Lorsque Stefano m’a demandé si je voulais refaire une balade déjà faite, je lui ai répondu sans hésiter : Lower Fish Creek. Nous avions adoré ce canyon et les trésors qu’il y recèle. J’avais particulièrement apprécié la multitude de morceaux de poterie, et la variété des sites.
Nous partons sur la UT-95, passons le Comb Ridge et nous engageons sur la Comb Wash Road, une piste en réalité, direction sud. Après 50 mètres, nous traversons un wash où de l’eau coule. Ce qui calme nos ardeurs et nous rappelle que, sur une piste, rien n’est gagné et qu’il peut y avoir des surprises à chaque virage.
D’ailleurs, l’année passée, nous avions été bloqués, la piste ayant été envahie de tumbleweeds. C’est à cette pensée que nous réalisons que nos bâtons Leki sont restés à l’hôtel. Crap!
Néanmoins, nous arrivons sans encombre au trailhead et pouvons décréter en riant : cette piste est une vraie autoroute ! Car le dire avant d’arriver à destination porte malheur, a coutume de dire Stefano.
Notre « char » (c’est comme cela que les Canadiens francophones appellent une voiture). Hum, elle aura droit à un bon coup de karcher avant que la rendions.
La première partie de la randonnée consiste à rejoindre l’entrée du Lower Fish Creek canyon. Le sentier nous balade dans la broussaille.
La température est un peu virile, tout au plus 5° C. Mais le ciel est bleu et nous avons que le soleil ne va pas tarder à nous réchauffer.
Lower Fish Creek au loin, entre ces deux mesas, à droite de la clôture.
Le creek n’est plus très loin. La concentration de tamaris ne laisse aucun doute.
Nous retrouvons avec joie les cottonwood trees et leur silhouette tourmentée.
Voici le wash.
Difficile de dire si ce cottonwood tree est vivant ou non. Lorsque nous remarquons l’écorce absente de plusieurs de ses branches, nous n’avons plus de doute.
Les premières ruines sont les plus connues. Nous les repérons de loin et traversons le wash pour y accéder. Elles sont à l’ombre, abritées sous l’alcôve.
Les voilà !
Nous remettons notre étude détaillé à ce soir, espérant que la lumière du soleil soit propice. Mais impossible de s’arracher en quelques secondes de ce spectacle.
Comment ne pas contempler ces magnifiques bouts de poterie ? Sur la photo (1), un bel exemple de ce que nous évitons de faire . Nous avons trouvé ces bouts de poterie tels qui, « exposés » sur un caillou. Après la photo, nous les avons ré-disséminés et enfouis sous terre.
Allez, terminons avec ces empreintes de mains.
Nous partons en exploration d’un side canyon. Nous sommes sur un des ses rims.
C’est alors, qu’au loin, j’aperçois une structure avec ce qui ressemble à une porte, constituée de lignes droites. Stefano ne se fait pas prier pour aller voir de plus près.
Porte ou pas, nous trouvons, chemin faisant, des témoignages de l’occupation des lieux par les Anasazis. Même si elles sont difficilement discernables, ces empreintes de main, blanchâtres, le prouvent.
De vagues formes sont visibles. Telles que ces deux-là.
Je pars en exploration de cette petite faille.
Je dois y rester accroupie. Pas grand chose, mais ce petit bout de poterie, découvert entre deux rochers. Qui sait ? Peut-être y a-t-il eu une activité quelconque ?
Nous ne suivons aucun sentier (il n’y en a pas) mais minimisons au maximum notre impact sur le microbiotic crust. Le sable est un bon candidat pour accueillir nos traces.
Quelques mètres plus loin, un pétroglyphe isolé. Moi j’interprète ce dessin comme étant une hirondelle. Mais comment être certaine ?
Bon, je dois me rendre à l’évidence… Cette fameuse porte que j’avais cru voir est 100% naturelle. Tant pis. Nous avons trouvé d’autres choses.
Il faut quand même que nous pensions à revenir sur le droit chemin. Nous suivons un wash à sec car en général, il n’y a jamais de microbiotic crust dans le lit d’un wash. Et pour cause : un orage et tout est balayé.
A gauche, le lit d’un wash composé de sable uniquement. À droite, ces petits monticules noirâtres sont des amas de micro organismes, le fameux microbiotic crust. Il met des années à se constituer et une trace de pas le détruit et il faut des années pour qu’il se recompose.
Les ruines, au loin. Pour deviner l’emplacement du wash, il suffit de repérer les tamaris, ces arbres inesthétiques et grisâtres, qui envahissent les rives de quasiment tous les cours d’eau d’Utah et de Navarre.
Nous avions oublié que le sentier n’était parfois qu’un vague trace. Partis ce matin avec nos caleçons longs, nous les avons enlevés après la première montée. Peut-être aurions-nous dû les garder car aujourd’hui encore, les buissons ne nous font pas de cadeaux.
Traversée périlleuse du wash.
Nous trouvons assez aisément le second site. Nous le redécouvrons avec la même joie que l’année passée.
Nous y consacrons néanmoins moins de temps car… les heures s’envolent et nous voudrions remonter plus haut de le wash que l’année passée. Déjà que notre petite digression pour aller voir ma fameuse porte nous a coûté en tout cas une bonne heure et demi.
Les voici, bien à l’abri, sous leur alcôve protectrice.
La maçonnerie est un peu plus grossière que le précédent site.
Les empreintes de mains semblent avoir été faites hier. Elles sont d’une netteté incroyable.
J’ai promis à Stefano : une photo de poterie, pas plus. Top chrono, c’est fait !
Perspective sur Lower Fish Creek
Aujourd’hui, nous sommes en mode exploration.
Nous repérons une alcôve prometteuse. Nous nous approchons pour constater qu’elle est vide. En redescendant sur un replat, je trouve un bout de poterie. Étrange. Que fait-il là? J’en repère une autre, puis un autre, puis encore un autre. Stefano me rejoint et commence alors une pêche miraculeuse. Nous devons être sur le site d’un ancien campement : pas de ruines, mais énormément de poterie. Nous avions fait une découverte similaire l’année passée, en revenant à la voiture via un « champ », le long du Butler Wash.
Voici un premier échantillon : ce dessin en forme de vague est une première (1), de même que ce bout de poterie auquel est attaché le reste d’une anse (2) ; les morceaux rouge et noir sont également relativement rares (3).
Quatre autres pièces peintes.
Voici le site : l’alcôve et devant, le replat.
Et juste au moment de quitter les lieux, nous repérons ceci :
Nous ré-enterrons avec soin tous les bouts de poterie déplacés, les remettant au mieux à leur emplacement d’origine et nous repartons vers le sentier officiel.
Sentier qui devient d’ailleurs très vite très douloureux pour nos mollets, devenus hyper sensibles au moindre frottement.
Nous cherchons un passage alternatif et longer la paroi rocheuse, visible ci-dessous, nous semble une bonne alternative. Encore faut-il se frayer un chemin au travers des tamaris.
Mission accomplie. En cerise sur le gâteau, nous trouvons même un sentier non-officiel que nous déclarons officiel.
Nous regardons, rêveurs, le nombre de niveaux différents dans la paroi ainsi que le nombre d’alcôves (autant d’emplacements potentiels où peuvent se cacher des trésors). Hum, si nos jours de vacances n’étaient pas comptés, nous serions partants pour passer un mois ou deux ici afin d’en faire une exploration très poussée.
Tiens, d’ailleurs, l’est-y pas mignon, ce petit grenier ?
Les troncs de cottonwood trees sont aussi très beaux.
Là, un petit grenier est également visible.
Si, si, au premier niveau, un poil à gauche en partant du centre. C’étaient des malins, ces Anasazis !
Devinez qui a repéré ce petit grenier ? Occhio d’Aquila bien sûr !
Tout compte fait, deux mois ne suffiraient pas… Jugez plutôt !
A un moment, Stefano regarde sa montre et me dit : 14 heures. Crap, nous n’avons pas vu le temps passer. Il est grand temps de revenir sur nos pas, surtout si nous voulons passer un peu de temps sur chacun des sites survolés à l’aller.
Nous restons en hauteur pour éviter les buissons (nos mollets n’en peuvent vraiment plus) et retrouvons avec joie un site vu l’année passée.
D’abord les nids d’hirondelles…
… et cette succession de triangles que nous interprétons comme étant une représentation du Comb Ridge.
Dans un coin, faded, un serpent (ou de l’eau) est dessiné.
Damn it! Le message SPOT ! Oublié réparé.
Nous recroisons un couple originaire du New Hampshire, rencontré ce matin. Cette fois-ci, nous prenons le temps de papoter. Ils ont des sacs de backpacking flambants neufs : lui a un magnifique Osprey et elle un REI turquoise flashy. Tiens, d’ailleurs, elle travaille au REI de Grand Junction, dans le Colorado, là où j’ai acheté ma première paire de Vasque en 2012. Eux ont exploré un side canyon et ont aussi trouvé quelques sites intéressants. Ils renoncent à dormir ici et nous disent qu’ils vont planter leur tente dans le Butler Wash, non loin de Procession Panel, que nous avions évoqué ensemble ce matin.
Nous nous rajoutons à notre bucket list l’exploration de ce fameux side canyon.
Voilà de plus près un des petits greniers aperçus ce matin.
Nous aimons le mortier incrusté de petites pierres pour le consolider.
En voici un autre, niché bien évidemment sous une alcôve.
Et là, ce que nous adorons, c’est sa colonne, presque parfaite.
Nous retrouvons avec délice les passages dans la végétation et les caresses appuyées des branches.
Nous rejoignons le premier site de ce matin, alors qu’il est presque 18h.
Le ciel est voilé ce qui résout les problèmes de zones ensoleillées et à l’ombre.
Nous prenons à contrecœur le chemin de la voiture. Soyons raisonnables : nous ne savons pas ce qui nous attend sur la piste. Il n’a certes pas plu mais le vent nous a peut être joué des vilains tours. Je ramasse deux branches. On ne sait jamais.
Nous reprenons la piste. Au loin, je repère un rocher avec des traces qui ne semblent pas naturelles. Exact !
Le feu de camp, lui n’est pas d’époque.
Voici quelques détails.
Tous les dessins ont été faits en utilisant la technique dite de pecking qui consiste à frapper la roche avec un caillou plus dur pour faire sauter des éclats. Un gros travail de patience.
Nous arrivons sans encombre sur la nationale puis nous évoquons alors nos visions respectives et nous rendons compte qu’elles étaient très similaires. En effet, nous avions tous les deux imaginé la piste recouverte d’une épaisseur de 1 mètre de tumbleweed, le tout sur plusieurs centaines de mètres. Ce qui peut fort bien devenir réalité si le vent s’y met…
Nous arrivons à Blanding bien après 19h et optons pour le Subway. Ouais, je sais, pas très glorieux mais nous nous rattrapons en achetant des fruits que je transforme en salade grâce à mon super Opinel (oui, toujours fabriqués en Savoie, please).
Flore du jour
C’est du déjà-vu, pour beaucoup, mais elles poussent dans un environnement tellement hostiles qu’elles méritent de figurer de le Hall of Fame des Two Swiss Hikers.
Il ne manque que quelques jours à ces fleurs pour qu’elles s’épanouissent !
Faune du jour
Mais, mais c’est qui, ce petit cottontail rabbit ? C’est Frigolin, le lapin frileux, bien sûr !
Autoportraits du jour
J’ai éclaté de rire lorsque j’ai vu la bouille de Stefano faisant la moue. Quel gamin !
Stefano m’a promis qu’il ne ferait plus (enfin jusqu’à la prochaine fois !).