Le programme d’aujourd’hui est simple : faire un Rim to River to Rim. Il est question de descendre via le Bright Angel Trail jusqu’au Colorado et remonter par le South Kaibab Trail le même jour.
Réveil à 2 heures 30 du mat’. Nous sommes beaucoup plus efficaces qu’hier. Pas de café aujourd’hui, la cafetière est tellement lente ! Si encore le café en valait la peine. J’ai pu garder mes pansements/protections d’hier. Ah, le Tensoplast, il n’y a que ça de vrai ! Le Leukotape pour lequel avait opté Stefano n’a pas eu le même succès : il s’est décollé à la douche et donc nous les refaisons avant de partir.
Il est 4 heures lorsque nous quittons la voiture, au Backcountry Information Center… Pas mal, non ?
Pour en avoir brièvement parlé hier, nous aurions préféré faire l’inverse et remonter par le Bright Angel Trail, mais nous n’avons pas encore trouvé un endroit convenable où nous garer à proximité du trailhead du South Kaibab Trail.
Il y a bien un bus, à 4h, que nous croisons d’ailleurs quelques minutes après avoir quitté le parking. Mais comme nous ne sommes pas à un arrêt de bus officiel, le chauffeur refuse de nous faire monter à bord. Pas bien grave. Nous en resterons au plan A.
Il nous faut quelques 10 minutes pour atteindre le départ du Bright Angel. Il fait nuit bien sûr et l’air est plus frais qu’hier : 3 degrés de moins, autrement dit, si nous n’avions pas regardé le thermomètre de la voiture nous n’aurions rien senti. Par contre, nous entendons le vent qui souffle violemment et nous préparons psychologiquement à manger pas mal de poussière. Eat my dust!
Nous commençons la descente dans l’allégresse totale, tout excités à l’idée de notre balade du jour. Une première pour nous.
Au loin, une toute petite lumière scintille sur le North Rim : le Lodge où nous irons dormir dans quelques jours. Ah cette petite lumière ! Elle est vraiment très loin !
Le vent souffle par rafale, soulevant le sable et la poussière du chemin. La lumière de nos frontales nous permet de distinguer distinctement les particules qui volent.
Après le premier point d’eau, une odeur particulière et inconnue réveille nos narines. Quelques secondes plus tard, nous voyons filer une queue noire et blanche : une mouffette ! Wouah, c’est la toute première de toute l’histoire des Two Swiss Hikers. Inutile de vous dire qu’elle disparaît bien avant que je n’ai eu le temps de dégainer mon appareil photo. L’odeur subsiste quelques secondes puis s’évapore.
A 05:46, nous attaquons la dernière série de switchbacks avant Indian Garden et prenons notre première photo du jour.
Quelques minutes plus tard, et nous pouvons marcher sans la lumière de nos frontales.
Le rim , à 5h59.
Nous nous arrêtons un petit quart d’heure à Indian Garden. Même si le soleil ne s’est pas encore montré, nous enlevons chaussettes et chaussures histoire de faire respirer nos petits pieds. Lorsque nous repartons un peu avant 7h00, nous sommes frais et dispo et tout ragaillardis.
Nous empruntons le Tonto Trail avant de l’abandonner pour le Bright Angel Trail. Nous longeons le Garden Creek, bordé de Cottonwoods verts tendres.
Nous ne nous rappelons pas vraiment de cette partie du sentier, déjà parcourue en 2012. Le sentier longe le creek sur en environ 2.5km.
Le soleil se fait plus franc. Je le salue, lui demande comment il va. Stefano, goguenard, me dit : « là, tu es en train d’essayer de l’amadouer ». Je réponds en riant : « c’est exactement ça… ». Effectivement, je pense à la remontée par le South Kaibab Trail, où les coins ombragés se comptent sur les doigts d’une main. Mais bon, même pas peur.
L’endroit est magnifique.
Nous laissons le Garden Creek partir verticalement sur notre droite et continuons à flanc de montagne.
Depuis que nous avons quitté Indian Garden, les hikers qui remontent se sont fait plus nombreux, ralentissant considérablement notre rythme, l’étiquette voulant que nous nous arrêtions et nous effacions afin de les laisser passer sans les gêner.
Juste avant que ne commence le Devil’s Corkscrew, une série de switchbacks serrés à la pente bien raide, nous croisons un randonneur solitaire arborant un tee-shirt Millet. Je l’arrête, lui demande s’il est français et sans surprise il confirme. Un peu surpris, je lui explique que Millet est une marque franco-française que je n’ai jamais vue à l’étranger. Nous papotons un peu puis repartons.
Le sentier passe quelque par là…
Nous rejoignons le Pipe Creek. Nous ne sommes plus loin du Colorado.
Enfin, c’est ce que nous pensions…. En réalité, nous marcherons encore plus de 2 km avant d’apercevoir les eaux boueuses du Colorado…
8h14… Nous marchons depuis 4 heures.
Le sentier se fait maintenant plus aérien, creusé dans la falaise, surplombant le Colorado.
Nous avons aperçu les ponts et logiquement le sentier se rapproche du niveau du Colorado.
Il y a même un looooooooooooong passage dans le sable. C’est dur pour les jambes mais doux pour les pieds. Les traces sur le sables sont autant faites par les humains que par les mules.
Les ponts.
Le Colorado, depuis le pont.
Les premiers bâtiments du Bright Angel Campground sont visibles.
Ce pont est réservé aux randonneurs à pied. Le second pont, le noir, lui est adapté aux mules car le tablier est recouvert de planches, ne laissant pas voir le vide.
A 9h00, nous sommes au point d’eau, les pieds à l’air, les chaussettes étalées sur un rocher chauffé par le soleil.
5 heures de descente pour 15.6 km et 1360 mètres de descente.
Nous échangeons quelques mots avec un allemand (ils sont légion ici) qui est là avec son père de 67 ans pour une virée de 10 semaines aux USA. Ils partent avant nous mais nous le rejoindrons plus tard.
Stefano, prêt pour la sortie du böcc (trou en patois de chez lui). Il est 9h30.
Le Bright Angel Creek.
Le camping n’est pas loin. Mais nous n’allons pas dans cette direction. Nous longeons le Colorado pour quelques centaines de mètres direction est, avant de le retraverser par le fameux pont noir.
Le pont noir qui se termine dans un tunnel, le fameux tunnel ou Stefano avait cru voir des chauves-souris en 2012 et que j’avais traversé à la vitesse de la lumière !
Un troupeau de touristes en canoë à investi les lieux.
A peine une demi-heure après avoir quitté le point d’eau, nous avons déjà pris quelques mètres. Eh oui, le South Kaibab Trail est connu pour être plus raide que le Bright Angel Trail mais également plus court : 10 km seulement jusqu’en haut du rim.
Les switchbacks du South Kaibab Trail. Une véritable partie de plaisir d’autant que les marches de longueur et de hauteur diverses et variées se succèdent allègrement. Tout ce que j’aime.
Mais, nous avons adopté notre rythme Two Swiss Hikers : no huffing and puffing, Que du plaisir et du bonheur.
Stefano en plein effort.
À propos, sans doute avez-vous remarqué que nous arborons des nouveaux chapeaux ? Ceux achetés à Kanab en 2010 ont été mis en retraite bien méritée. 4 ans de loyaux services, dont 4 mois intensifs.
Une portion du South Kaibab Trail.
Une nouvelle série de switchbacks, exposés au soleil. Avant de les attaquer, nous nous arrêtons et prenons un gel. Ah, ces gels, quelle trouvaille ! Seulement 55 grammes pour 150 calories en sucres lents (maltodextrine) et des précieux sels minéraux tels que potassium et sodium pour replacer les électrolytes perdus lors de l’effort. Stefano a passé quelques heures à comparer les gels de ce type disponibles sur le marché et a choisi la marque Crank. Nous les avons testés lors de nos balades à vélo et randonnées à Houston.
Nous repartons.
Nous payons cher ce petit arrêt. Les machines ont de la peine à se mettre en route. Mais tout n’est qu’une question de temps… Le dernier switchback est là puis un passage un peu exposé. Notre récompense ? Une magnifique vue sur le Colorado.
Quant aux switchbacks, les voilà !
Nous apercevons au loin les deux allemands que nous avons dépassés. Nous avons échangé quelques mots et surtout remarqué que le père n’a pas de sac à dos, des sandales Keen (avec des chaussettes), pas de lunettes, pas de chapeau et qu’il semble épuisé. Nous espérons qu’ils arriveront sans encombre en haut.
Nous arrivons à Tip Off Toint et une jonction avec le Tonto Trail.
Il fait un peu mois de 40° C à l’ombre…. Mais honnêtement, nous ne souffrons pas de la chaleur, sans doute habitués aux températures similaires de Houston, humidité en plus.
Yucca déraciné.
Au km 27, nous nous arrêtons pour enlever nos chaussures et manger une Clif Bar et des bretzels.
Un gars s’arrête et nous demande : are you broken? Non non tout va bien, le rassurons-nous. Il est avec une fille et ils marchent à toute allure.
Nous laissons passer un train de mules avant de repartir.
Une autre vue des fameux switchbacks assassins.
Nous retrouvons notre bon samaritain, à l’ombre d’une falaise, récupérant. Ils repartent à vive allure avant que nous les dépassions.
Arbre mort.
Le train de mules est arrêté, un peu en retrait. Nous pouvons le dépasser. Je demande au cowboy : « les mules sont-elle fatiguées ? ». No, me répond-il d’une voix calme, presque douce, I just give them a break.
Nous jouons ainsi au chat et la souris à deux ou trois reprises, nous faisant rattraper par les mules mais au moment où nous nous effaçons pour les laisser passer, il les arrête pour les faire récupérer. Nous aimons la manière dont il traite ses mules.
Nous dépassons notre bon samaritain, plié en deux, à l’ombre d’un arbre. Il a l’air vraiment mal en point, respirant avec peine, la bouche grande ouverte, la sueur découlant de son front. Je lui demande si ça va, il me répond que oui, alors nous passons. Tôt ou tard, nous savions que ça devait arriver. À moins d’avoir une condition physique exceptionnelle, un humain moyen ne peut maintenir un tel effort avec une chaleur pareille.
Nous profitons d’une pause gel pour laisser passer les mules.
Voilà d’où nous venons… C’est beau, hein ?
Ooh Aah Point. J’avais adoré ce nom lors de notre découverte du Grand Canyon, en 2012.
Nous croisons de plus en plus de touristes. Le rim n’est pas loin. Peu de touristes connaissent l’étiquette du parfait randonneur, à savoir que celui qui monte a la priorité, mais nous ne dévions pas d’un poil de notre trajectoire. Je crois bien qu’une dame asiatique a pris un coup de coude, involontaire bien sûr !
Snif… Nous sommes presque en haut. La balade est déjà finie.
Les derniers mètres.
Et voilà le travail ! Remarquez l’état du t-shirt de Stefano ! À croire qu’il a eu chaud ?
Chiffres du jour
– Distance 25.4 km
– Dénivelé positif : 1480 mètres
– Durée : 09h53
Faune du jour
Au bord du Garden Creek, une biche en train de se nourrir.
Flore du jour
Autoportraits du jour
Avant la remontée…
Après la remontée.