Depuis mercredi, nous observons avec désespoir les prévisions météorologiques. Pluie en plaine, neige en montagne. Pour samedi. Et pour dimanche. Punis, nous sommes punis.
Mais vers midi, Stefano s’agite. Il fait plusieurs aller-retours vers le velux d’où nous apercevons les crêtes du Jura. C’est décidé, nous sortons !
À 12h43, nous sommes garés à la Fontaine Froide. Nous avons passé plusieurs parkings, tous pleins. Nous nous arrêtons ici car quelques emplacements sont libres.
Quelques rayons de soleil viennent illuminer le paysage hivernal. La couche de neige fraîche est importante et les sapins sont encore lourdement chargés.
Nous échangeons un high five.
Nous suivons un sentier tracé pour les randonneurs à raquette, symbolisé par des piquets roses. Le sentier est parallèle à la piste réservée aux fondeurs et au skating.
Lorsque le chalet de la Joux de Bière est en vue, Stefano abandonne la trace et part dans la poudreuse.
Après une cinquantaine de mètres, il s’arrête et me dit : ouf, pas facile. Je confirme. J’entends sa respiration qui s’est accélérée.
Au loin, la piste que nous avons traversée précautionneusement par deux fois déjà.
Le chalet de la Joux de Bière.
Le même, vu sous un autre angle.
Nous sommes au bord de la piste de ski. Un monsieur arrive. À notre vue, il tire la langue et lance : ouf, ce n’est pas facile. Stefano lui rétorque, hilare : j’ai dit la même chose il y a quelques minutes lorsque je faisais la trace dans la fraîche. Ah, ça me rassure, ajoute le monsieur. Nous rigolons de concert.
Stefano me dit : aujourd’hui, nous poussons jusqu’au couvert de la Sèche de Gimel. Pour rappel, c’était notre destination de la semaine passée, que nous avons dû abandonner pour cause de vent et de neige.
Stefano part dans la forêt. Aucune trace pour venir l’aider. Même en étant la seconde personne, posant mes raquettes dans les empreintes qui viennent d’être marquées, je peine plus que d’habitude. Lorsque Stefano s’arrête pour engloutir une seconde Clif Bar, je comprends que pour lui c’est encore moins facile. Notre rythme est très lent mais la beauté de l’espace dans lequel nous évoluons nous fait tout oublier.
Nous retrouvons une trace de ski, ce qui nous permet d’accélérer un peu notre rythme.
Il est là, le couvert de la Sèche de Gimel. Toujours aussi beau. L’année passée, d’ailleurs, nous avons été contacté par le journal La Côte pour l’utilisation d’une de nos photos pour relater le sauvetage d’un randonneur égaré.
L’hiver, le joli mur rond de pierre sèche qui délimite la citerne est à peine visible, enfoui sous la neige.
Derrière moi, l’antenne du Col du Marchairuz.
Puisque que la trace trouvée se poursuit, opportunistes, nous la suivons. Sans trace, il serait impossible de faire plus de 4 à 5 km sous peine de ne plus rentrer dans ses jeans le lundi suivant, pour cause de quadriceps surdimensionnés. Sans parler des fessiers devenus protubérants.
Stefano regarde la carte et me dit : de là, nous pouvons aller voir 3 chalets / refuges que nous n’avons jamais encore vus.
Le premier, le refuge de La Joratte a été aperçu plusieurs fois mais nous ne nous en sommes jamais approchés car il était toujours occupé par des randonneurs.
Juste avant de dévier du sentier pour aller le découvrir, nous croisons un randonneur à ski. Un fan de la marque Mammut car il en est habillé de la tête au pied. Il est bonnard, comme on dit ici et nous papotons quelques minutes. Lui continue vers là où nous venons.
Le refuge de La Joratte. Il est chou, hein ?
Vu de derrière. S’il n’arrête pas de neiger, bientôt, il aura disparu…
Notre second point d’intérêt est un couvert.
Nous quittons la trace. Je passe devant, histoire de me rendre compte de la difficulté à marcher dans la neige profonde. Au bout de quelques mètres, je halète comme une perdue. Au bout des deux cents mètres qui nous séparent le couvert du sentier, je suis au bout de ma vie. J’ai les jambes en feu, le cardio dans le rouge. Wow… et dire que le tout a été parcouru sur du plat….
Le couvert de La Cerniat.
Nous en faisons le tour pour constater que la porte est cadenassée.
Nous retrouvons nos traces puis le sentier pour nous diriger vers le Chalet de La Croix. Nous ratons l’embranchement qui y mène et devons revenir sur nos pas. L’été, c’est une route forestière. L’hiver.. rien. Pas de trace, juste un espace entre les arbres. Cette fois c’est Stefano qui s’y colle. La couche de neige est encore plus profonde. Mais pas après pas, nous y arrivons.
Sa face cachée…
Revenus sur la trace de skis que nous suivons depuis le refuge de La Joratte, nous repartons de là où nous venons. Aujourd’hui pas de boucle parfaite, mais vu les conditions d’enneigement, tendre vers la boucle parfaite est irréaliste. Lorsque la trace se divise, Stefano me montre celle qui part à droite et me dit : je fais le pari qu’elle va à Pierre à Ecusson et qu’ensuite elle continue quelque part. Sinon, ajoute-t-il, nous sommes mal barrés.
Contrairement à la trace dont nous venons, faite avec des vrais skis de randonnée, celle-ci a été faite avec des ski de cross-country, beaucoup plus fins. La trace est donc étroite. Certes, elle nous facilite la vie mais il reste encore beaucoup à faire. Nous l’abandonnons de temps en temps, persuadés qu’elle ne va pas dans la bonne direction mais nous la retrouvons quelques dizaines de mètres plus loin. Si nous, nous galérons, lui (ou elle) a également eu beaucoup de difficulté à passer. Un ski reste quand même beaucoup moins dirigeable qu’une raquette, de part sa longueur. En contrepartie, nous pensons que l’indice de portance est plus optimal.
Nous arrivons à Pierre à Ecusson. L’été, ce petit refuge semble un peu miteux, faute sans doute à ces enfoirés de randonneurs qui pensent qu’inscrire leur nom sur les murs a une valeur ajoutée. Et bien, apprenez que non. Vos inscriptions ne font que rendre l’endroit hideux et contribuer à ce que d’autres randonneurs, toujours des enfoirés, se sentent obligés de contribuer aux graffitis.
L’auvent, recouvert d’inscription. Je ne sais pas qui est Bertine mais ce que je sais, c’est que le respect n’a pas fait partie intégrante de son éducation.
Stefano aurait souhaité qu’une trace parte vers la Sèche des Amburnex. Que nenni. La seule qui part se dirige vers le nord-est, probablement la Sèche de Gimel, d’où nous venons. Tant pis. Beggers cannot be choosy, avons-nous coutume de dire.
Je passe devant. Histoire que ce ne soit pas toujours les mêmes qui bossent.
Je marche allègrement (et péniblement) devant lorsque Stefano m’appelle. MC ! MC ! Je me retourne et le vois enfoncé dans la neige jusqu’à la taille. Après m’être assurée qu’il ne s’est pas fait mal, je me permets une photo. La situation est cocasse, même si nous ne savons pas trop comment nous allons sortir de ce mauvais pas.
First things first, je le réprimande : tu n’as pas suivi ma trace, lui dis-je… C’est vrai, car moi j’ai sagement contourné le sapin. J’enlève mes raquettes pour m’approcher de lui et m’enfonce à mon tour jusqu’aux cuisses. Mauvaise idée. Je galère pour retrouver un semblant de sol ferme et remettre mes raquettes. Pendant ce temps, Stefano s’est construit quelques marches et a pu sortir du trou. S’en suit un séance de déneigement. La neige s’est infiltrée jusque dans son cou. Nous prenons le parti d’en rire car… la situation est très drôle. Nous haletons à cause de l’effort.
Je le laisse repasser devant. Au moins je peux le surveiller (mais chut, il ne faut pas le dire…).
La trace nous ramène sur le sentier suivi lorsque nous avons quitté le couvert de la Sèche de Gimel.
Le revoici, ce joli petit couvert… Contrairement à ce matin, l’antenne du Col du Marchairuz n’est plus visible. La météo est en train de se gâter, comme annoncé.
Nous tentons de ne pas trop salir le tracé GPS et optons pour suivre une autre trace de celle que nous avons suivie à l’aller.
La trace est profonde et étroite. Heureusement que les bords ne sont pas gelés sinon la marche n’aurait pas été aisée. Difficile de marcher comme un mannequin avec des raquettes dont la largueur la plus importante est de 22.5 cm.
Stefano tourne la tête et me dit : tiens, regarde à droite. Avec surprise, nous découvrons un petit refuge : L’Intercommunal.
Ce qui reste de lisible sur le panneau bleu accroché à la porte nous apprend que ce refuge est la propriété de la commune de Le Lieu. L’intérieur est simple et rustique. Le lit est fait, près à accueillir le randonneur en détresse.
Nous repartons. Il est 17h21 et la voiture est encore bien loin.
Juste avant d’arriver en vue de la route du Col du Marchairuz, nous croisons trois jeunes gens. Deux gaillards sont devant, portant une caisse lourdement chargée. Une demoiselle est derrière, les mains dans les poches. Ils vont au refuge L’Intercommunal, nous annoncent-t-ils avec un grand sourire. Manger une fondue. Nous trouvons l’idée fort sympathique et leur souhaitons un bel appétit et une belle soirée.
Le brouillard est tombé lorsque nous arrivons à la route et nous préférons rester à distance. Prudents, nous maintenant une distance de 2 à 5 mètres entre les voitures et nous. La nuit est presque tombée. Stefano, devant, n’a pas eu besoin de se couvrir, contrairement à moi. Doudoune plus moufles magiques me gardent au chaud. Lui c’est tracer le sentier qui le garde au chaud. Nous arrivons à un parking et nous n’avons d’autre choix que d’enlever nos raquettes pour marcher le long de la route. J’ai sorti et allumé une frontale afin que nous soyons visibles.
Nous arrivons à la voiture à 18h12. La nuit est tombée. Il ne fait pas froid donc nous prenons tout notre temps pour déneiger et ranger le matériel en commentant notre extraordinaire après-midi.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
Au couvert de La Cerniat.
Au couvert de la Sèche de Gimel.