L’année passée, nous avions déjà tenté d’aller voir les ruines de Moon House, mais l’état de la piste – la Snow Flat Road – et plus particulièrement un passage critique où nous avions « gratté » le bas de caisse, nous avait fait renoncer.
Nous avions donc ajouté une ligne à notre bucket list et, patients, attendions notre heure. Heure qui pourrait bien arriver aujourd’hui, à condition de faire partie de 8 premières personnes à se présenter à la Ranger Station en ce jeudi 9 avril 2015.
20 permis sont délivrés chaque jour, autorisant 20 personnes à accéder au lieu. Objectif : limiter la détérioration des lieux par le tourisme de masse. Il est 7h50 lorsque nous arrivons à la Kane Gulch Ranger Station. Une ribambelle de voitures sont déjà garées devant, nous faisant craindre le pire. Mais non ! Nous sommes respectivement les 6ème et 7ème.
Et voici notre laisser-passer.
Un ranger nous fait un topo : la route d’accès, le passage délicat – il n’a pas l’air affolé lorsque nous lui disons que nous n’avons pas un 4×4 – et surtout nous indique la bonne méthode pour pénétrer dans les pièces : surtout, ne pas s’aider des murs, sous peine de les faire s’écrouler.
Nous voilà partis sur la UT-261, et 10 km après la Kane Gulch Ranger Station, nous empruntons la Snow Flat Road.
À deux ou trois reprises, je descends de la voiture pour guider Stefano lors de passages difficiles sur la piste. Le fameux passage délicat s’avère effectivement délicat, la jupette de Gwendoline léchant, voire embrassant le sol, heureusement sans dégâts. Il y a une sorte de marche de quelques 30 cm dans une descente assez accentuée. Nous entassons des cailloux pour en réduire la hauteur, pensant déjà au retour, où nous devrons appréhender ce passage en montant.
À 9h30, nous sommes au départ du sentier.
Quelques stratus donnent du relief au ciel. Voici une magnifique journée qui s’annonce !
Et tout autour, des rochers, des junipers (morts ou vivants d’ailleurs), du sable et des fleurs (voir Flore du jour). Tous les ingrédients requis pour nous faire jubiler.
Le profil du sentier est un profil type canyon : marche d’approche, descente qu’il faudra remonter tôt ou tard.
Quelques cairns nous indiquent la direction, car ici, point de traces que nous pouvons suivre : nous marchons sur du slick rock, en faisant bien attention d’éviter le fameux crust, ce sable colonisé par des micro-organismes au terme de longues années de labeur. Ce dernier est aisément identifiable sur la photo ci-dessus et est caractérisé par ces petits monticules de sable noirâtre.
Stefano, très appliqué en train de prendre une photo de …. fleurs. C’est une des raisons pour lesquelles je l’aime, mon Stefano…
Photo que voici d’ailleurs…
C’est maintenant que la descente commence vraiment…
McLoyd Canyon, le canyon où se cachent les ruines de Moon House.
Les Cottonwood trees aux feuilles fraîchement écloses forment des taches vert-fluorescent.
Après environ 30 minutes de marche, le site est en vue.
Heu… Où ça ? Ben, ici, pourquoi ?
Nous ne nous précipitons pas… D’autant que devant nous, une famille – 4 enfants – est en passe d’atteindre les ruines.
Alors nous profitons pour nous imprégner de l’ambiance, préparer notre esprit et notre corps à ces 9 jours de randonnée à venir. Inspire – Expire – Ferme les yeux – Ouvre les yeux… Non, nous ne rêvons pas.
La descente se poursuit, plus ou moins exposée. Ici, nous suivons une corniche.
Nous arrivons au fond du canyon. D’après notre (maigre) expérience, nous dirions que ce monolithe, non loin du site, peut fort bien avoir fait partie du choix de l’emplacement par les Ancestral Puebloan (Anasazi).
Non loin, bien à l’abri entre des énormes blocs de rochers tombés de la falaise, se niche une petite mare (1). Vue sur le rim (2) et le fameux monolithe (3).
Il ne nous reste plus qu’à remonter sur la corniche opposée.
La famille est toujours en train de visiter le site principal de Moon House. Nous restons discrets et continuons sur la corniche, sur la gauche.
Nous trouvons quelques petits greniers dans un état de conservation exceptionnelle.
La qualité de la maçonnerie nous laisse songeurs : ni trou, ni fissure, même après tant d’années. Les empreintes des doigts qui ont appliqué le mortier composé de boue sont encore visibles.
Celui-ci a eu moins de chance : soit il a été moins protégé des intempéries, soit tout simplement massacré par ceux qui Stefano appelle en italien, les tombaroli (pilleurs de tombes).
Nous continuons sur le ledge et découvrons une nouvelle construction : une enfilade de pièces, 5 pour être précise.
Nous admirons les finitions, notamment les séries de petits cailloux alignés horizontalement à la perfection.
Leur fonction première est de consolider le mortier. Nous ne pouvons nous empêcher de penser qu’ils ont été disposés ainsi également dans un but d’esthétique.
Nous poursuivons notre exploration de la corniche et sommes stoppés nets par un bloc de roche barrant le chemin.
Après examen, nous repérons des cavités sculptées dans la roche, appelées Moki Steps, à savoir des marches permettant l’accès à la corniche supérieure. Nous n’essayons même pas de monter… Pas fous, les Two Swiss Hikers, pas envie de nous rompre le cou un premier jour des vacances (ni même un dernier d’ailleurs, ni même jamais !)
Une seule chose à faire : rebrousser chemin.
La lumière s’est légèrement modifiée et le plafond de nos 5 pièces ressemble étrangement au plafond de House on Fire.
Nous sommes maintenant seuls. Nous pourrons donc prendre tout notre temps pour explorer le site principal.
Quelques greniers, plus ou moins larges, nous mettent en appétit.
Dans un recoin, nous trouvons quelques morceaux de poterie et des rafles de maïs.
C’est enfin le moment de pénétrer dans la ruine. Le ranger nous a donné sa bénédiction.
Il faut passer un premier mur pour atteindre un couloir desservant des pièces d’habitation.
L’accès se fait par une porte étroite et des pierres ont été ajoutées pour former des marches et rendre l’accès plus aisé. Le ranger a été clair : ne pas prendre appui sur les murs latéraux pour se hisser. Nous suivons scrupuleusement ses consignes.
Derrière le mur…
À l’intérieur d’une des pièces, un dessin, tel que celui visible sur la photo ci-dessous : une bande blanche sur laquelle un croissant de lune puis une pleine lune sont représentées. Nous supposons que chaque point représente un jour. Nous ne prendrons pas de photos car nous ne voulons pas toucher les murs.
Nous ressortons pour continuer notre exploration, cette fois sur la gauche.
Le monolithe.
Moon House, profil gauche (1).
À quelques 50 mètres, une autre ruine. Les troncs posés sont les restes du plancher qui s’est écroulé (2).
Heureusement, je n’ai pas vu la gueule du dragon, à quelques mètres de moi (3). Je n’ai même pas senti son haleine fétide. Scary!
Nous suivons la corniche, sans vraiment s’attendre à rencontrer quoique ce soit. Et pourtant, très vite, d’autres ruines se dévoilent.
Ces petits greniers, principalement. Celui de droite, en pierres liées avec du mortier, a bien résisté.
Celui de gauche, construit à partir d’une structure de bois recouverte de boue – appelé jacal – s’est écroulé.
Puis, tout près, derrière une construction écroulée, une pièce. Les murs sont encore recouverts d’enduit.
Non loin, Stefano découvre des pictogrammes.
Nous poursuivons notre balade. La recherche de ruines n’est pas un but en soi. Nous profitons de l’instant présent et de la beauté du paysage.
Nous descendons dans le lit du wash car la corniche se rétrécit pour s’estomper.
De la mousse vert-fluo occupe le filet d’eau qui coule.
Entre les Cottonwood trees et moi, il y a une grande histoire d’amour…
Un pour-off bloque notre avancée.
Il est 13h30. Nous pourrions le contourner mais préférons revenir sur nos pas. Dans notre tête trotte la « marche » que Gwendoline doit passer et nous nous faisons des films. Mieux vaut prévoir du temps si le passage difficile s’avère vraiment difficile.
Il aurait fallu un coup de talon pour faire basculer ce rocher dans le wash.
Consciencieusement, nous retournons voir chaque ruine trouvée pour l’admirer encore.
Ici, le détail d’une fenêtre.
Le symbole de l’eau, dessiné sur un rocher.
Lorsque nous arrivons vers le site principal, nous trouvons deux gars allongés, en train de faire une sieste. Sieste que nous abrégeons, bien sûr !
Nous papotons un peu. Ils se lèvent et partent. Un est en surpoids, et nous le verrons s’arrêter régulièrement pour se reposer et respirer une cigarette ! C’est vrai que ça aide !
Nous profitons de notre isolement retrouvé pour envoyer notre message SPOT du jour.
Et nous voilà partis sur le chemin du retour.
Nous dépassons nos deux compères dans la montée.
Nous pensons la même chose au même moment : laissons-les derrière nous. Ils ont un 4×4. Comme cela, si nous avons un problème sur le chemin du retour, nous aurons (peut-être) de l’aide.
Nous arrivons à la voiture vers 15h30.
Nous gardons nos chaussures de randonnée au pied et nous nous lançons. Nous rejouons toujours notre film dans la tête.
Nous arrivons au passage délicat. Les pierres que nous avons entassées sont toujours là. Stefano n’hésite pas une seconde : il fait monter les tour et se lance. Une roue dérape mais nous passons aisément. Nous nous regardons et éclatons de rire, soulagés.
Comme il est encore tôt, Stefano me proposer d’aller à Muley Point pour faire quelques photos. Je bats des mains en signe d’assentiment.
À suivre…
Flore du jour
Bon, elle est un peu mal en point, mais c’est la première du jour, à quelques pas de la voiture, poussant dans du sable.
Autoportraits du jour
Promis, pour le prochain, nous enlèverons nos chapeaux.
Promesse tenue !