Très belle randonnée, peu exigeante en termes de dénivelé, au départ du col Lukmanier. L’itinéraire longe les rives du torrent Reno di Medel, le plus long cours supérieur du Rhin et suit dans le Val Cadlimo jusqu’au Lago dell’Isra. Le retour se fera en passant par le passo dell’Uomo.
Ce matin, nous partons vers le col Lukmanier. Mais aujourd’hui, il n’est pas question de nous arrêter avant d’avoir atteint le lac. Nous allons jusqu’au col, et garons le « char » sur le parking de l’hospice Santa Maria.
Le terrain de jeux du jour est vaste et les options nombreuses.
Un peu en retrait, sur une butte, une église.
Et, une jolie statue de pierre qui ressemble presque à un monolithe de l’Île de Pâques.
Par conviction, je suis peu encline à admirer toute représentation religieuse. Je suis néanmoins sensible à l’esthétique et celle-ci me parle.
La balade commence par longer le bord sud du lac – Lai da Sontga Maria. Le ciel est un peu laiteux et les prévisions météorologiques un peu floues.
C’est une bonne mise en jambe de 2 kilomètres de goudron, globalement plats. Au milieu du lac, un poteau électrique. A droite, la route passe dans un pare-avalanche dont la longueur est presque équivalente à celle du lac. A gauche, le sentier continue en longeant le lac pour arriver au barrage.
Nous continuons vers l’ouest, en direction du Val Cadlimo. Stefano est resté assez vague quant à l’objectif du jour. Il m’a parlé d’un petit lac accessible d’un sentier bleu et blanc, qui semble tenir plus d’une éventualité que d’un but défini. Nous verrons bien, me dis-je. L’objectif en soi n’a que peu d’importance.
Nous laissons sur notre gauche, la piste qui monte vers le passo dell’Uomo et nous engageons sur un petit sentier aménagé de quelques planches posées au-dessus de zones humides.
Plusieurs torrents se dirigent vers le lac.
L’eau qui y coule est turquoise et transparente.
Le sentier s’élève entre les rhododendrons, étroit, un peu technique, varié.
Un passage a même été aménagé avec des chaînes pour éviter toute glissade, qui comme on sait, pourrait être fatale.
Un torrent coule dans une cassure de roche. Difficile de savoir si le torrent l’a lentement façonnée et s’il s’est seulement montré opportuniste.
Le sentier, effilé, longe cette petite gorge par la droite.
Le terrain accidenté nous demande de l’attention et le silence s’installe durant quelques minutes.
Nous rejoignons le niveau du torrent au passage d’un pierrier. Les rochers, aux angles bien marqués, sont stables.
Parfois, la rosace d’un de nos bâtons reste coincée dans un interstice. Nous la libérons d’un geste souple, pour éviter la torsion qui pourrait provoquer la cassure.
Nous évoluons maintenant dans le Val Cadlimo. Les zones rocailleuses se succèdent aux zones herbeuses. Le torrent – Reno di Mendel – nous accompagne.
Ce torrent est d’ailleurs le plus long cours supérieur du Rhin. Il est alimenté par trois sources : une qui alimente le Lago Scuro d’où en sort un torrent, une autre – centrale – qui naît près de la Bochetta di Cadlimo pour se jeter dans le Lago di Dentro (le petit lac accessible par un sentier bleu et blanc) et enfin, la troisième, qui émerge des flancs du Pizzo Curnera. Du lac Lai da Sontga Maria, il descend vers Les Grisons devenant Rein da Medel avant de rejoindre Disentis. L’eau que nous longeons terminera sa course en se jetant dans la mer du Nord.
Une retenue d’eau calme les ardeurs du torrent. Une prise d’eau s’y cache, qui capte l’eau et l’amène vers le passo dell’Uomo où elle rejoint, plus tard, le lago Ritom. Une savante répartition de la richesse hydrologique.
Un sentier traverse le torrent pour aller, lui aussi, vers le passo dell’Uomo.
Nous restons sur notre trajectoire, à savoir la droite du torrent, un peu plus turbulent, en amont du barrage.
Nous arrivons à une étable. Le lieu s’appelle Stabbio di Mezzo. D’une construction s’échappe des bruits d’ustensiles de cuisine entrechoqués. Une annexe complète le lieu.
Cinq ou 5 ou 6 chiens rôdent dans les environs, intéressés par nous, mais gardant une distance raisonnable.
Le torrent prend ses aises sur une centaine de mètres et son lit s’élargit.
L’odeur pestilentielle d’une bête crevée flotte. Nous apercevons, de loin, une charogne gonflée.
De longs névés bordent le cours d’eau.
La fraîcheur des lieux est bienfaisante. Des bêtes paissent sur le flanc nord du Val Cadlimo. Des vaches ? Non, plutôt des yaks, aisément reconnaissables à leur queue similaire à celle d’un cheval.
Des ruines – habitation ou abri ou encore étable – témoignent d’une occupation plus intensive des lieux.
Nous arrivons à une croisée de chemin. C’est ici que part le sentier bleu et blanc. Peut-être, me dis Stefano. Mais plutôt au retour.
Le panneau annonce moins de 2 heures pour rejoindre la voiture. Nous sommes dubitatifs. Partis un peu après 9h de la voiture, nous marchons depuis un peu plus que 3 heures. Je pourrais comprendre que nous ayons quelques minutes de retard, mais près d’une heure me semble exagéré.
Belle perspective du Val Cadlimo.
Premier aperçu du lago dell’Isra. Une silhouette solitaire s’en détache : tiens, c’est le même gars qui se balade avec son chien, que nous avons croisé il y a deux jours lors de notre boucle autour du Luzzone.
Le sentier se sépare du torrent pour prendre un peu de hauteur. Nous surplombons le lac. Perdus dans la contemplation, le grondement de nos estomacs nous ramène à une réalité plus terre à terre : la sensation de faim est bien installée. Il nous faut donc trouver un endroit adéquat pour la pause.
Nous contournons le lac car nous avons repéré une construction à l’extrémité ouest de son bassin.
Au point le plus haut, un mât et des drapeaux de prière qui, selon moi, n’ont rien à faire ici et sont plutôt des déchets en devenir. Je me demande pourquoi les gens ont besoin d’imiter les us et coutumes qui se pratiquent dans d’autres pays et qui souvent sont l’aboutissement significatif d’une croyance, fait, légende… Transportées ailleurs, ces pratiques n’ont plus aucune sens.
L’origine des drapeaux de prières remonterait au bön, religion populaire ayant précédé le bouddhisme tibétain. Cette pratique est inconnue des autres branches du bouddhisme. Selon les adeptes du bouddhisme tibétain, le vent qui souffle, caressant au passage les formules sacrées imprimées, les disperse dans l’espace et les transmet ainsi aux dieux et à tous ceux qu’il touche dans sa course.
(source: Wikipedia)
Le bouddhisme, plus philosophie que religion, qui, elle aussi, connaît les affres de l’extrémisme. Il suffit de penser à ce qui s’est passé en Birmanie avec la persécution des Rohingyas.
Nous suivons le lit d’un petit ru pour descendre à la hauteur du lac.
La construction que nous avions repérée s’avère être un petit refuge.
Sur sa porte vitrée sont écrits ces quelques mots :
Chiunque tu sia, da dovunque tu venga, la porta è aperta, sei il benvenuto! Queste sono les parole di chi con sacrificio e lavoro ha costruito con passione questo rifugio. Nelle avversità della meteo qui puoi trovare un caffè caldo et un riparo sicuro. Abbine cura, rispettando la volontà di chi l’ha reso possibile, rispettando te stesso e l’amore per la montagna e soprattutto rispettando chi verrà dopo di te.
Ce qui donne ceci en français :
Qui que vous soyez, d’où que vous veniez, la porte est ouverte, vous êtes les bienvenus ! Tels sont les mots de ceux qui, au prix de sacrifices et d’un travail acharné, ont construit ce refuge avec passion. Dans l’adversité du temps, vous trouverez ici du café chaud et un abri sûr. Prenez-en soin, en respectant la volonté de ceux qui l’ont rendu possible, en vous respectant vous-même et votre amour de la montagne, et surtout en respectant ceux qui viendront après vous.
Derrière ces mots, en filigrane, la photo d’un monsieur barbu au visage souriant, une veste nouée à la taille, les deux bras levés et les pouces dressés. Bravo Monsieur.
Je profite du courant calme et d’une belle pierre plate pour croquer à belles dents mon sandwich alors que mes jambes frétillent dans l’eau glacée.
13h30. L’heure de commencer le retour. Nous restons sur les rives du lac, parfois très proches, parfois repoussés par le marécage qui l’entoure.
Nous retrouvons le sentier avant qu’il ne commence la montée vers le mât.
La première partie du retour se fait sur nos traces du matin. Le Reno de Medel est maintenant sur notre droite. Notre horizon est plus étendu qu’à l’aller, en raison de la pente.
Les bêtes que nous avons aperçues à l’aller, perchées sur le flanc supérieur du Val Cadlimo, se sont rapprochées du sentier. Nous avions cru à quelques têtes éparpillés mais nous réalisons qu’elles sont nombreuses, solitaires ou groupées. Certaines sont à quelques mètres du sentier, accompagnées de leur petit, et nous les dépassons tranquillement, tête baissée, dos arrondi, appliquant la même technique que celle que nous aurions utilisée pour des vaches. Les yaks sont des bovins, après tout, comme les vaches.
Au lieu-di Stabbio di Mezzo, les chiens sont partis. Nous nous approchons donc de l’abri rustique. Le confort doit y être minimaliste.
Au vu de la couleur du ciel, nous renonçons à tenter le sentier bleu et blanc. Par contre, arrivés au barrage, nous choisissons un autre itinéraire, celui qui part en direction du passo dell’Uomo.
Le silence revient au fur et à mesure que nous nous éloignons du Reno di Medel. Le terrain reste le même, entre zones herbeuses et rochers.
Le sentier est un sentier construit sur de longues portions. Ce qui signifie que le bétail y passait et peut-être d’ailleurs y passe-t-il encore… Peut-être même que les yaks de Stabbio di Mezzo ont suivi ce chemin.
Au moment de descendre vers le Val da Tiarms, un monsieur, qui était assis sur un rocher dominant la vallée, revient vers le sentier. Sa route intersecte la nôtre. Nous le saluons. Nous ne pouvons nous empêcher de noter ses Crocs, d’un bel orange vif.
Il est accompagné des chiens de Stabbio di Mezzo. Nous en déduisons que c’est donc le berger. Il est en route pour aller chercher un autre troupeau de yaks. Stefano discute avec lui en lombard et moi je suis vaguement le fil de la conversation, m’accrochant à quelques mots familiers. Stefano lui parle de la bête crevée. C’est une chèvre, une vieille chèvre qui, au terme de la montée à l’alpage, s’est tout simplement éteinte. Depuis quelques jours, elle sert de petit déjeuner à un couple de rapaces.
Nous le laissons lorsque le sentier rejoint celui qui monte au passo dell’Uomo auquel nous voudrions jeter un coup d’œil.
Nous remarquons une nouvelle forme de marquage : noir et blanc. Un petit tour sur la référence en matière de signalisation des chemins de randonnée pédestre me confirme que ce marquage ne leur appartient pas.
Le passo dell’Uomo est marqué par deux grands bâtiments. Au centre, une cour. Le rez de chaussée des deux constructions est ouvert, sans mur, et sert de remise. Du bric à brac y est joyeusement stocké. Deux moutons détalent à notre approche.
Il y a encore tout un monde à découvrir.
Les 2.4 kilomètres qui nous séparent de la rive du lac se font sur une piste caillouteuse, très désagréable à la marche. La pente est raide et les cailloux ont une méchante tendance à rouler. Dès que l’absence de végétation le permet, nous dévions sur les bords herbeux, plus stables et moins accidentés. D’ailleurs, par endroits, les passages herbeux ont été transformés en sentier, battu par le pas des randonneurs.
Nous voyons notre berger remonter, accompagnés d’une vingtaine de bêtes supplémentaires, ses Crocs orange aisément repérables.
La dernière portion du retour est sans surprise, car comme à l’aller, sur une piste carrossable, qui suit les rives du lac. Le ciel a craché quelques gouttes de pluie mais son incontinence a vite été contrôlée.
Il manque quelques milliers de mètres cube d’eau, dû aux derniers hivers sans neige.
Nous arrivons à la voiture vers 17h30. C’est à ce moment que le vent se décide à souffler brutalement, soulevant la poussière d’un chantier à proximité. Nous changeons rapidement de chaussures, les yeux plissés derrière nos lunettes, avant de retrouver le calme de la voiture.
Flore du jour
Itinéraire du jour
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