Patience. Car il nous faut attendre un petit moment devant la barrière fermée du parc, entrée nord. Et nous ne sommes pas les seuls. À 8 heures précises, la barrière s’ouvre et quelques minutes sont nécessaires pour rejoindre le Painted Desert Inn où se trouve le départ du sentier de la balade du jour.
L’air est frais et transparent. Devant nous, une vaste étendue traversée par un wash à sec, le Lithodendron wash. Nous avons toute la journée devant nous. Tous les ingrédients réunis pour que les yeux des Two Swiss Hikers soient brillants d’émotion. Il y a des moments dans la vie où tout est parfait. C’en est un.
La première étape consiste à descendre du rim jusqu’à la plaine. Quelques switchbaks nous y conduisent rapidement. Le soleil est encore proche de l’horizon.
Mais les couleurs sont déjà vives.
Voici une vue sur Painted Desert, notre terrain de jeux du jour. Aucune limite, si ce n’est que nous devons être à la voiture avant 17h.
D’un commun accord, nous commençons par aller revoir les pétroglyphes découverts lors d’une précedente visite.
Nous interprétons ces pétroglyphes comme un vol d’hirondelles.
Et même si ce petit panneau a été vandalisé, la bête à corne est incroyable avec ces pattes à trois doigts.
Mais la pièce maîtresse du site est sans conteste ce rocher triangulaire aux multiples dessins.
Nous faisons une petite entorse à nos principes. D’ordinaire, nous n’aimons pas publier ce que nous appelons des graffitis. Nous pensons que ce serait encourager de telles pratiques. Mais la qualité de la calligraphie de celui-ci vaut l’exception.
À proximité, un pan de butte semble présenter des caractéristiques propices à du rock art. Nous allons regarder de plus près. Nous ne sommes pas à l’abri d’une belle surprise. Mais nous restons bredouilles. Bah, on ne peut pas gagner toutes les fois.
Nous en profitons pour passer derrière la première vague de dune.
Nous arrivons sur une vaste étendue composée de replats et de creux et de bosses.
Les troncs pétrifiés sont éparpillés. Certes, ils sont moins « beaux » que ceux admirés hier. Les couleurs sont plus ternes. Mais un tronc pétrifié reste un tronc pétrifié et je vous rappelle que ces troncs étaient debout il y a 210 millions d’années. Au moins.
Regardez ce magnifique morceau d’arbre. Sans aucun contexte, juste en regardant cette photo, auriez-vous pu deviner que ce n’est pas du bois organique mais bien de la pierre ?
Souche, tronc et dunes roses.
Ce tronc, bien que présentant des cassures, est resté quasiment entier. Une grande partie est encore enfouie sous le sable.
Nous nous rappelons de cet arbre que nous avions déjà admiré et photographié lors de notre précédente visite.
Tiens, une section pétrifiée présentant des couleurs. La couleur orange est due au manganèse, le rouge, brun et jaune proviennent des oxydes de fer tandis que le dioxyde de silicium donne les teintes claires, comme le gris et le blanc.
J’aime particulièrement les troncs pétrifiés lorsqu’ils sont occupés par des organismes vivants. Je trouve que c’est une belle revanche de Mère Nature.
Parallélisme… avec une tâche jaune.
Nous nous sommes rapprochés de la ligne de dunes roses que nous suivons sur quelques centaines de mètres.
Tout à coup, une vague sensation de familier. Eh oui, nous y sommes. Nous avons retrouvé Onyx Bridge.
Au loin, nous repérons une sorte de pyramide blanche émergeant d’une dune rose et décidons d’aller voir ce duo de plus près.
Nous sommes certains de ne pas avoir rêvé mais plus nous nous approchons, plus la pyramide blanche se rétrécit. Finalement, nous la perdons de vue. Wow…
Peut-être qu’en prenant de la hauteur allons-nous la retrouver ?
Même pas. Seule explication possible : la pyramide blanche n’était autre qu’un vaisseau spatial qui s’est téléporté à notre approche. Mais nous n’ébruiterons pas la nouvelle de peur de se réveiller un matin dans une chambre matelassée, habillés d’une camisole de force.
Nous traversons le Lithodendron wash.
À quelques mètres, une zone d’un rouge vif et franc.
Nous sommes maintenant dans une vaste prairie, à l’herbe jaune.
Quelques troncs émergent.
Posé sur ce tronc, un fragment de branche (ou de tronc de petite taille) qui fût attaqué par des parasites. Nous n’avons jamais rien vu de tel.
Nous avons trouvé le Père de tous les troncs.
Ce bel alignement nous avait déjà étonnés. Nous imaginons les scénarios qui ont rendu possible le fait que les sections de tronc se soient retrouvées à la verticale.
Le temps a filé à la vitesse de l’éclair. Il est presque quinze heures. Si nous ne voulons pas nous faire sermonner par le ranger, nous devons sérieusement penser au retour.
À contrecœur, nous repérons le Painted Desert Inn perché sur le rim, et, traînant un peu les pieds, nous nous résolvons à rentrer.
Mais non sans gaspiller quelques pixels.
Nous faisons un petit crochet pour nous approcher de ces pierres éparpillées sur cette butte qui pourraient avoir été choisies pour y graver des pétroglyphes.
Niet ! Dommage, car les pierres sont recouvertes d’une belle patine du désert.
Nous rejoignons un randonneur solitaire que nous avions aperçu au loin à plusieurs reprises. Nous remontons ensemble au Painted Desert Inn. Je laisse les deux messieurs papoter pendant que je me concentre sur ma respiration. Lorsque nous lui demandons où il habite, il nous répond : une petite ville, que vous ne connaissez sans doute pas. J’habite à Montrose, nous dit-il. Stefano rétorque : ah oui, à côté du Black Canyon of the Gunnison. Le gars se retourne, tout étonné que nous connaissions ce coin et de savoir que nous avons passé en tout cas une nuit à Montrose.
Sans surprise, nous sortons du parc à l’heure, tels deux petits suisses ponctuels que nous sommes.
Ce soir, c’est décidé. Nous irons manger au restaurant italien de Holbrook. Peut-être une pizza ?
Autoportraits du jour
Quelque part, au milieu du Painted Desert.
À Onyx Bridge.
Parce que ça faisait longtemps que je pensais à un autoportrait de ce style… On a bien ri.
En rentrant, sur une crête du Painted Desert.