Ce billet aurait pu s’appeler « Autour du Campanitt Pizzo Colombe » car nous faisons le tour complet de cette montagne oblongue, à la crête rocailleuse et édentée. Le soleil a été particulièrement discret – autrement dit absent. Le Lèi Pécian, même dans ces conditions, nous a ravis, les rochers clairs, voir orangés, faisant ressortir ses eaux sombres.
Le ciel est chargé ce matin au lever. Comme hier, des orages sont prévus en fin de journée. Mais il ne pleut pas et l’absence de soleil rend l’air frais et vivifiant. Tout ce qu’il faut pour une petite randonnée dans le val di Blenio.
Nous partons vers le col du Lukamanier, et nous arrêtons un peu avant, dans un virage. Le parking est payant et l’horodateur n’accepte que des pièces. Ni carte de crédit, ni TWINT. Back to the nineties! Heureusement, un point d’information est ouvert et une dame me fait gentiment de la monnaie.
Nous traversons (prudemment) la route pour rejoindre le sentier qui lui est parallèle.
Le premier kilomètre se fait sur un plateau traversé par une rivière, Brenno del Lucomagno. Elle y a déposé des alluvions et du sable. Entre les herbes hautes, des fleurs et de jolis pins.
Le sentier fait ensuite un angle droit, se dirige vers la montagne et entreprend de traverser la rivière.
De l’autre côté, une cahute en bois et deux maisons dont une annonce proposer des boissons. Le tout « maison de poupée » style.
Bientôt, le sentier attaque la pente, serpentant entre les myrtilliers, les fougères et les rhododendrons et louvoyant autour blocs de rochers. Les mélèzes ajoutent une touche de dignité.
C’est tout simplement beau !
Et verdoyant !
Nous arrivons sur un autre plateau – Piano dei canali – , 300 mètres environ au-dessus du précédent.
Les nuages sont toujours là et ils se sont même délestés de quelques gouttes de pluie. Le ciel s’est encore assombri. Moi, j’aime lorsque les cimes semblent absorbées par les nuages, rendant l’atmosphère ouatée.
Cette montagne (au centre de la photo ci-dessus) s’appelle Campanitt Pizzo Colombe. Elle me fait penser au sourire édenté d’une vieille femme.
Arrivés au bout du plateau, nous nous rendons à l’évidence. Il nous faut monter un niveau plus haut. Cette randonnée ressemble à une volée de marches géantes.
La montée devient très vite exigeante. Nous croisons un groupe de jeunes anglophones éparpillés dans la pente. Ils marchent par 2 ou par 3 personnes du même sexe. Ils sont chargés, certes, mais particulièrement taciturnes. Ils évitent nos regards. Après 3 bonjours restés sans réponse nous renonçons. Tant pis pour les suivants.
Le Piano dei Canali, vu de notre perchoir.
Encore un effort : le passo delle Colombe n’est pas loin.
Nous y sommes. Tout est une question de temps, dirait quelqu’un que je connais bien !
Assis sur le col, un petit lac, le lago dei Campanitt. La température n’invite guère à la baignade.
L’objectif du jour n’est pas encore très déterminé. La première option est de pousser jusqu’à la capanna Cadagno, non loin du lago Cadagno où nous sommes allés l’été passé (voir le billet Autour des lacs du Val Piora). La seconde option est d’aller voir un petit lac un peu confidentiel – Lèi Pécian – dans la mesure où aucun sentier tracé n’y mène vraiment. La descente porte conseil, lance Stefano.
La prochaine bifurcation nous force à la décision. Les options sont variées, divisées en quatre directions.
Nous optons pour celle se dirigeant vers le passo del Sole, à proximité duquel se trouve le Lèi Pécian. Le froid se fait maintenant sentir, accentué par le vent. Nous regrettons d’avoir laissé nos gants dans la voiture tant nos doigts sont devenus gourds.
Quelques mètres plus loin, nous avons plus ou moins les mêmes options.
La direction du passo Lucomagno nous ferait quitter la sente étroite pour un piste d’exploitation. Nous gardons cet itinéraire pour un jour de grand beau temps.
Suivant notre idée, nous partons vers le sud, en direction du Passo del Sole. Nous regardons le ciel dans l’espoir qu’un petit trou de ciel bleu puisse laisser quelques rayons de soleil réchauffer nos vieux os.
Nous suivons le sentier du regard. Il s’élève doucement en léchant la base du Campanitt Pizzo Colombe par l’ouest.
La faim étant toujours gagnante, nous nous résolvons à nous arrêter sur une pente, non loin du sentier, sans que le soleil ne daigne apparaître. Nous rentrons tant bien que mal nos mains dans les manches, tentant de les soustraire au froid mordant. Pas facile de tenir un sandwich dans ses conditions.
Nous abandonnons le sentier au moment où il change de direction et partons en diagonale du Piano del Sole. De nombreux ruisseaux dévalent la montagne. La végétation est rase et les rochers nombreux.
Nous arrivons au Lèi Pécian sur sa rive nord, en son centre. Nous le contournons, à la recherche de la meilleure lumière. Avec moins de 200 mètres dans sa plus grande longueur, ses 100 mètres de largeur, le Lèi Pécian est extrêmement photogénique, même sans soleil.
A noter que Pécian est un mot en lombard qui signifie peigne, alors qu’en italien on dirait pettine. Le lac se trouve par ailleurs aux pieds du Monte Pécian, voire du Monte Pécianett, à savoir du petit peigne.
Les soldanelles aiment également sa compagnie.
Revenant sur nos pas, nous allons à l’opposé en quête d’un joli angle de prise de vue. Une partie de la surface est à l’abri du vent, reflétant parfaitement la crête de montagne qui le domine.
Pour revenir vers le sentier, nous restons en hauteur, afin d’éviter les replats marécageux qui nous ont ralentis à l’aller. Du sentier, le lac est invisible.
Quelques minutes plus tard, nous sommes au passo del Sole. Une moto arrive, silencieusement, alors que nos oreilles anticipaient la pétarade d’un moteur.
Voici le versant sud du Campanitt Pizzo Colombe.
Aux abords du sentier, une petite mare, à la couleur orange-rouille foncée suspecte. L’eau est opaque.
Le sentier longe, par le haut, un grand plateau humide, terminé par le lago di Cane.
Stefano fait un petit écart sur un sentier alternatif, non présent sur la carte, pour aller contempler ces petites gouilles.
La descente n’a pas encore commencé. Depuis le passo del Sole, nous sommes restés sur un terrain globalement plat. Nous devinons qu’au bout du plateau, une grande marche nous attend pour nous ramener un niveau plus bas. Les fameuses marches d’escalier géant dont je parlais précédemment.
Le plateau se resserre effectivement et se rapproche d’une gorge. Un panneau demande aux cyclistes de poser le pied à terre et de pousser sagement le vélo. La sente, recouverte de cailloux dont les angles vifs n’altèrent en rien leur capacité à rouler, devient étroite et exposée sur quelques mètres. Nous perdons rapidement 150 mètres de hauteur avant de nous retrouver dans une forêt de mélèzes au sous-bois recouvert de myrtilliers et de rhododendrons.
Le sentier débouche sur un vaste plateau et un hameau – Stabbio Nuovo – de quelques maisons.
Il nous reste une dernière marche. Les mélèzes ont laissé la place aux sapins et le sentier est stabilisé par des marches de pierre ou constituées d’une traverse de bois retenue par deux pieux.
Quelques minutes – intenses – plus tard, nous voici aux abords du Brenno del Lucomagno que longe le sentiero Lucomagno, dont nous avons suivi une partie ce matin.
La balade du jour est une boucle parfaite. Le parking compte quelques voitures de plus que ce matin, et un van occupe un des trois emplacements disponibles. Nous nous installons autour d’une table de bois, assis sur un banc, pour nous déchausser. Nous regardons, passifs, des randonneurs arriver et repartir, avec cette sensation de tête vide, que seule une bonne journée de marche peut procurer. Le soleil s’est enfin décidé à sortir, ajoutant une touche finale de perfection à cette magnifique journée.
Flore du jour
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
Ce matin, au petit déjeuner.
En phase d’approche du passo delle Colombe.
Au lago dei Campanitt.
Au Lèi Pécian.