Nous avons dormi du sommeil de deux hikers après une belle randonnée. Nous libérons la chambre de l’hôtel, garons la voiture sur le parking du Temple du Brassus qui semble ne pas avoir de limite de durée et partons à pied, joyeux à l’idée de la belle journée qui nous attend.
Le Brassus est l’exemple même du petit village qui a su préserver son charme malgré une activité économique florissante. Les plus grandes marques de montre de luxe y ont élu domicile, certaines depuis le siècle passé. C’est le cas par exemple de Audemard Piguet, Blancpain, Vacheron et Constantin. Pour situer le créneau économique dans lequel se jouent ces fabricants, voici un petit aperçu des prix de certains de leurs montres :
- Audemars Piguet Jules Audemars Tourbillon Chronographe Squelette : 355’800.00 euros
- Blancpain Le Brassus Carrousel Répétition Minutes : 384’200.00 euros
- Vacheron Constantin Traditionnelle calibre 2253 : 518’700.00 euros.
Voilà ! Je vous laisse réfléchir sur le train de vie de certains nantis.
La raison pour laquelle je parle de montre ? Nous passons devant un des bâtiments Blancpain.
Même si le panneau est attractif, le Mollards des Aubert n’est pas au planning du jour.
En arrivant à proximité d’un bâtiment d’où part une remontée mécanique, nous entendons un berger appeler son bétail. Ce sont des monosyllabes, lancées d’une voix forte. « Comme le faisait mon père », me dit Stefano, même si, ajoute-il, « ce ne sont pas tout à fait les mêmes sonorités ». Petit, voûté, marchant à l’aide d’une canne, le berger a bien 70 ans passés. La bergère, restée près de la voiture, et guère plus jeune, nous explique qu’hier ils ont déplacés les vaches afin de les éloigner des feux d’artifice. Là, ils sont tout simplement en train de les remettre dans leur pâturage habituel.
En marchant vers la Lande Dessous, nous ne pouvons nous empêcher d’espérer que ces personnes ne travaillent pas parce qu’elles y sont obligées mais un peu par plaisir. Quelle vie !
La Lande Dessous, le chalet des deux bergers rencontrés il y a quelques minutes.
C’est le chalet aux petits nains.
Il y en a partout. C’est désuet mais si mignon.
Entre ces deux murs, un no man’s land, bien protégé par une double-clôture. Au fond, le pâturage des Molards sur le Brassus coupé par la route du Marchairuz.
La traversée de la route du Marchairuz se fait avec précaution : certains automobilistes et motards la prennent pour un circuit d’entraînement. En témoignent les vrombissements de moteur qui troublent la tranquillité des lieux par jour de beau temps.
Le joli couvert des Mollards sur le Brassus.
Nous coupons à travers champ pour rejoindre une piste.
Les Balkans. On ne se pas trop s’il s’agit d’une maison privée ou d’une sorte de salle des fêtes
Derrière nous, Le Brassus.
Sur cette piste, ou à proximité, des bâtiments, dont celui-ci qui ressemble à un bâtiment technique.
Dans le champ opposé, une jolie cabane de bois, entre couvert et chalet privé rustique.
Et enfin, un très joli (et très vieux) chalet privé, malheureusement sans nom mais qui porte le no ECA 1330.
Arrivés en vue du Grand Molard, une voiture nous dépasse. Damn it! Il y aura une tache !
La voiture ne semble pas être celle du berger car elle est marquée d’autocollants Swissgenetics. Un jeune gars sort de la voiture, nous salue et vient vers nous. C’est un technicien inséminateur qui vient inséminer la dernière vache de sa tournée du matin. Stefano confronte ses souvenirs avec les pratiques actuelles qui ne semblent pas avoir vraiment changées, si ce n’est que la paperasse est maintenant numérique. Jadis, nous raconte-il, les bergers devaient même dessiner les veaux, afin de marquer les tâches et autres traits discriminants.
Cinq minutes après, il est parti et nous avons le chalet pour nous tout seuls.
Joli marquage. Nous en prenons de la graine pour notre activité future de baliseur de sentier.
Nous coupons par les bois pour arriver à La Cerniat.
La Cerniat est un chalet fortifié. Enfin c’est l’impression que donne le magnifique mur de pierre sèche qui l’entoure.
Hormis cela, il ressemble à n’importe quel autre chalet d’alpage.
Ce vieux tracteur semble bien rouler encore. Les signofiles ne sont autre que des flèches à actionner manuellement.
Clarisse, la petite génisse, tient absolument à nous lécher.
Lorsque les bûcherons s’amusent.
Nous suivons la route goudronnée et arrivons au Cerney. Outre les voitures, nous voyons monter une poussette et nous nous disons que ce chalet doit être inhabité en hiver seulement. Rendez-vous est pris.
Nous quittons la route pour monter vers le Chalet Neuf.
C’est au Chalet Neuf que je rectifie mes bandages de protection pour les ampoules. Aïe, elles se font sentir, les méchantes. Pendant que je joue à l’infirmière, Stefano fait le tour du propriétaire.
Au Gouffre du Grêlon, nous avons beau nous pencher, nous n’en voyons pas le fond.
Par contre, il y a un tout beau panneau qui annonce le Chalet du Couchant, dont le berger Claudy est notre fournisseur attitré de fromage. Nous vous avons parlé de Claudy dans un billet précédent, un fribourgeois, émigré au Canada depuis plus de 30 ans.
Aujourd’hui, nous n’irons pas le voir. Nous quittons la route pour nous engager dans le Bois des Caboules.
Décidément, les bûcherons sont d’humeur joueuse.
C’est très certainement la première fois que nous passons par là, même si Stefano sait exactement où nous allons arriver.
Juste avant de passer un virage, il me dit : « bon, là, tu devrais reconnaître ». Mamma mia ! La tension monte ! Mais je n’ai pas une seule hésitation : je pointe le doigt vers la droite et m’écrie (très très fière de moi) : « mais oui, bien sûr, là-bas y’a le Ranch de la Pierre à Lièvre« . Le sourire de Stefano confirme. J’ai passé l’examen.
Le Ranch de la Pierre à Lièvre est fermé.
Lorsque nous arrivons en vue du Chalet à Roch Dessus, nous sommes tout étonnés d’y apercevoir une voiture. Une dame est dehors. Nous la saluons et allons vers elle : ce sera dommage de rater une telle occasion et de passer sans tenter de faire connaissance avec les bergers. Son mari nous rejoint bientôt. Ils nous parlent du berger artiste qui a peint les murales sur les murs extérieurs du chalet.
Mais il ne s’est pas contenté de l’extérieur : il a également peint des fresques à l’intérieur, intérieur que nous sommes invités à visiter.
Là, c’est une représentation du pâturage du Roch Dessus. Tout y est : les murs, la borne, les chalets privés, la croix de la Vue de Genève, les zones boisées et les zones pâturées.
Sur le mur opposé, d’autres peintures.
Nous remercions chaleureusement les bergers pour ce partage et pour leur temps : sur la table, cervelas, saucisson, pain et fromage attendent : c’est l’heure du déjeuner.
Voici la borne, représentée sur la peinture. Depuis la Vue de Genève nous apercevons le jet d’eau.
Arrivés à la Place d’Armes, nous prenons la route qui part en direction des Bégnignes.
Nous sommes un peu en souci car des nuages noirs commencent à se regrouper et à s’amonceler sur nos têtes.
Nous laissons la route pour prendre un sentier qui descend vers notre gauche : le sentier des Bégnignes.
C’est un magnifique sentier, très varié, qui en un peu moins de 2 km descend perpendiculairement à la montagne.
Il est peu fréquenté mais pas trop sauvage : le parfait équilibre.
Nous arrivons sur un grand pâturage, parallèle à l’Orbe, où s’enchaînent les chalets : chalets de berger, privés, couverts… La palette est large.
Sur celui-là, ce que nous aimons c’est sa dualité : deux constructions réunies en une.
Et, dans les pâturages, il y a des vaches : certaines nous ignorent, d’autres nous font la fête. Celle-ci fait la fofolle, avec sa touffe rebelle.
Le chalet suivant, sans nom, porte le no ECA 107. Un bon repère.
Paysage qui ressemble à certains coins des USA : des granges, des longues plaines herbeuses et des nuages si bas qu’il semble facile de les toucher.
Celui-là, nous nous réjouissions de le revoir : c’est le chalet Chez Bonaparte.
De fil en aiguille, ou plutôt de couvert en chalet, nous passons les Petits Plats, les Grands Plats du Vent et arrivons aux Grands Plats de Bise. C’est à ce moment que les bergers du Chalet à Roch Dessus nous dépassent, s’arrêtent et nous demandent s’ils peuvent nous avancer un bout. Offre spontanée qui nous réchauffe le cœur mais que nous refusons avec moult remerciements. Quelle gentillesse !
Stefano a bien préparé le tracé : nous devons suivre la route un moment puis couper vers le Biblanc (un ruisseau) et partir à l’aventure pour rejoindre Le Milieu. Sinon la route nous conduirait sur la Route de France, la nationale qui relie Le Brassus et Les Rousses.
Nous faisons un petit détour par le pont qui enjambe Le Biblanc histoire d’avoir un joli point de vue.
Bon je vous l’accorde, ce ne sont pas les Chutes du Niagara.
Satisfaits, nous remontons attraper un semblant de sentier où sont encore vaguement matérialisées deux ornières. Ensuite, il nous faut couper dans la broussaille et traverser le ruisseau.
Ce que nous faisons précautionneusement, au péril de nos vies, vu le courant impétueux et le volume d’eau qui jaillit de la montagne.
Sortis d’affaire, nous remontons sur le pâturage du Milieu.
Le chalet Le Milieu qui est également un hôtel pour petits veaux; les chambres sont les petites cabanes blanches alignées contre le mur.
A partir de là, nous sommes confrontés à des passages de clôtures de plus en plus difficiles. Non seulement elles sont électrifiées (et pas qu’un peu) mais aussi au lieu d’avoir un voire deux fils il y a en 4 ou 5 car les clôtures servent à retenir des chevaux.
Et pour être certains que la vie du hiker ne soit pas trop facile, les clôtures sont à double. Avec un mur au milieu … Les bretelles, la ceintures et un boutonnage double.
Après quelques passages où nous devons enlever les sacs pour ramper sous la première rangée de fil, nous arrivons aux Mollards.
C’est un ancien chalet d’alpage devenue propriété privée dont l’étable a été convertie en brocante. La propriétaire des lieux est en train de fermer mais me laisse faire un tour rapide : c’est un bric à brac mélangeant de l’ancien et du récent. C’est entre une brocante et un magasin de seconde main et donc une excellente initiative.
Le petit couvert de Lande Dessous, de l’autre côté de la route du col que nous ne traverserons pas.
Nous trouvons un petit sentier bordé de framboisiers qui nous ramène au village.
Oui, c’est bien lui, pointé par la flèche : c’est mon Amour !
Nous arrivons à la voiture à 18h53, neuf heures trente après l’avoir quitté.
Quel bonheur d’enlever mes chaussures ! Je file rafraîchir mes pieds dans la fontaine du village. S’il y a des moments de paradis dans la vie, c’en est un !
Vu l’heure tardive, je propose à Stefano de manger ici, au Brassus, et plus précisément à l’hôtel. Depuis le milieu d’après-midi j’ai des visions de pizza, et pas n’importe quelle pizza : une pizza aux 4 fromages : reblochon, raclette, mozzarella et … j’ai oublié le 4ème. Yallah, mon taux de cholestérol !
Nous nous trouvons une petite table dehors, à l’abri du vent et dégustons sans aucune culpabilité notre pizza arrosée d’un bon litre d’eau pétillante. Et petit détail… elle est mille fois meilleure que ce qu’elle en a l’air.
Nous rentrons joyeusement comme toujours en écoutant des vieilleries et en chantant à tue-tête. Nous apercevons un jeune chamois perché sur une falaise au bord de la route, en train de brouter tout tranquillement.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Faune du jour
Pas très très net…
Flore du jour
Ces edelweiss ne sont pas sauvages, bien sûr. Mais j’ai un grand respect pour ces fleurs, sans doute issu des mes lectures de jeunesse d’Astérix chez les Helvètes.
Autoportraits du jour
Près de la Vue de Genève.