Une montée de 1’800 mètres et des poussières qui restera gravée dans notre mémoire, tout comme le passage de la Bochetta di Fiorasca, où, parait-il passaient les vaches pour rejoindre le taureau reproducteur qui attendait patiemment à Alpe di Brünesc. Nous avons de la peine à imaginer un bovidé sur ces chemins de chèvre. Mais nous faisons confiance aux récits d’époque.
Il est 8h23. Nous sommes à Broglio, prêt à partir. Broglio, un petit village de la vallée Lavizzara où un feu tricolore alterne la circulation car la rue principale du village est en travaux. Nous sommes garés à la sortie du village, le long de la route cantonale, et le sentier part du centre. Nous longeons donc la route sur quelques dizaines de mètres.
Un sentier du Tessin ne serait pas un sentier du Tessin sans un petit oratoire pas trop loin du départ, pour donner du courage aux marcheurs et les protéger de la férocité et de la brutalité de la montagne.
La première étape de la balade consiste à atteindre Monti di Rima, ce joli village dont je vous ai parlé dans le billet Monti di Rima.
Évidemment, nous avons droit à quelques centaines marches.
Nous arrivons au village par l’église, entrevoyons la dame qui nous a fait visiter la casa di Tonini, occupée dans son jardin.
Après avoir traversé le village, nous nous engageons dans un autre sentier, dans la forêt.
La déclivité varie au fil du relief et nous alternons bouts de route et portions de sentier.
Au loin, la cime du Pizzo Fiorasca, à moins que ce ne soit le Pizzo della Vena Nuova. Nous savons que nous n’irons pas aussi haut, mais de peu.
Dans la forêt, nous croisons quelques têtes de bétail et deux bergers. Stefano pose une question à l’un deux qui secoue la tête en répondant « je ne parle que français » ! Nous en profitons alors pour échanger quelques mots.
La dernière montée pour arriver à Corte Grande de l’Alpe di Brünesc est intense.
A partir de Corte Grande, la forêt s’éclaircit, nous permettant d’avoir une belle vue dégagée.
Nous regardons avec intérêt les crêtes car nous savons que, quelque part, il y a une bocchetta (une petite bouche – traduction littérale – ou brèche), c’est à dire un passage naturel qui permet de passer de l’autre côté. Mais avant, nous devons arriver jusqu’à Piatto, un autre « corte » de l’Alpe di Brünesc.
Nous voilà à Piatto. La bochetta est là, quelque part, sur ces crêtes.
Nous partons plein d’entrain à l’assaut de la crête, à essayant de deviner où le sentier va nous emmener et où se trouve la bochetta.
Je pointe du doigt le « v » au centre de la photo ci-dessous en disant : « hum, je la verrai bien là, la bochetta« . Stefano lui, pointe un autre « v », plus à gauche.
La crête recule au fur et à mesure que nous avançons. C’est très bizarre comme sensation.
Après une heure de marche, la crête nous semble encore inatteignable. Alors que les bâtiments de Piatto ne sont plus que des petits points.
A 12h26, nous avons a peu près localisé le passage. Mais diable, nous en sommes encore loin !
Je réalise que j’ai fait l’erreur d’associer notre arrivée à Piatto à « le plus dur est derrière nous ». Mais tout est une question de temps. Tôt ou tard, nous y arriverons bien, à cette bochetta !
D’ailleurs, la voilà !
La légende raconte que le berger a dû l’élargir le passage à la dynamite afin que les vaches puissent passer.
Mais moi je crois que le plus gros problème n’était pas l’étroitesse du passage mais plutôt la raideur de la pente. Pouvez-vous imager du bétail passer par ici ?
Au passage entre les deux mondes !
J’appréhende ce que nous allons trouver derrière. Pas pour moi. Mais pour Stefano. Un peu trop de vide et c’est le retour assuré.
Stefano me rassure. Certes, le sentier est raide et descend abruptement par quelques lacets raides mais le passage est court. Nous pourrons donc aller au bout de notre balade, au rifugio Fiorasca.
Le voilà d’ailleurs.
Pour y aller, et après la première section au sortir de la bochetta, le chemin passe un, puis deux, puis trois pierriers. Non. Je corrige. En fait, c’est un seul pierrier, quasi ininterrompu.
Nous y voilà.
Lors de notre visite de la capanna Pian di Crest, nous avions rencontré Fiorenzo De Rungs, l’instigateur de la rénovation du rifugio Fiorasca.
Nous n’avions pas compris que le refuge n’était pas gardé, mais ouvert et placé sous la sauvegarde des randonneurs. Le jus de pomme dont nous avions parlé lors de la loooooooooooongue montée vers la bochetta devient une réalité : la porte du refuge est ouverte, une tabelle (mot suisse tiré de l’allemand) liste le prix des boissons et ces dernières sont alignées sur un bahut. Parmi elles, du jus de pomme et du Rivella, pour le plus grand bonheur de Stefano.
Le site est entouré d’une clôture qui n’a pas empêché les chèvres d’y accéder. Des crottes jonchent le sol. Exception faite de ce point un peu désagréable (car plus que joncher, elles recouvrent le sol), la rénovation des lieux est exemplaire et remarquable. Pour avoir parcouru le livre photos de la reconstruction que nous avait montré fièrement Fiorenzo, nous apprécions à sa juste valeur le travail effectué.
Nous nous installons autour une table de pierre, posée entre les cabanes, à proximité d’une fontaine d’où coule une eau fraîche est claire. Je parviens à faire renoncer à Stefano d’y goutter. Le soleil joue à cache cache avec les nuages, dont certains, sombres, nous inquiètent un peu.
Je contemple notre itinéraire de retour, qui sera exactement le même que l’aller.
Nous devrons savourer la montée à la bochetta, qui sera la dernière. Après, nous aurons droit à 1’8oo mètres de descente non-stop, par des sentiers raides, agrémentés le plus souvent de marches de pierre.
En route vers la bochetta.
En contrebas, les cascine di Pièi, d’où viennent les chèvres. Il était prévu d’y faire un saut mais nous y renonçons. Inutile de rajouter du dénivelé pour aujourd’hui. Nous avons déjà notre compte.
Avec le ventre plein, ça ne monte pas tout seul !
Dernière section avant le passage étroit de la bochetta di Fiorasca.
Allez MC, encore un effort !
15 heures. Le temps d’un autoportrait (nous étions trop « tendus » à l’aller) et nous voilà de l’autre côté, sur le versant qui surplombe Broglio, tout en bas, au fond de la vallée.
Là, c’est Stefano en train de négocier un passage avec une marche très très haute.
Et là c’est moi. Mais vu du bas, tout semble plus facile.
Bon, ben, y’a plus qu’à !
En bas, Piatto, puis Corte Grande, et quelque part au fond, Broglio. Nos genoux frémissent et gémissent par anticipation.
La descente vers Piatto est beaucoup moins pénible que prévue. Si, à l’aller, nous avions eu de la peine à suivre le sentier, il est beaucoup plus visible au retour. Elle est poutzée en une heure pile.
Trois quarts d’heure plus tard, nous sommes à Corte Grande. Nos genoux arrivent toujours à se plier (et se déplier !), ce qui plutôt est bon signe.
La zone hors forêt se termine. Nous regardons une dernière fois les cimes alentours.
Stefano, alors que nous quittons l’alpage Corte Grande, où passe le ri di Brünèsc.
Une petit maison, à Mött di Sopra, Mött di sotto étant juste de l’autre côté de la route.
Une autre à Croadasc, merveilleusement rénovée.
Nous arrivons à la voiture un peu avant 19 heures, les gambettes un peu fatiguées mais la tête remplie de belles images. Nous irons fêter notre gros dénivelé à la pizzeria de Cavergno, avec, pour chacun, une pizza avec de la bresaola accompagnée d’une bonne bière.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
A Broglio, au parking. 8h23 du matin. Les yeux encore gonflés de sommeil.
Au rifugio Fiorasca.
Au passage de la bochetta di Fiorasca.