Premier contact avec la Vallée d’Ossola et plus particulièrement, une de ses sept vallées latérales principales : le Val Formazza. Sans aller d’abord jusqu’à son extrémité nord, nous pouvons la contempler depuis le Lago Nero, en contrebas du Basòdino. Nous poursuivons ensuite vers le Lago Castel et le Lago di Morasco, deux lacs qui surplombent la vallée.
Nous voici donc dans le Val Formazza, le prolongement de la Valle Antigorio. Toute la région se regroupe sous l’appellation Valle Ossola.
Partis hier, sous le soleil, nous avons suivi notre route habituelle en direction du col du Nufenen jusqu’à Brig où là nous avons bifurqué en direction du col du Simplon. Pour ma part, c’est la seconde fois que je passe par ce col, la première fois étant il y a fort longtemps, plus ou moins 30 ans, où nous nous étions arrêtés à l’Hospice, où résidait temporairement le frère moine de Stefano.
La route descend ensuite vers l’Italie, dans des gorges, par de longs viaducs suspendus entre ciel et terre. Passée la frontière à Gondo, nous faisons un détour par le Carrefour Market de la ville de Crevoladossola pour quelques courses alimentaires de base avant de nous engager dans la Valle Antigorio. C’est sympa de retrouver des produits familiers de la marque Carrefour aussi Italie.
Quitté la ville pour notre destination, je découvre la manière qu’ont les locaux de conduire, ignorant superbement les limites de vitesse à l’entrée des villages ou dans les tunnels. Nous nous faisons quelques «amis», surtout lorsque des panneaux demandent de réduire la vitesse à 30 km/h en raison de travaux. S’ensuivent des dépassements un peu osés, voir audacieux.
Notre camp de base se situe à San Rocco, un hameau de 19 habitants de la commune de Premia. Oui, oui, 19 habitants, pas un de plus. Notre logis, fort spacieux, très bien équipé et d’une propreté irréprochable, occupe tout le premier étage d’une maison, entourée de prés verdoyants et d’un petit bois.
Mais parlons d’aujourd’hui, de dimanche, et de notre première balade en ces lieux qui, pour Stefano, sont chargés d’histoire. Son arrière-grand-mère côté paternel est originaire d’ici, de Premia. Comme il me l’a dit à plusieurs reprises, ce séjour est un peu un retour aux sources, à la découverte des origines d’une partie de sa famille. Nous nous promettons de visiter quelques cimetières dans lesquels reposent très certainement des cousins éloignés.
Partis de San Rocco, mous quittons la Valle Antigorio et poursuivons dans le Val Formazza. Nous traversons des villages désolés, aux maisons abandonnées et aux ouvertures béantes, au milieu desquelles, parfois, se distingue une construction récente, ou rénovée.
Notre parking se trouve presque au fond du Val Formazza, là où la route s’arrête, au pied des montagnes. Un tunnel routier hélicoïdal nous permet de monter de 200 mètres sur une distance de 3080 mètres. Terminé en 2008, et initié suite au changement de statut de la route, qui de provinciale passa à nationale, il permet ainsi de sécuriser le tronçon du km 41,700 au km 50,572.
Le dernier village de la vallée s’appelle Riale et notre parking se situe un peu avant, tout près de la Cascata del Toce et d’une magnifique auberge jaune et bleue.
Sur le grand parking quasi désert, nous retrouvons deux des voitures qui nous ont dépassés en faisant fi des règles élémentaires de prudence, dont un dépassement dans le tunnel, alors qu’une belle double ligne blanche – ce fameux mur infranchissable – interdit ce genre de manœuvre.
Pendant que je termine de me préparer, Stefano traverse la route et accède à une plateforme qui surplombe la Cascata del Toce. 143 mètres plus bas, l’eau de la «cascade la plus belle et la plus puissante des Alpes» – ce n’est pas moi que le dit, c’est sur le site de la Comune di Formazza – s’écrase en un rideau de 60 mètres de large. La cascade est à l’ombre et nous remettons la séance photo à notre retour de balade. Il faut dire aussi que nous vivons depuis près de 2 mois une canicule quasi discontinue et que les petits 11° C qui règnent ici n’incitent guère au tourisme passif.
Nous partons à l’opposé de la cascade, traversant le parking, en direction du panneau indiquant nos options.
Un petit sentier se profile au travers d’un pré verdoyant puis s’en détache pour s’élever gentiment, stabilisé par un mur de pierre de soutènement.
Puis un mur s’élève côté vallée, limitant ainsi la liberté de mouvement du bétail qui montait à l’alpage. Les épilobes qui bordent le sentier ont perdu de leur superbe et en lieu et place d’une effusion de couleur rose nous offrent de vilaines tiges sèches surmontées d’un plumage blanchâtre.
La montée se durcit rapidement et le terrain devient plus instable. Nous restons à l’ombre mais l’effort a tôt fait de réchauffer nos carcasses. L’arrêt pour nous soulager d’une couche de vêtement se fait rapidement.
Nous surplombons maintenant une petite «collinette» arrondie qui nous bouchait la vue, nous permettant d’apercevoir Riale, le dernier village du Val Formazza ainsi que le barrage de Morasco.
Le relief, au-delà du barrage et de son lac, nous est familier. Nous avons laissé quelques microns de vibram sur le sentier qui descend du Griespass vers l’Alpe Bättelmat, avant de remonter voir le Lago del Sabbione. C’était il y a deux ans, lors de notre séjour à Airolo.
Mais pour l’heure, nous nous concentrons sur la montée, négociant soigneusement nos pas.
Un premier répit arrive lorsque nous passons le mur qui délimite l’Alpe Ghighel.
Je décrète que j’ai incinéré mon petit déjeuner et réclame plus de carburant. C’est l’occasion également de prendre quelques photos des ruines d’étables, groupées dans un coin.
À moins d’un miracle ou d’un gros gain à la loterie, ces étables n’ont pas d’autre avenir que de s’écrouler lentement et inexorablement. Le mur qui délimite l’alpage, lui, se porte à merveille.
À l’intérieur, l’eau de pluie a commencé son travail de sape et lorsque les poutres soutenant les centaines de kilos de pierre auront été gorgées d’eau puis séchées par le soleil avant de s’imbiber de neige fondue, affaiblies, elles se ploieront sous le poids puis se briseront.
Dans les années ’60, l’Alpe Ghighel avait été choisie comme lieu pour constituer une réserve de flore, de par la richesse de cette dernière et la particularité des terres environnantes. Mais, faute de budget suffisant, le projet resta sur papier.
Nous traversons l’Alpe Ghighel dans sa diagonale sud-est et arrivons vers une autre construction qui arbore une flèche de pierre, afin de la protéger des avalanches. Divisé en deux sections, le toit de pierre de la première a tenu le coup. Celui de tôle de la seconde est plus miséreux.
Nous quittons le confort de la piste pour retrouver le sentier, montant dans les prés, parallèlement au Rio Scelp. Un système de retenue d’eau, de départ de conduite forcée – ce n’est pas très clair – a nécessité un peu de bétonnage.
Nous traversons une première fois le torrent et retrouvons un joli sentier alpin.
Puis, très vite, nous le retraversons.
De là, difficile de savoir dans quelle direction le sentier va nous mener. Le Lago Nero peut se cacher à de multiples endroits, d’autant que nous ne connaissons rien de sa taille.
Le sentier nous dirige vers la droite, le long de la falaise, avant de s’élever et de s’accrocher à celle-ci.
Nous passons un premier niveau avant d’arriver sur un replat.
Une cascade tombe d’une vingtaine de mètres.
À moins d’un tunnel, un second niveau à gravir est inévitable. Un petit canyon caillouteux à souhait m’oblige à m’accrocher avec les mains et à lever bien haut les pieds. Le type de terrain que j’affectionne tout particulièrement.
Un mur de béton enserre un torrent dont les eaux se retrouvent bientôt coincées et compressées dans une conduite ouverte.
Le sentier traverse de grands pans de rochers granuleux à souhait. Ici encore, nous laisserons quelques microns de vibram.
Nous croisons un randonneur qui nous promet une belle surprise. Du tac au tac, Stefano lui demande s’il s’agit d’une belle jeune fille en maillot de bain. Ah ah ah, je reconnais bien l’humour décalé de Stefano. Le gars répond du tac au tac : non non car si c’était le cas, je serai resté. Il s’agit de quadrupèdes.
Effectivement, alors que nous arrivons en vue du Lago Nero, quelques chamois, placides, grignotent la maigre végétation qui pousse entre les rochers. Ils nous regardent tranquillement, peu ou pas effarouchés, maintenant néanmoins une distance minimale de 3 ou 4 mètres entre nous et eux.
Une bonne moitié du lac est encore à l’ombre et nous espérons qu’avec le temps, le soleil pourra l’éclairer dans son entièreté.
Nous nous dirigeons à grand pas vers la limite soleil-ombre à la recherche de chaleur, car le petit vent frais qui nous a accueilli au terme de la dernière montée prend un malin plaisir à se faufiler entre le sac à dos et nos tee-shirts mouillés de sueur. Nous sommes quand même à 2438 mètres, loin au-dessus du point culminant de notre Jura adoré.
Nous nous demandons bien d’où peut provenir le nom Lago Nero car la couleur des eaux est turquoise.
De quelques constructions en ruine qui domine le bord du lac, s’échappent des voix. Un couple s’est installé pour le pique-nique. Une grosse veine blanche balafre le sentier.
Des constructions, il ne reste que les murs.
Certains plus hauts que d’autres.
Nous partons le long du lac, sur son bord nord, qui semble être d’ailleurs le seul praticable. Le bord sud est directement sous une montagne, le Corno Talli, faite de hautes falaises déversant moult éboulis.
En cheminant, nous constatons que le lac est presque divisé en deux parties qui communiquent par un étroit passage entre deux rochers. Sur la carte, le lac ressemble pourtant à un barbe à papa allongé. L’explication est simple : le niveau du lac est bas, comme en témoigne la ligne sur les rochers qui marque son niveau habituel.
Devant nous, une longue crête de montagne dont le point culminant est le Tamierhorn, dépassant de quelques mètres les 3000. Un peu plus au nord, le Basòdino, avec, sur son côté opposé à nous, le glacier éponyme et moribond. Nous avons pu le constater de nos yeux lors de notre magnifique sortie Glacier du Basòdino.
Parvenus au bout opposé à celui où nous sommes arrivés, nous décidons de nous y installer pour le pique-nique, en dépit du petit vent insidieux qui souffle toujours.
N’est-ce pas un paysage idyllique pour une pause déjeuner ?
Il y a même du «rock art».
Lors de la préparation de cette randonnée, Stefano avait envisagé de poursuivre sur le sentier qui mène au « passo del Lago Nero« , mais pour cette première sortie, nous décidons de nous arrêter ici. Le retour se fera en partie sur nos traces du matin mais qui devrait nous amener vers des lieux, ou plutôt des lacs que nous avons fréquentés il y a deux ans.
Sur le chemin du retour, nous en profitons pour nous rapprocher de la berge. Contrairement à ce que nous avions espéré, l’ombre progresse à grand pas mettant le lac hors de la lumière.
Le petit détroit, au soleil tout à l’heure, est maintenant à l’ombre.
À l’horizon, ce que nous pensons être la Punta dei Camosci à moins que ce ne soit le Corno Rosso.
Les chamois n’ont pas bougé.
L’un d’eux se rapproche même de nous et semble nous faire du charme.
Il est 13h30. Que la descente commence !
Une partie du troupeau s’est néanmoins déplacée et nous offre un beau spectacle d’ombres chinoises.
Le passage du petit canyon se négocie facilement.
Puis les zones herbeuses alternent avec les rochers.
Deux petits lacs, ou plutôt des mares, me corrige Stefano, nous enchantent.
Là où précédemment nous avions trouvé un peu de béton, une conduite forcée s’échappe, que nous suivons perchés sur sa partie supérieure. A partir de ce moment, nous dévions de notre itinéraire du matin.
Lorsqu’elle s’enfonce dans la montagne, un sentier prend la relève.
Non sans surprise – vu la saison avancée – nous dénichons quelques myrtilles (bon pas plus de 3 ou 4) à la saveur concentrée. Nous les écrasons tout doucement contre notre palais, laissant la sapidité se répandre.
Nous nous dirigeons ainsi vers le Lago Kastell, au bord duquel nous avions pique-niqué il y a quelques années. Sa belle couleur bleue en fait sa renommée, plus encore que la digue «ratée» qui le borde.
D’origine glaciaire, la tentative de construction d’une digue en pierre sèche pour l’exploitation hydro électrique se solda par un échec. L’histoire autour de cette digue varie selon les sources. Mais le résultat reste le même. Une digue qui ne sert plus à rien et un magnifique lac bleu azur.
Une variante raconte que, par une nuit de 1923, alors que les ouvriers sur le point de finaliser, dans la précipitation, la construction de la digue avant l’arrivée de l’hiver étaient rentrés se coucher, la digue se désintégra comme du papier mâché sous la pression de l’eau, sa base de nature karstique n’ayant pu offrir de fondation solide. Aucune perte humaine ne fut à déplorer mais quelques têtes de bétail y laissèrent leur peau. Depuis, dans le coin on l’appelle la Diga di Cartapesta (ou digue de papier-mâché).
Une autre variante, qui me semble plus sérieuse, indique que la construction fut effectuée entre 1924 et 1928 mais que l’eau n’était guère retenue par le barrage car s’infiltrant dessous, à cause, là encore, de la nature karstique du sous-sol. Le rendement était si faible que l’installation fut abandonnée dans les années 50.
Il n’en reste pas moins que l’endroit est magnifique.
Un bâtiment technique, fermé, surplombe le lac.
Et bien sûr, une chapelle n’est jamais loin.
Proche du bord nord du lac, la digue qui semble intacte. Ce qui met en doute encore un peu plus la première variante qui raconte que l’eau, libérée par l’écroulement de la digue, se précipita vers le village de Riale.
Mais, in fine, ce qui compte, est que l’endroit soit joli.
Nous nous dirigeons maintenant vers le Lago Toggia laissant derrière nous le Lago Castel (ou Lago Kastel, c’est selon).
Chemin faisant, nous croisons deux randonneurs de Verbania qui, en plus de nous saluer, partagent avec nous leur enthousiasme quant à la beauté des lieux. Nous les trouvons attendrissants, tant par leur manière de s’exprimer que par leur candeur.
Quelques mares ponctuent le sentier.
La Diga del Toggia est en béton. Construite entre 1929 et 1932, le volume de matière utilisée est de 94’800 m3. Pour retenir une masse d’eau maximale de 15 millions de m3. L’eau qui s’en échappe est canalisée dans un tunnel de 5.2 km de long et une conduite forcée de 882 mètres et alimente la centrale hydro électrique du village de Ponte.
Nous devinons au loin les piliers qui soutenaient les wagons de l’hôtel restaurant Wagristoratore imaginé par l’architecte Piero Portaluppi.
La capanna Corno Gries, où nous avons dégusté, fin juillet, une assiette de polenta, n’est qu’à 2 heures de marche.
Un dernier regard vers le barrage et nous entamons la descente finale en terrain inconnu.
Nous hésitons pour un arrêt boisson au Rifugio Maria Luisa en contrebas. Mais un coup d’œil à notre montre nous en dissuade. Yep, le temps file.
L’endroit n’est pas particulièrement bucolique et ce que nous avions imaginé comme un retour agréable se révèle être une descente sans aucun autre intérêt que la belle vue des montagnes environnantes. Nous pensons à tous ces gens rencontrés, aujourd’hui et les années passées, et nous avons de la peine à les imaginer prendre du plaisir à monter (ou à descendre) le long de cette route caillouteuse et poussiéreuse.
Nous nous résignons, n’omettant aucune opportunité de couper les virages, quitte à marcher sur des sentiers guère plus intéressants.
Mais tout est une question de temps, dirait quelqu’un que je connais bien et nous arrivons plus ou moins au niveau du parking que nous devons rejoindre via un large sentier.
Le soleil se rapproche de l’horizon. Nous nous demandons s’il a même atteint notre maison, plus bas dans la vallée.
Nous profitons de la belle lumière pour admirer l’auberge de la Cascata del Toce, construite par l’architecte Piero Portaluppi dont j’ai parlé précédemment.
Le bâtiment est imposant et les couleurs qu’il revêt le sublime.
Ravis de cette première prise de contact avec le Val Formazza, nous rentrons tout joyeux à San Rocco, conduisant prudemment et respectant scrupuleusement, tout comme à l’aller, les limitations de vitesse, au grand désespoir des locaux.
Faune du jour
Flore du jour
Eh oui, même au mois d’octobre, nous avons réussi à glaner quelques fleurs.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
A l’Alpe Ghighel.
Au Lago Nero.
Au Lago Castel.