Nous partons Piano di Peccia, village où se situe la carrière Cristallina, la seule carrière de marbre encore en activité de Suisse. Au terme d’une montée ardue, nous arrivons à la capanna Poncione di Braga et continuons à flanc de montagne puis sur le Filo della Tanèda pour arriver au lago della Froda. Nous redescendons par l’alpage du même nom.
Le départ de la randonnée du jour se fait à Piano di Peccia, le dernier village du fond de la vallée où coule la rivière Peccia. Enfin, si l’on fait abstraction du hameau de Sant’Antonio un peu plus loin et de la carrière de marbre Cristallina encore plus loin.
Le parking visé par Stefano se trouve de l’autre côté de la rivière qu’enjambe un pont si étroit et qui paraît si fragile que nous nous demandons par deux fois (allez trois, soyons honnêtes) si les véhicules motorisés sont autorisés à l’emprunter. La réponse étant dictée par la présence d’autres voitures sur le parking, nous retenons notre souffle et traversons le pont.
La première étape de la balade consiste à rejoindre le départ du sentier, au fond de la vallée. D’abord pour la route puis par un sentier qui borde cette dernière.
Ce qui nous semblait être une bonne idée n’en est pas une. Le sentier n’est pas très fréquenté et les orties l’ont envahi. Nos mollets nous font promettre de revenir par la route. Sous peine de grève sans préavis. La doléance est entendue, retenue et nous jurons. Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer.
Nous passons près d’une ferme où, d’un côté, un bâtiment agricole a été reconverti et offre des chambres. Un frigo, dehors, en libre service, propose du lait et autres produits laitiers. Des toilettes et douche, en sous-sol, sont à disposition pour 5 CHF. De l’autre côté, un grand champ dans lequel est garée une belle collection de vans, des VW California pour la plupart, de générations différentes. La ferme semble être encore active au niveau de l’agriculture et/ou élevage mais a clairement diversifié ses activités en se consacrant également au tourisme.
La route se rapproche de la rivière et de la carrière. Dans le lit de la rivière, des gros blocs de pierre gisent, extraits de la falaise. Des déchets, semble-t-il, où la marque des barres à mine est bien visible.
Les engins s’activent, là-haut, au pied de la falaise. De gros nuages de fumée noire sortis des tuyaux d’échappement se dispersent dans le ciel. Quelques « œuvres » trônent le long du chemin.
Nous traversons encore une fois la rivière et arrivons enfin au départ du sentier. Il est chou, non, ce petit randonneur skieur aux cheveux fous ?
Les premiers mètres sont assez tranquilles et pourraient laisser penser que la balade s’avère être une promenade de santé.
Mais très vite, ça grimpe, et ça grimpe sec. Espacés assez régulièrement, ces signes, « Mucca Matty » – vache folle – , permettent de faire « avaler » l’effort aux enfants en tentant de les divertir.
Le principe est le suivant : à chaque fois qu’un signe « Mucca Matty » est visible (cloué sur un arbre vivant, soit dit en passant), une tête de vache découpée dans une planche de bois et peinte en rouge ou en bleu est elle-aussi accrochée (clouée donc !) sur un arbre voisin, parfois légèrement dissimulée par des branches ou le feuillage. Le jeu consiste à trouver les têtes, les compter par couleur et donner ses réponses au gardien de la capanna Poncione. Moi, je serais un gosse, j’enverrais bouler ceux qui essaient de me faire monter là !
Cela dit, c’est quand même beau.
Suant, soufflant, ahanant, nous arrivons sur une route d’exploitation, à la sortie d’un tunnel. Cette route permettait de relier des pâturages. En partant sur la gauche, elle rejoint la carrière.
En partant sur la droite, dans le tunnel, elle permet de monter à l’alpe Froda.
Le répit est de courte durée et la suite de la balade ne se fait pas en passant dans le tunnel, comme la photo ci-dessus pourrait le laisser croire. Non non !
Le sentier part à l’assaut de la montagne, par petits zigzags assassins.
Les « Mucca Matty » se succèdent. Telles des carottes pour faire avancer des ânes. J’imagine les parents encourageant leurs bambins. Allez, avance, tu vas voir, on va trouver une autre vache folle. Et le gamin, bougonnant et grommelant dans sa barbe naissante : hum, j’en ai rien à fiche de ta vache. Je veux juste que ça s’arrête de monter !
Première pause barre dans les mélèzes. Il est 10h08. Nous avons parcouru 3’848 mètres et pris 563 mètres. Le tout en 1h30 environ.
Ce matin, nous sommes partis du parking plus ou moins en même temps qu’un couple. Au gré des pauses, nous les rattrapons ou ils nous rattrapent.
En arrivant à l’extrémité est de l’alpe Strodàn, nous les rejoignons une fois encore.
Lui s’est arrêté et sa paume de main est noire de myrtilles. Nous les traitons de gourmands et ils nous répondent que c’est également une bonne excuse pour s’arrêter. Nous ne les reverrons pas. Un peu plus loin, sous un arbre, deux dames, assises sur une couverture, semblent pique-niquer, de grandes casseroles en alu posées autour. En l’absence de feu, nous en déduisons que l’heure est à la cueillette des myrtilles. Elles ont vu grand. Si elle parviennent à remplir les casseroles, les bocaux de confiture ou de gelée seront nombreux.
Stefano en mode golosone.
Nous y sommes presque. Nous apercevons la cabane, toute petite, au loin.
Il y a également quelques étables. Le pâturage Grasca del Piatto. Nous entendons des clochettes tintinnabuler.
Les étables ont été construites en enfilade. La première de la rangée, celle susceptible d’être touchée par une avalanche, est protégée par une pointe de pierre.
C’est très malin.
Devant la cabane, une large silhouette de tête de vache, de forme similaire à celles vissées sur les arbres chemin faisant, attend les enfants. Au centre, un trou, permettant d’y glisser la tête le temps d’une photo.
Nous ne nous approcherons pas. Il nous faut continuer car le lac est encore loin, derrière la crête.
La prochaine étape va nous mener à un cairn, l’Omino della Costa. Nous l’apercevons de loin et il semble relativement proche. A vol d’oiseau. Mais le flanc de la montagne est loin d’être plat, la faute à des petits ruisseaux, creux et bosses qui lacèrent la montagne.
Un sentier bleu et blanc part rejoindre la capanna del Basodino.
Et là, c’est une explosion de couleur.
Le « petit homme », traduction littérale de omino.
Une heure et quinze minutes après avoir passé la cabane, nous y sommes.
En contrebas, un petit abri où se sont réfugiés des randonneurs. Il souffle un vent froid qui nous oblige à ajouter une couche.
De là commence le Filo della Tanèda. Le panneau jaune, à la cabane, annonçait quarante-cinq minutes. Il nous a fallu trente minutes de plus. Et pourtant nous n’avons pas traîné.
Le Filo della Tanèda n’est autre qu’une ligne de crête. Confortablement installées de part et d’autre du sentier, des vaches, allongées, pour ne pas dire avachies, ruminent.
Mais l’une d’entre elles décide de s’essayer au mannequinat. Elle s’appelle Oxana, et, ma foi, elle s’en sort très bien.
Elle minaude, se pavane, essayant diverses attitudes, nous offrant un profil, puis un autre.
Stefano la félicite et lui donne quelques conseils. Elle écoute, attentive.
Ses compagnes la regardent, un peu dédaigneuses, la traitant de coquette et de frivole.
Et nous, nous continuons sur la crête, en direction du lac. Puis, nous trouvons le ruisseau qui s’en échappe, que nous longeons.
Et voici le lago della Froda.
Nous manquons de recul et sans doute faudra-t-il que nous prenions de la hauteur pour avoir une meilleure vue. Mais avant toute chose, nous devons nous sustenter. Il fait faim. Je m’offre une petite baignade afin d’aiguiser encore mon appétit.
Les nuages arrivent et en moins de vingt minutes ils ont envahis le ciel. Au grand désespoir de Stefano, qui râle et peste mais rien n’y fait.
Un coup d’œil vers le ciel ne présage rien de bon et point de soleil pour quelques longues minutes. Il ne nous reste plus qu’à descendre. Assis sur un rocher, un jeune homme observe les vaches. C’est un jeune berger de val Camonica, une vallée située à proximité du lac d’Iseo, en province de Brescia (Italie). Il repart dans trois semaines continuer ses études. Il a les joues rougies par le froid. Mes mains, elles, sont profondément enfoncées dans mes poches. Je regrette silencieusement les gants, restés dans la voiture.
Retour au col, près de du cairn.
Stefano décide de rentrer par un autre chemin. Nous pourrons ainsi avoir un tracé en boucle. La première partie consiste à rejoindre l’alpage Piatto della Froda. Le sentier a été massacré par les bêtes. Ce n’est que boue et caillasse.
Mais bon, il y a un joli petit lac pour nous récompenser.
Des chèvres se mêlent aux vaches. Sur la droite de la photo ci-dessous, la route dont j’ai parlé tout à l’heure, celle qui arrive du tunnel.
L’alpage Piatto della Froda.
Passé l’alpage, la pente devient très raide et le sentier très étroit. Nous avançons avec précaution.
A mi-chemin entre l’alpage et Corte della Froda, le prochain alpage, nous croisons un couple. Ils ne sont plus tout jeunes. Elle avance pieds nus, ses chaussures de ville à la main. J’ai des ampoules, lance-t-elle. Nous qui pensions avoir tout vu !
Trente minutes plus tard, nous sommes bien contents s’arriver sur la route, trois cents mètres plus bas. Enfin, nos genoux surtout !
Corte della Froda.
Le fiume Peccia coule au fond de la vallée. Nous alternons la route et le sentier. Le sentier pour aller plus vite, la route pour se reposer.
Sur la route, quelqu’un. Une fille qui vient dans notre direction. Après les salutations d’usage, elle nous dit en italien avec un fort accent suisse-allemand qu’elle a laissé son sac à dos un peu plus bas. Nous trouvons effectivement le sac à dos un ou deux kilomètres plus bas. Surprenant !
C’est accompagnée par une autre randonneuse, à la mine renfrognée, que nous la retrouverons plus tard, alors que nous nous sommes arrêtés pour photographier cette jolie petite chapelle, non loin du lieu-dit Sasselo. Nous échafaudons mille théories pour tenter d’expliquer leur mauvaise humeur. C’est gratuit, drôle et sans méchanceté.
A gauche, les deux ou trois étables de Sasselo. Au centre, le fiume Peccia.
Et devant nous, une longue portion de route où il fait bon marcher.
Nous abandonnons la route au moment où elle ne descend plus mais se dirige vers le tunnel.
Le sentier descend sec, longeant toujours la rivière. Des ânes paissent et viennent à notre rencontre. D’abord un, puis deux, puis … une demi-douzaine. L’un deux tente d’attraper une sangle de mon sac.
Stefano en grande conversation.
Nous rejoignons le sentier de ce matin. La balade n’est pas encore finie. Il nous faut arriver au fond de la vallée, traverser à nouveau le ri della Crosa puis suivre la route en contrebas de la carrière. Nous nous rappelons la promesse faite à nos mollets ce matin et continuons sagement par la route. Trois kilomètres plus tard, nous arrivons à la voiture. Fatigués, certes, mais heureux. Nous avons fait un joli dénivelé (1500 mètres) pour un peu moins de 20 kilomètres. Ça commence à être sérieux. Nous sommes prêts pour les jours qui viennent. Impatients, même, de voir ce qu’ils nous réservent.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
A l’Omino della Costa.
Au lago della Froda.
Second essai.
Juste après l’alpage Corte della Froda.