Magnifique journée passée à explorer la section nord du parc. Partis du Painted Desert Inn, nous descendons dans la plaine et passons notre journée à explorer, hors des sentiers battus, les merveilles que recèle Painted Desert Wilderness Area, parmi lesquelles Onyx Bridge.
Ce matin, le réveil sonne à 6h. Nous patientons un peu avant de partir car nous avons été efficaces dans notre préparation et avons un peu d’avance. Il a plu cette nuit et gelé immédiatement après. Le parking est une véritable patinoire. Il fait un petit 0° C. Sur la voiture, les gouttes de pluie sont maintenant des petites gouttes de glace. Nous n’avons pas de grattoir et donc nous faisons comme les autres. Nous attendons patiemment dans la voiture, le moteur allumé, que la glace veuille bien fondre. Pas très écolo tout ça, je vous l’accorde…
Le parc n’ouvre qu’à 8h. Pour l’avoir franchie dans le sens de la sortie hier, nous savons que la route est fermée par une barrière, sans possibilité donc d’ignorer les horaires.
8h08. L’entrée nord du parc (hier, nous avons photographié le panneau de l’entrée sud).
La lumière est magnifique.
Nous nous arrêtons au Painted Desert Inn, anciennement appelé Stone Tree House car construit initialement avec des morceaux de troncs pétrifiés. Rénovée et agrandi en 1930, il ressemble maintenant à un pueblo, aux façades recouvertes d’adobe.
Nous sommes accueillis par un ranger qui vient nous saluer et nous demander où nous comptons passer notre journée. Il nous propose de participer à une randonnée guidée, ce qui nous refusons poliment. D’abord, il nous faudrait attendre 10h30 et ensuite nous ne sommes pas ici pour voir du monde mais pour être seuls. Une randonnée guidée privée aurait été acceptée avec enthousiasme. Il nous montre ensuite complaisamment la direction à suivre pour parvenir à Onyx Bridge. Devant tant d’empressement, nous nous gardons de mentionner que Stefano a un tracé GPS.
Voici notre terrain de jeux du jour… Au milieu de cette plaine passe un creek, le Lithodendron Creek. Quelques googling m’apprendront que le mot Lithodendron est un synonyme du mot Corail qui étymologiquement vient de Pierre et Arbre (Stone et Tree) : littéralement, une branche pétrifiée.
Nous n’hésitons pas une seconde à protéger oreilles et mains. Le froid est vif est pénétrant et un petit vent mesquin prend un malin plaisir à l’amplifier.
Le sentier part du Painted Desert Inn et nous amène en quelques virages à proximité des dunes, résolument rouges.
Et voici nos premiers troncs du jour…
Le ciel, tout bleu ce matin, commence déjà à se couvrir. Des moutons… Bon signe, pas bon signe ? Un dicton italien dit : cielo a pecorelle pioggia a catinelle. Pas bon signe. Mais un poème appris durant mon enfance dit « … dans un grand ciel bleu rempli de nuages, de nuages blancs signe de beau temps ». Moi, je dis, je prends la seconde option.
Nous sommes à la périphérie de la plaine. Devant nous, le grand vide. Exactement ce que nous aimons ! Nous commençons à sentir la chaleur du soleil sur les joues. La journée s’annonce extraordinaire.
Vue du bord du rim, la plaine est jaune. Une fois en bas, nous réalisons que la végétation n’est pas très dense. Quelques touffes d’herbe par-ci par-là suffisent à rendre cette couleur.
Certaines zones sont franchement désertiques. Le sable y est blanc, rose, roux ou ocre. Quelques troncs pétrifiés ont émergés.
Des pierres rondes, éparses sur le sol, là où l’érosion les a laissées.
Un tronc solitaire gît au milieu de l’herbe. Amis lecteurs, préparez-vous psychologiquement à contempler des troncs. Qu’ils soient colorés ou ternes, ils méritent notre respect. Ils étaient vivants il y a 210 millions d’années.
Nous voyons filer notre premier lapin. Un cottontail rabbit, à en juger par sa queue blanche. Il se réfugie sous une pierre. Nous voyons son œil qui nous observe. Je me prépare à faire une photo, sans trop m’approcher afin de ne pas le terroriser. Le coquin en profite pour filer… Mais avec ou sans photo, nous avons la preuve : des lapins peuplent ces terres et n’hibernent pas.
Traces de lapin… et comme tout le monde le sait, un lapin a des grands pieds, autrement dit des pescions (private joke, ne cherchez pas !)
La plaine jaune. Ce paysage est typique des USA. Nous n’avons jamais vu de telles étendues jaunes en Europe. Le Lithodendron Creek est visible au loin. Ce petit wash s’y jettera dans une centaine de mètres.
De la neige !
Sur ce tronc, des traces arrondies. Il n’a plus son écorce. Ce n’est pas évident à voir mais si l’écorce était encore là, la surface serait beaucoup moins lisse. Seraient-ce des larves qui se seraient glissées sous l’écorce ?
Tous ces cailloux noirâtres sont effectivement des cailloux aujourd’hui mais ne sont autres que des morceaux de troncs pétrifiés.
Lithodendron Creek.
Il a plu cette nuit et sans doute ces derniers jours. Au départ du sentier, le sable était gelé. Maintenant que le soleil l’a réchauffé, il est meuble et colle avec enthousiasme à la semelle des chaussures. Nous sommes parvenus à éviter (certaines fois de justesse) les quick sands (sables mouvants) qui enrobent la chaussure sitôt le pied posé dessus.
La traversée se fera aisément. Quelques grammes de plus ou de moins de sable aggloméré sous les chaussures ne font pas une grande différence.
L’eau est gelée par endroit.
La balade se poursuit. Nous avançons plus ou moins en direction de Onyx Bridge qui reste le but de la balade. Il y a 1000 façons d’aller d’un point A au point B. La ligne droite (ça, c’est plutôt pour rallier le bureau à la maison et vice versa) et des circonvolutions à volonté, guidées par le présence d’un tronc, la rondeur d’une pierre ou la couleur d’une dune.
Celui-ci est particulièrement long.
Tout comme celui-là d’ailleurs…
Ce bout de tronc a encore son écorce. On dirait du bois, mais ce n’est pas (ou plus) du bois. C’est 4 à 5 fois plus dense. C’est froid au toucher. Et quasiment impossible à déplacer.
Nous revoilà dans une zone plus désertique. Ces pierres nous rappellent furieusement des paysages admirés à Bisti ou De-Na-Zin Wilderness Area. Elles sont si mignonnes…
Quelques mètres plus loin, toujours des pierres, mais cette fois résolument bicolores.
Nous sommes dans la zone du parc qui s’appelle Painted Desert Wilderness Area.
Nul doute que ces dunes ont été amoureusement peintes et décorées. Mère Nature a pris son temps, mais l’effort est à la hauteur de la réussite.
Nous arrivons dans une mini-combe. Au centre, un arbre énorme, tant par son diamètre que par sa longueur.
Avec et sans l’écorce.
Si certains troncs sont isolés, d’autres endroits affichent une concentration extrême.
Nous remontons un petit wash, au hasard et découvrons un long tronc, fin et parfaitement circulaire, dont la partie centrale a été entraînée par l’eau et gît, quelques mètres plus bas.
Le plafond nuageux s’opacifie. La lumière n’est plus constante.
Le centre de ce tronc est recouvert de petits cristaux blancs.
Heureusement que le Painted Desert Inn est visible sur le rim. Même si nous épuisons les piles du GPS nous pourrons rentrer. Sans ce point de repère et sans GPS, ce serait une autre histoire.
Au loin un long tronc (encore un me direz-vous). Mais celui-ci à la particularité d’être perpendiculaire à un wash. Mais, mais, bien sûr… C’est Onyx Bridge, s’exclame Stefano. Lui, à l’inverse de moi, l’a vu en photo, lors de la préparation de nos vacances.
Le soleil disparaît. Nous nous asseyons sur les deux bouts de troncs, idéalement placés à proximité du tronc et attendons patiemment le retour du soleil. Nous parlons de Trump, de ses frasques, de son gouvernement, des méthodes peu-orthodoxes des républicains et de ce pays où le pouvoir et la puissance de la religion sont tellement importants.
Le soleil revient et nous envoyons notre message SPOT du jour.
Nous entendons des voix. Non, pas des voix célestes, mais bien humaines. Un couple s’approche. Des nouveaux retraités installés depuis peu dans le Colorado, à l’est du Sangre Cristo Range, cette chaîne de montagne qui borde le parc national de Great Sand Dunes. Avant, ils habitaient Hawaii. Nous papotons et le temps file. Nous les laissons seuls à Onyx Bridge et continuons la balade, avec l’idée générale de revenir à notre point de départ, en prenant le plus de temps possible. Notre deadline : 17h, heure à laquelle ferme le parc.
Nous laissons les dunes roses et nous dirigeons vers l’ouest.
Les troncs sont partout.
Ils s’étalent à perte de vue.
Celui-ci est encore à moitié enterré.
Celui-là a perdu son centre. Ils sont tellement différents les uns des autres. Je les caresse, les flatte le plus souvent possible. Ma main ne s’est toujours pas habituée : elle attend une matière végétale, douce et chaude et ne rencontre que le froid de la pierre. Mais je n’oublie pas que je caresse un être qui vivait il y a 210 millions d’années.
Le sol est maintenant noirâtre. Quelles étaient les chances pour que les trois morceaux se détachent du tronc principal et se retrouvent posés verticalement ? Même si ce n’est que de la physique, c’est étonnant.
Ce même tronc, avec un peu de soleil. Une partie de sa surface est encore recouverte d’écorce rouge.
Nous retraversons le Lithodendron Creek. Au loin, le rim sur lequel est posé le Painted Desert Inn, est visible.
Nous dévions de notre route (il n’est pas encore 15h) pour aller voir une colline prometteuse. Bien nous en prend.
Le flanc de cette dune noire est parsemé de troncs qui, par leur présence et leur résistance à l’érosion, ont altéré le profil naturel de la dune.
Une heure et demi plus tard (ciel, que le temps passe vite !), nous devons nous résoudre à redescendre vers le creek et à songer sérieusement à rentrer si nous ne voulons pas nous faire tirer les oreilles par un ranger.
Le Painted Desert Inn est visible sur cette photo. En suivant par la gauche le bord du rim, au second décrochement, une masse un peu plus claire se dessine. C’est lui !
Nous sommes en train de longer la mesa, discutant et commentant avec animation notre première randonnée de l’année 2017.
Notre œil est soudain attiré par un rocher, dont la surface n’est pas uniforme. Des pétroglyphes !
Le cadeau suprême. Parfait pour terminer en beauté une journée déjà exceptionnelle.
Ces pétroglyphes sont sur des pierres éparpillées. Leur état de conservation laisse à désirer. La surface noire sur laquelle ils ont été gravés (par la technique dite du pecking) s’est détachée ou effritée.
Ils ont été également abîmés par la main humaine. Par exemple, cet oeil n’est pas d’origine. D’abord il n’est pas gravé mais dessiné et ensuite ce symbole ne se trouve pas dans le répertoire habituel des Anasazis. Visibles aussi, des restes de lettres.
Un rocher triangulaire se dresse, recouvert également de pétroglyphes. C’est la pièce maîtresse du site.
En voici quelques détails.
Nous nous arrachons (le mot n’est pas trop fort) à notre exploration. Il nous faut rejoindre le rim avant 17h. Hum, nous aurons sans doute quelques minutes de retard.
Les dernières dunes avant d’attaquer l’ultime montée (qui, en réalité, sera la première du jour).
A 17h et deux minutes nous sommes en haut.
Le Painted Desert Inn, dans la lumière du soir.
Nous rentrons sur Holbrook en écoutant nos chansons préférées et en nous remémorant les points forts de la journée. Nous sommes heureux, d’autant plus qu’un magnifique coucher de soleil nous accompagne.
Autoportraits du jour
A peine descendus du Painted Desert Inn. Le soleil est encore bas. Impossible de lutter pour ne pas cadrer une ombre. Alors autant en faire un autoportrait, non ?
Première pause, histoire d’enlever une couche. Le soleil est là, généreux et chaud.
A Onyx Bridge.