Aujourd’hui, nous tentons l’ascension du Mount Belford, un 14er dont le sommet culmine à 14’197 pieds (ou 4’327 mètres). Si nous avons le temps, l’énergie et l’envie, dans la foulée, nous pourrons aller chatouiller le Mount Oxford, un autre 14er accessible par une crête depuis le sommet du Mont Belford.
À Leadville, grand ciel bleu ce matin au réveil, accompagné tout de même d’un petit -7° C. Heureusement, pas dans la chambre !
Nous avons droit à une séance en règle de grattage de vitres de voiture, puis nous partons pleins d’entrain vers le sud via la US Route 24 en direction de Buena Vista et bifurquons à l’ouest sur la Chaffee County 390 Road.
C’est une dirty road de catégorie 1. Elle est toute lisse et il ne lui manque que le goudron pour remonter dans la catégorie paved road. Ce qui est bien, car nous avons 7.5 miles à couvrir avant d’attendre le Missouri Gulch Trail Head, le point de départ de notre ascension.
Comme hier, une voiture nous a précédés. C’est un pick-up Ford F-150, qui nous avons vu à plusieurs reprises en ville, peut-être même sur le parking de l’hôtel.
Le parking est encore à l’ombre, mais nous partons néanmoins avec une couche de moins qu’hier car le tracé embarqué par Stefano est clair : jusqu’à la tree line, il ne faut pas espérer autre chose que de la montée avec un grand M. Même si nous montons plein nord, à l’ombre de la montagne.
Nous traversons un torrent sur des troncs recouverts de glace. La surface de l’eau est gelée et pourtant l’eau est vive.
Le second torrent est tout aussi gelé et acrobatique.
Il nous faut à peu près 1h30 pour arriver à la tree line, quelques 550 mètres de dénivelé plus tard.
Nous y trouvons une vieille ruine, très certainement liée à l’activité minière, très présente dans la région, au siècle passé.
Encore quelques efforts et nous sommes dans une combe.
Derrière nous, le soleil.
Devant, l’ombre et le profil écrasant du Mont Belford. Nous le regardons et peinons à croire qu’une randonnée d’une journée peut nous mener au sommet.
Le soleil vient enfin nous caresser le visage.
Un pika se chauffe au soleil. Un instant, nous nous sentons proches de cet animal tout mignon. Nous nous arrêtons, le regardons et profitons avec délice des mêmes rayons de soleil.
Ah, j’oubliais… Ce n’est pas un pika bicéphale. C’est juste qu’il nous a dit bonjour d’un hochement de tête au mauvais moment.
Au fond, un cirque et, légèrement décentrée sur la gauche, le Elkhead Pass.
Nous arrivons d’ailleurs à la jonction des sentiers. À gauche, le sentier pour le Mount Belford et à droite, celui pour le col.
Les traces du conducteur du F-150 et de son chien se dirigent vers le col.
Il semble donc que nous soyons les seuls à gravir le Mount Belford aujourd’hui.
Un regard derrière nous avant de nous engager dans la montée : nous venons du fond de cette combe et du fin fond de la vallée.
La première partie de la montée est très difficile. En effet, la pente est raide et nous progressons sur des grosses pierres, peu stables et parfois recouvertes de neige.
Nous marchons avec précaution, mesurant et pesant chacun de nos pas.
Malgré l’enneigement, Stefano devine le sentier, ou plutôt l’absence de sentier. Cette montée me rappelle furieusement la montée de Starlight Arch, il y a quelques années.
Nous passons ce pierrier et arrivons sur l’herbe. Ce n’est pas beaucoup mieux. La couche de neige qui la recouvre rend le sentier glissant.
Mais au moins, là, si nous tombons, il y a moins de risque de se blesser.
Nous zigzaguons à la recherche de pierres pour trouver des points d’appuis. C’est le paradoxe !
Hein qu’elle est jolie, notre trace !
Nous suivons ainsi le ridge, plus ou moins fidèlement. Notre progression est très lente car par endroit, la neige a été accumulée par le vent. Il nous faut alors trouver des parcours alternatifs.
À plusieurs reprises, je me dis que Stefano va se retourner et me dire : on redescend, j’ai pas envie de me frotter à GVAP s’il t’arrive quelque chose !
C’est ce qui s’était passé l’année dernière, lorsque nous tentions une boucle par le Lizard head, à Moab.
Mais non !
Après plus de 4h30 de montée, nous atteignons un col. Nous sommes presque au bout de nos peines, à 4’262 mètres.
Le sommet est là, derrière moi.
Il y fait un froid de canard.
Je commence à grelotter, incapable d’ouvrir mon sac pour y chercher une couche. Le tissu du sac à dos est devenu sec et cassant. Difficile d’ouvrir les fermetures éclair avec les doigts qui tremblent.
Lorsque enfin Stefano m’a habillée tel un bébé, je regarde autour de moi et ouvre grands mes yeux.
C’est… magnifique !
Nous ne restons pas longtemps immobiles et commençons la dernière montée.
15 minutes plus tard, nous y sommes. Stefano laisse éclater sa joie !
Devant nous, la crête qu’il nous faudrait suivre pour aller au Mount Oxford.
Il est 13h07, nous avons ni le temps et ni d’ailleurs l’énergie, pour être sincères. Nous avons quitté la voiture vers 8h10 et il nous faudra autant de temps (voire plus) pour descendre.
Je trouve un petit coin de paradis à l’abri du vent, face au soleil et je reste béate, une dizaine de minutes, à me réchauffer.
Il n’y a pas une vue plus belle que l’autre. C’est un moment de parfait bonheur.
Nous envoyons notre message SPOT du jour et nous préparons à la descente…
…descente qui s’annonce longue et périlleuse…
… car nous devons descendre tout là-bas, en bas…
Faire des autoportraits dans la nature, ce n’est pas toujours facile.
Certaines fois, il faut faire preuve d’imagination.
Là, je suis très fière de moi et bénis une fois de plus nos super bâtons Leki.
Tout comme nous avons fui les plaques de neige à la montée, nous les cherchons à la descente.
Mais parfois elles sont traîtres et cachent un rocher libre. À deux reprises, je me retrouve sur les fesses. À plusieurs reprises nous faisons un faux pas et conservons notre équilibre grâce à nos bâtons.
Après 1 heure et demi de concentration extrême, nous avons fait le plus dur.
Nous repérons un hiker et son chien, au loin, au fond de la combe. Sans nul doute, c’est le conduction du F-150. Nous lançons un yeah que l’écho répète sans fin. Il s’arrête, nous cherche, nous localise et nous fait un signe de main. Un premier contact est établi, qui sera d’ailleurs le dernier.
Nous sommes arrivés dans la combe, entiers. Nous fêtons cette victoire avec une Clif Bar et entamons la dernière partie de la descente, techniquement plus facile mais oh combien encore longue.
Un dernier regard avant de franchir la tree line.
Nous égayons la descente de chansons très compliquées, parlant de lapins et de foin… Lapin et foin, ça rime !
À quelques centaines de mètres de la voiture, une tombe d’enfant, que nous avions aperçue ce matin.
Un témoignage de la difficulté et des conditions précaires de vie de l’époque.
Stefano m’a parlé de villes fantômes, non loin du parking, mais malheureusement la saison des visites semble être finie.
Et comme nous avons bien marché, nous nous disons que nous avons droit à notre Golden Burro-ito !
Avec 1’962 mètres de dénivelé positif et un second fourteener à notre actif, nous nous disons que notre balance calorique penche en notre faveur !
Autoportraits du jour
Après quelques mètres… Nous avons encore toutes nos couches.
Au sommet du Mount Belford, 14’197 pieds, soit 4’327 mètres.
Toujours au sommet…
Au col, lors de la descente.