse de m’encourager. Comme j’ai coutume de dire, la montée n’est qu’une question de temps mais là, purée, le temps passe très très très lentement.
N’empêche ! À 16h05, nous sommes en haut, trois heures trente après avoir passé le tunnel, ce qui en soit n’est pas une mauvaise performance. Ouf, un énième Rim to River to Rim à ajouter au compteur.
Nous prenons les navettes qui nous ramènent au parking et nous descendons un arrêt avant le parking, au Maswik Lodge. Bien nous en prend, car nous retrouvons, assis sur des rochers près de l’épicerie, notre groupe d’Amish.
Nous les resaluons. Ils ont tous le sourire jusqu’aux oreilles. Ils sont tous arrivés en haut, après 10h30 d’effort. Lorsque nous entendons ce nombre, 10h30… nous restons éberlués et nous comprenons l’épreuve qu’ils ont endurée. Une des femmes est diabétique, nous dit-on. Elle ne s’est pas sentie bien durant le trajet et ils ont dû s’arrêter. Ils reprendront le train pour Phoenix puis rentrerons en Indiana on ne sait pas trop comment… Car si eux mêmes ne peuvent ni conduire ni utiliser la technologie, ils utilisent divers moyens de transport motorisés tant qu’ils ne leur appartiennent pas à condition que ce mode de transport ait été validé par leur église. Nous les quittons en leur serrant la main à nouveau. Nous sommes convaincus qu’ils auront de belles histoires à raconter à leurs petits-enfants.
Nous rentrons à Tusayan en écoutant Deorro et son magnifique morceau Five Hours que nous écoutons systématiquement lors de nos trajets Tusayan – Grand Canyon et retour. Je crois bien que la première fois, en 2012, c’était un pur hasard. Nous nous étions levés vers 4 heures du matin pour notre première descente jusqu’au Colorado et durant le trajet, ce morceau avait été diffusé sur Sirius XM, BPM51. Nous avions adoré cette musique, qui se mariait si bien au trajet sur la route déserte au milieu d’une forêt de pin, à l’ambiance nocturne et surtout à notre excitation du moment.
Sans surprise, nous allons dîner au restaurant Plaza Bonita, sans varier d’un pouce notre menu par rapport à hier. Faux ! La taille de la bière est plus importante, car le Rim to River to Rim, ça se fête !
Autoportraits du jour
À The Saddle.
Sur le pont qui enjambe le Colorado, celui qui n’est pas emprunté par les mules car son tablier n’est pas opaque.
A Tipoff Point.