Deux barrages, deux tunnels, une descente dont nos genoux se souviendront longtemps. Voici le résumé de cette belle randonnée autour du Sosto, au départ d’Olivone. Partis par l’ancienne route du Sosto, dès Campo, le sentier nous emmène au barrage du Luzzone puis celui de Carassina avant de nous ramener à la case départ.
Aujourd’hui, comble de confort, nous partons de la maison. 7 marches à descendre, prendre chaussures et bâtons dans la voiture et hop nous voilà en route.
Nous profitons de la belle lumière pour faire une jolie photo de la petite chapelle, de l’autre côté de la rue et de sa rascana, cette « échelle » de bois – que l’on voit à droite, la base cachée par des arbres – où les habitants déposaient le seigle pour le faire sécher et surtout lui permettre d’achever sa maturation. Car dans beaucoup de régions, à cause du climat rigoureux, le seigle n’avait pas le temps de se développer et de mûrir sur pied.
A quelques centaines de la maison, au bord de la route, deux petites filles nous interpellent. Leur maman les surveille de loin, accoudée au balcon d’une magnifique maison. La plus petite a moins de 2 ans, la plus grande à peine le double. Leur visage est rond et poupin, encadré de cheveux blonds bouclés. Leurs yeux bleus pétillent de malice. Elles veulent savoir où nous allons. Ce qu’il y a dans nos sacs. A quoi servent nos bâtons. D’abord distantes, elles s’enhardissent petit à petit. L’une enfonce le doigt dans mon ventre, là où il y a un dessin sur mon tee-shirt. Je vois la maman qui se cache le visage, pour nous faire comprendre que leurs cas est désespéré. Tandis que nous nous éloignons, elles restent sur le bord de la route, à l’affût du prochain passant.
L’objectif du jour est d’abord de suivre l’ancienne route qui menait à Campo Blenio, un village un peu plus haut. Elle se glisse dans une gorge, au pied du Sosto, la montagne triangulaire qui domine Olivone. Cette ancienne route, devenue sentier, s’appelle… je vous le donne en mille… la strada vecchia del Sosto, autrement dit la vieille route du Sosto.
Très vite le goudron cède la place à deux ornières caillouteuses. Deux ouvriers sont en train de couper l’herbe au zacky-boy (débroussailleuse). Le vrombissement aigu des petits moteurs est assourdissant. Sous leur casque avec visière, les visages sont déjà mouillés de sueur, malgré l’heure matinale. Leur uniforme orange et leurs grosses chaussures renforcées n’arrangent pas les choses.
La pointe montagneuse à droite n’est autre que le Sosto, d’ailleurs.
Le chemin devient plus rustique dès que nous commençons à nous engager dans la gorge. Au début, il reste ombragé.
Puis il se rapproche de la falaise. Nous commençons à nous élever. Il nous faut gagner quelques 300 mètres pour arriver à Campo Blenio.
Stefano tente, à deux reprises, de me faire apercevoir un ramarro, ou lézard vert. A chaque fois, le temps pour le localiser est trop important et je ne distingue qu’une ombre fugace. Dommage, car ce lézard, plus grand que les lézards communs, a une belle couleur vert vif, avec parfois une tête turquoise.
Au détour d’un virage, rencontre avec un lis orangé.
Le sentier pénètre maintenant la falaise. Une section a été maltraité par un éboulement. Le mur de soutènement s’est effondré.
Ce n’est qu’en 1958 que la route actuelle fut construite, permettant un accès facilité à Campo grâce à un tunnel construit pour privilégier les travaux de construction du barrage.
On comprend alors le soin apporté à la construction de l’ancienne route.
Incontournable, un petit oratoire dans la partie supérieurs de la route. Nous profitons de l’ombre d’un arbre pour manger une barre. Aujourd’hui, il fait chaud. La pierre est encore chaude d’hier. Nous évoquons nos traversées du Grand Canyon et le fameux passage dans The box, ce canyon réputé pour ses chaleurs mortelles. La journée, chaque côté de la falaise est chauffé à tour de rôle par le soleil. Le soir, le vent se met à souffler, absorbant la chaleur avant de la restituer au sortir du canyon. Nous l’avons constaté par nous-même. La sensation est la même que se pencher au-dessus d’un four en marche.
Nous rejoignons la route, à la sortie du tunnel. Faute de place, car la gorge, même si elle est maintenant moins profonde, et toujours là, le sentier suit le pare-avalanche.
Ce n’est pas très bucolique mais nous trouvons l’intermède drôle.
Le sentier se dilue dans la route que nous longeons, prudemment. Nous faisons une petite pause à une fontaine, profitant d’aubaine de boire sans restriction de grandes goulées d’eau fraîche.
Puis, sitôt que nous pouvons, nous nous engageons sur le sentiero Luzzone.
Passage du brenno della Greina par le ponte Semina.
Il commence par une sorte de porte naturelle. La grande flèche blanche dessinée au-dessous de la marque rouge-blanc nous fait bien rire. Qui aurait l’idée de passer ailleurs qu’entre le terre-plein et ce rocher-menhir ?
Nous sommes arrêtés dans notre élan par un petit troupeau de vaches. L’une d’elle a des cornes imposantes. Stefano engage la conversation en lombard. Les deux bergers sont mère et fils. Lorsque nous les questionnons quant à la taille des cornes, elle nous répond que la vache a 20 ans et que, s’étant prise d’affection pour elle, elle n’a jamais voulu s’en séparer. Nous marchons un moment avec eux. Alors que nous les saluons, une montée imposante nous fait face. Nous voyons la route, juste à côté, s’étirer sur quatre lacets alors que nous sommes face à la pente, heureusement en bordure de forêt, à l’ombre de ses arbres.
En haut, posé sur un éperon, un groupe de maison de vacances avec, au centre, une autre fontaine. Ah, le Tessin… et ses fontaines d’eau fraîche en abondance.
Les maisons ressemblent à des modèles réduits tellement elles sont parfaites.
Nous continuons la montée, tantôt par la route, tantôt par le sentier traversant des pâturages. Le terrain est varié, mais avec une constante : la montée.
Premier aperçu du barrage du Luzzone.
Mais nous n’y sommes pas encore… Ça monte, toujours et encore. Puis, une intersection. Et ici, nous ne parlons pas de route mais de tunnel. Trois tunnels à choix. Du jamais vu.
Nous choisissons celui qui mène au barrage. Il y fait délicieusement frais, presque froid. Nous frissonnons.
A l’extrémité, le barrage et le lac.
Nous le traversons. Au centre, un panneau, annonçant le plus long mur d’escalade artificiel du monde, soit 168 mètres. Il est équipé de 600 prises en résine, réparties en 5 longueurs : 5b, 5c, 6a, 6a+, 6a+. Avis aux amateurs de sensations fortes, petite forme s’abstenir.
Nous trouvons un petit coin sympa pour le pique-nique.
Bien ! Et que faisons-nous maintenant ? Stefano propose de contourner le Sosto et de revenir par Olivone via une boucle qui serait presque parfaite. Pour une durée annoncée de 2h20.
D’abord, il nous faut descendre une volée d’escalier de béton.
Marrant !
Puis suivre une route goudronnée qui nous éloigne du barrage, permettant une belle vue à 180°.
La route nous balade en lacet. La chaleur se réverbère sur le goudron, la multipliant par deux. Nous avançons au ralenti, tirant un peu la langue. Chaque virage nous offre un plus joli panorama.
Nous avons maintenant une belle vue de Campo Blenio.
La route se rétrécit soudainement et nous rentrons dans un tunnel.
Il est tout aussi frais que le précédent mais plus rustique. Nous n’y rencontrerons aucune voiture.
A la sortie, la lumière est aveuglante. Le goudron fait place aux cailloux. Nous sommes sur un plateau, à 1600 mètres d’altitude, aux extrémités vallonnées.
Le Sosto, qui ici présente un sommet arrondi.
Nous faisons un petit crochet pour aller découvrir un autre barrage et son lac, le lago di Carassina.
C’est à cet instant que nous remarquons que les nuages gris ont tendance à foncer et à se rassembler. Hum, les orages prévus en soirée seraient-ils en avance ?
Nous revenons rapidement sur nos pas retrouver le sentier qui descend sur Olivone. Mais la descente ne commence pas tout de suite. D’abord, nous devons contourner le Sosto.
Nous traversons un petit bled, Cumpiètt, accompagnés de quelques gouttes de pluie que nous trouvons rafraîchissantes, tant qu’elles ne sont pas trop denses. Le ciel reste silencieux.
Traversée du Tasin da Cumpiett.
Le sentier se perd dans les prés. Ce soir, il y aura une vérification minutieuse de nos jambes, bras, cous afin de vérifier que des petits insectes assoiffés de sang frais et quelques fois porteurs de maladie – les tiques – ne soient pas installés, solidement accrochés à la peau.
La descente ne commence toujours pas. Le sentier s’accroche maintenant à la pente, en y restant perpendiculaire. Nous quittons les prés pour une forêt de résineux. Quelques passages sont méchamment exposés (selon nos critères, bien sûr).
Nous arrivons dans une clairière, avec, au centre, une petite étable-maison blanche.
Nous réalisons que c’est la construction que nous voyons depuis notre terrasse et qui nous a interpellés ce matin encore. Nous sommes à 1540 mètres. Olivone à 900 mètres. Le calcul est facile et nous anticipons la façon dont ça va se passer : 650 mètres en quasi ligne droite. Pauvres genoux !
Et c’est parti !
De la descente, nous gardons le souvenir d’une marche interminable, sur un sentier raide, terreux et sans appui. Elle n’a pourtant duré qu’une heure et des poussières. Il a fallu quelques fois batailler avec les orties envahissant la sente.
C’est avec soulagement que nous retrouvons le plat. Nous faisons un détour par le Denner pour compléter notre menu du soir.
Comme hier, nous dînons sur la terrasse. La petite maison est décidément bien visible. Nous saluons ses habitants imaginaires d’un geste de la main.
Flore du jour
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
Au barrage du Luzzone.
Pareil. Cette fois après le sandwich. C’est l’autoportrait « officiel ».