Magnifique journée à la découverte du Lago Vannino. Sa coloration bleu turquoise est amplifiée par la couleur fauve des montagnes qui l’entourent, dépourvues d’arbre, recouvertes de prairie jaune et de rochers. Nous poussons jusqu’au Lago Sruer, un peu plus haut, très photogénique lui-aussi, dont les eaux alimentent le Lago Vannino.
Ce matin, nous partons vers le fond de la vallée Ossola. La route est quasiment déserte et aucune voiture ne nous pousse lorsque nous roulons dans le tunnel hélicoïdal à la sortie duquel le village s’appelle Fondovalle, soit le fond de la vallée. Nous traversons ensuite quelques villages, dont Ponte, qui doit son nom au pont qui permet de franchir la rivière Toce. Entre Grovella et Canzo, notre destination, trois virages en épingle à cheveu, superposés grâce à des murs de soutènement, sont si serrés qu’ils forment un amas informe sur le GPS.
Le parking prévu par Stefano est de l’autre côté du fleuve. Le pont est étroit et le garde-fou est une barrière en bois, du type de celle utilisée pour les balcons.
Les marques rouges et blanches nous dirigent entre deux maisons. Des travaux s’y préparent et les ouvriers sont en train d’arriver et d’installer le chantier. Le passage est encombré et nous devons nous glisser entre une roue de tracteur et un mur de maison.
Canza, ou Früduwald, dans la langue des Walser. Quelques demeures du XVI-XVII siècle subsistent encore. Idéalement placé le long de la route commerciale entre Ossola et la Suisse centrale, l’étape dans le village de Canza était réglementée, favorisant les conducteurs de mules locaux en y interdisant le transit de nuit.
Ce matin, le ciel est bleu azur et la température est fraîche, pas plus de 8 degrés, ce qui n’est pas pour nous déplaire.
Le premier challenge de la journée va certainement être de passer ce premier niveau de falaises.
Le Lago Vannino est annoncé à 2h40 de marche, sur le sentier G99.
Nous réservons la belle piste pour la descente – car aujourd’hui point de boucle – et nous engageons sur le sentier, connu sous le nom chemin des Walser.
Il y a effectivement quelques marches de pierre et plusieurs sections pavés destinées à maintenir le sentier praticable au fil du temps. Au moment où nous rejoignons la piste forestière, nous arrivons à la limite ombre-soleil.
Une petite étable, en contrebas, attend des jours meilleurs. La pointe d’un bâton de ski est empêtrée dans une branche d’arbre.
Puis, au détour d’un virage, nous apercevons des câbles qui courent entre les arbres et une structure en béton que nous identifions comme le terminus d’un télésiège. Inattendu, c’est le moins que l’on puisse dire ! Nous n’avons rien vu qui ressemble à une piste de ski, hormis la route.
La route débouche sur une vaste prairie, plane. Deux cabanons en bois complètent l’installation. De là, les itinéraires de randonnée pédestre sont nombreux. Il est même possible de rejoindre l’Alpe Devero, via le sentier Via Alpina, au terme d’un peu plus de six heures de marche.
Une fontaine nous permet de nous rafraîchir car les 8 degrés de ce matin sont déjà oubliés. Le soleil est généreux et nos tee-shirts sont trempés suite à cette première petite montée.
L’option sentier n’étant plus disponible, nous continuons sur la piste carrossable. Elle s’élève assez brusquement sur les flancs de la Cima della Freghera, nous rapprochant d’une seconde zone de falaises à franchir et du Torrente Vannino.
Le terrain n’est pas très intéressant mais, au sortir de la forêt, le paysage se diversifie.
Une zone un peu moins pentue nous permet de souffler un peu. Nous avons hâte d’arriver en terrain découvert car le relief qui se profile à l’horizon semble merveilleux.
Et, il l’est. Sur notre droite, une ligne de falaises, zébrées, luisantes et arrondies, forme une gigantesque barrière naturelle.
Une construction en ruine marque l’emplacement de l’Alpe della Balma où quelques bouses de vaches encore fraîches témoignent de la présence récente de bétail.
Des reflets scintillent sur la roche. Quelques parois sont équipées pour la varappe. Nous sommes près de la Falesia di Rocciodromo, bien connue des amateurs d’escalade.
Un peu plus loin, l’eau de la Cascata del Vannino s’écrase avec force sur les rochers.
Nous essayons de nous rapprocher de la base de la cascade mais la végétation est si dense qu’il est impossible de la pénétrer. Ce qui nous remet en mémoire quelques passages impossibles le long de washs, dans l’Ouest américain. Ici, point de tamaris ou autre buisson épineux, mais des petits arbustes aux feuilles caduques, sans tronc, avec de multiples branches rigides. Après moins d’un mètre de progression, penauds, nous rebroussons chemin. Non sans avoir trouvé, au passage trois ou quatre framboises, savoureuses à souhait et mûres à point.
Que nous réserve le haut de cette montée ?
L’arrivée à la Casera della Dighetta, une construction abandonnée aux vitres cassées, si hideuse que nous ne jugeons pas nécessaire de lui consacrer des pixels.
Le lit du torrent s’élargit et nous pouvons apercevoir, au loin, le barrage qui ferme le Lago Vannino.
La digue semble reculer au fur et à mesure que nous avançons. Nous avons y planifié notre pause déjeuner et à 12h09, nous craquons presque, impatients et affamés. La présence de béton, de câbles et de poteaux rouillés nous redonne le peps nécessaire pour chercher un lieu de pause plus adéquat.
Nous réalisons que la digue que nous voyions n’est pas la digue du Lago Vannino mais celle du Lago Sruer. Prévu au programme, d’ailleurs. Mais après le déjeuner. Ouf !
Il s’agit donc maintenant de prendre un peu de hauteur pour pouvoir contempler le lac.
Nous partons sur le sentier qui mène au Lago Struer et patientons, opportunistes, le temps de trouver l’emplacement idéal.
Après une courte délibération, l’endroit nous semble parfait.
De notre perchoir, la vue sur le lac est… magnifique.
Tout en mastiquant, nos yeux sautent d’un sommet à l’autre, reviennent vers le lac puis repartent suivre des crêtes. La vue à 360 degrés est imprenable. Les prairies jaunes, desséchées par des mois sans pluie contrastent avec le ciel aussi bleu qu’un ciel d’Utah. Nous enlevons nos lunettes polarisantes et ne voyons aucune différence de couleur.
Un immense oiseau, un rapace, plane dans le ciel. Difficile d’estimer son envergure mais il est imposant. Il se maintient en l’air sans effort et nous voyons ses rectrices osciller à chaque changement de direction. Il opère un demi-tour soudain qui nous surprend par sa rapidité. Mieux vaut ne pas être une proie qui, mise en confiance par son vol nonchalant, pourrait baisser sa garde.
La montée vers le Lago Sruer se révèle exigeante comme nous l’avions anticipé, la remise en route après la pause étant toujours laborieuse. Nous réduisons la cadence, le temps que les jambes comprennent que le repos a pris fin et daignent se remettre à travailler.
Il faut dire aussi que la vue que nous avons du Lago Vannino nous occupe l’esprit, nous faisant oublier le plomb accroché à nos chaussures.
Ca y est ! Nous voici sur un replat. Presque au niveau du Lago Sruer.
Une odeur désagréable vient s’infiltrer dans nos narines. Le niveau du lac est bas, mettant à nu boues et vases, qui se décomposent, laissant s’échapper du dioxyde de carbone et du sulfure d’hydrogène.
Si l’envie de me baigner m’a traversé l’esprit, les relents de pourriture m’en ont découragé. Plus encore que ce panneau qui illustre un extra-terrestre en difficulté.
Le sentier se divise en plusieurs traces, au milieu des myrtilliers dont les fruits, nombreux, sont mûrs à point. Nous glissons nos doigts sur les tiges, sans y mettre trop de pression, pour que les fruits tombent dans la paume de main. La technique du peigne à myrtille, sans peigne. Stefano me tire une langue toute violette et j’éclate de rire.
En contrebas, le ciment blanc de la digue est éblouissant.
A proximité du barrage un petit refuge au toit de tôle dont la porte n’est pas verrouillée. Nous jetons un coup d’œil à l’intérieur : une vieille table bancale, une chaise, pas de cheminée ni de poêle.
Les eaux de ce petit lac sont canalisées pour venir alimenter le Lago Vannino.
Elles sont captées par une canalisation souterraine qui s’ouvre un peu plus loin, dans un second bassin qui les concentre encore avant de les libérer.
Lorsque le niveau du lac est haut, le trop plein s’échappe par ce canal.
Il est temps de rentrer. Nous prenons un peu de recul pour avoir une belle vue d’ensemble. Nous aimons bien ce mélange de nature et de civilisation, les reliefs sauvages et tourmentés des montagnes comme assagis par les lignes droites construites par l’homme.
En venant, nous avons repéré deux sentiers alternatifs pour rejoindre le Lago Vannino. Le premier, qui commence sagement, devient aérien au bout de quelques mètres, nous forçant à opérer un demi-tour. Le second s’avère plus compliqué que prévu mais demeure néanmoins négociable.
Nous rejoignons le sentier emprunté à l’aller à l’endroit du pique-nique.
Hérissé d’antennes, le rifugio E. Margaroli n’est pas le plus joli refuge que nous ayons vu. Sa structure est massive, pour ne pas dire inesthétique. A une dizaine de mètres, une sorte de cabine abrite un dortoir commun, à priori ouvert toute l’année. Sur le chambranle de porte, une variante d’un autocollant Patagonia nous amuse beaucoup. Mais pas autant que l’étiquette Vote the assholes out cousue à une gamme de shorts de la même marque, en 2020.
Nous prenons le temps de nous promener sur le barrage du Lago Vannino, construit entre 1917 et 1921. A l’origine, les eaux captées alimentaient la centrale de Valdo, via un tunnel de 350 mètres et une conduite forcée de 865 mètres. A la fermeture de la centrale, en 1940, l’eau fut redirigée sur la centrale de Ponte.
Un néon est allumé dans le bâtiment qui jouxte le barrage.
J’essaie de convaincre Stefano de rentrer par un autre chemin (il y a deux autres itinéraires possibles) mais il me répond, narquois : ce n’est pas toi qui me disais, pas plus tard qu’hier de s’en tenir au plan A ? Je me mords la lèvre, prise au dépourvu. Je réponds du bout des lèvres, un peu contrite : si, si…
Nous retracerons donc nos pas de ce matin.
Du coup, j’en profite pour essayer les jolis bancs tout neufs mis à disposition par le CAI Formazza. J’ai de la peine à décider lequel est le plus confortable. En parlant de confort, les plus attentifs auront certainement remarqué mes gants et mon gilet. Depuis que nous avons quitté le Lago Sruer, une bonne brise s’est levée. Comme l’effort à la descente est moindre, j’ai eu tôt fait de me refroidir puis de me couvrir. Devant l’air un peu moqueur de Stefano, j’ai répliqué : ça ne sert à rien d’avoir le sac plein si c’est pour qu’il reste plein ! Pas faux, me répondit-il.
La Casera della Dighetta, un peu moins hideuse que ce matin, grâce à la belle lumière.
La Cascata del Vannino est toujours à l’ombre mais les mélèzes attrapent la lumière et la restituent partiellement. Nous réalisons qu’aujourd’hui nous n’avons pas vu un seul nuage dans le ciel. Quelle journée !
Et nous voici au passage du col. Nous allons pénétrer dans la forêt et notre horizon va se réduire.
La descente jusqu’à l’arrivée du télésiège est … inintéressante au possible. Heureusement que nous avons beaucoup de sujets de conversation pour nous occuper l’esprit. Nous rencontrons nos deux premières et dernières âmes de la journée soit deux filles en VTT qui descendent. Je ne les envie pas. Elles sont debout sur les freins et n’ont pas l’air de s’amuser. D’autant que tout écart de trajectoire pourrait avoir des conséquences néfastes.
Nous restons sur la route jusqu’à trouver la portion du sentier des Walser que nous avions raté ce matin. Lorsque le terrain s’aplanit, à l’approche de Canzo, les murs de pierre sèche se multiplient, formant un labyrinthe géant. Nous essayons d’imaginer l’endroit sans arbre, cultivé, les murs délimitant les terrasses ou simplement protégeant les céréales au vent.
Au sortir de la forêt, nous observons un couple de personnes d’un âge certain. Elle rentre dans un pré, un licol à la main et tente de l’enfiler sur la tête d’un premier veau qui se rebiffe. Au bout de quelques tentatives, elle y parvient et le dirige vers une ouverture de clôture. Il renâcle. Après quelques encouragements et un ou deux coups de longe sur l’arrière-train, elle parvient à ses fins. A priori elle s’attendant à ce que le second veau suive son pote. Il n’en est rien et il part en galopant du côté opposé. L’homme se décide enfin à bouger quand nous les perdons de vue… Les veaux ont-ils dormi dehors ? Le mystère reste entier.
Les travailleurs de ce matin sont en train de plier le chantier. Le tracteur bloque encore le chemin et comme ce matin, nous nous faufilons, cette fois de profil, car le passage est encore plus exigu.
Canza, de l’autre côté de la rivière Toce.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Flore du jour
Si si, vous avez bien vu !
Autoportraits du jour
Sur les hauteurs du Lago Vannino.
Au Lago Sruer.
A quelques minutes de la voiture, au retour.