Aujourd’hui, nous partons sur le tracé du Cercle d’or, un circuit touristique d’environ 300 kilomètres qui propose un condensé des paysages de l’Islande : des chutes d’eau, un champ géothermique et un immense plateau, Þingvellir, aujourd’hui parc national.
Nous dormons ce soir près de Vík, petite ville située sur la pointe sud de l’ile. Etablir un tracé pour cette journée ne fut pas facile. Le premier tracé, de quelques 330 km, était bien trop ambitieux. J’ai alors commencé à rogner, par-ci, par là. J’ai dû renoncer au tour du lac Leirvogsvatn par le sud et, du même coup, à Kerid Crater qui m’avait semblé si mignon. Au final, je termine avec un itinéraire de 286 kilomètres. Quand même !
Nous quittons Reykjavik sous la pluie. Nous roulons vers le nord. Les champs de lave moussus alternent avec des forêts d’arbres nains.
Le ciel est bas, gris et chargé. Les essuie-glaces vont bon train. Il n’y a que moi qui ose sortir aller contempler les colonnes de lave, couronnées d’une épaisse couche de mousse verte, du plus bel effet.
Nous quittons la route quelques minutes pour essayer de nous rapprocher de cette jolie montagne.
D’autant qu’un court instant, nous avons cru voir un peu de soleil. C’est ce qu’on appelle une éclaircie éphémère.
Elle est belle cette piste, hein ? Belle oui, mais bien trop accidentée pour notre berline dont la garde au sol ne dépasse pas 10 cm. Malgré les raclements, nous devons poursuivre une cinquantaine de mètres avant de pouvoir opérer un demi-tour.
Je sors donc de la voiture et la précède de quelques mètres afin de jeter sur le bas-côté toutes les pierres qui pourraient trop dépasser. C’est assez fun même si je n’avance pas vite. Cet exercice a le mérite de réchauffer mes vieux os.
Nous arrivons en vue de Þingvellir. Þingvellir est un parc national, une grande plaine entourée de montagnes d’environ 1’000 mètres d’altitude.
Mais, que voir à Þingvellir? Un canyon, des montagnes, des falaises, des zones géothermiques, des ruines, des eaux cristallines propices à la plongée ? Rien de tout ça spécifiquement mais un joli mélange de merveilles naturelles et d’histoire. Ainsi, les Islandais furent les premiers à créer un parlement, l’Althing. C’était en 930. Non non je n’ai pas oublié de chiffre. L’Althing était un rassemblement annuel, pendant lequel les seigneurs les plus puissants se rencontraient pour décider des lois et rendre justice. Tous les hommes libres pouvaient assister à cet événement et prendre ainsi connaissance des lois qui étaient récitées à voix haute par le lögsögumaður – celui qui dit la loi. L’Althing se réunissait chaque année au mois de juin, 15 jours durant, autour d’une fête populaire qui réunissait jeux, danses, combats de chevaux, récitations de poèmes et lecture des sagas. Des lieux de ces rassemblements il ne reste pas grand-chose, l’essentiel se faisant sous tente.
Nous, nous passerons notre chemin.
Geysir et la vallée Haukadalur
Plus nous approchons de Geysir, plus la circulation se densifie. Au parking, nous avons de la peine à trouver une place libre, entre les autobus et les campers. Nous nous préparons à un bain de foule arrosé. La météo n’a pas l’air de vouloir s’améliorer et les averses se succèdent.
Un large sentier nous amène près d’une vaste zone de géothermique.
L’ambiance est bonne enfant. La foule est constituée de deux catégories de badauds. Les uns, le visage fermé, semblent résignés au mauvais temps. D’autres prennent le parti d’en rire, ou du moins d’en sourire.
La foule bigarrée s’active autour des piscines et des geysers. Il y a un joli défilé de vestes de pluie de toutes sortes. Le choix est varié et va des ponchos de plastique achetés en dernier ressort à la va-vite aux vestes techniques Gore-tex, en passant par des imperméables, de marque Icewear le plus souvent, aux formes élégantes et aux couleurs agréables et à la robustesse évidente.
Alors que nous nous dirigeons vers Geysir, le geyser le plus populaire de la zone puisqu’il a l’extrême bonté de jaillir environ toutes les 4 à 6 minutes, Luana nous raconte une de ses aventures. Nous partons tous dans un fou rire irrépressible. Le fond de l’histoire est plutôt dramatique. Mais sa façon de la conter la rend extrêmement comique. Entre Voie Verte, Toi Toi, Lison et envie incontrôlée ou incontrôlable, nous rions aux éclats en attendant que le geyser veuille bien se réveiller.
Voici notre première série. Nous n’étions pas très concentrés. Nous ne performerons guère plus aux autres éruptions. Difficile de faire du spectaculaire avec du gris sur gris.
En attendant la seconde eruption, nous faisons une série d’autoportraits. Là encore, nous avons de la peine à garder notre sérieux (voir la section Autoportraits du lieu).
Les yeux encore humides d’avoir tant ri, nous repartons gentiment à la voiture.
Cette zone-là est particulièrement jolie.
Mais, mais, que fait-elle ?
Cet arbre nous fait penser aux bobby socks trees de Yellowstone. Certes, ce petit arbre n’a pas de chaussettes blanches mais l’endroit choisi pour pousser n’était pas le meilleur ! Il l’a d’ailleurs payé de sa vie.
Autoportraits du lieu
Sages et sérieux…
Un peu moins sages et sérieux…
Gullfoss
Aujourd’hui, nous jouerons les touristes jusqu’au bout ! Dix kilomètres à peine après avoir quitté Geysir, nous arrivons au parking de Gullfoss, une des plus belles cascades d’Islande, d’Europe et du Monde. Rien que ça !
Le parking est beaucoup plus discret que celui de Geysir. Mais tout comme ce dernier, bus, pickups et vans se côtoient. Pas d’hôtels, juste un visitor center accolé à un restaurant. La pluie s’est un peu calmée.
Nous nous intercalons dans la file de promeneurs qui descend vers les chutes d’eau. Le rythme se ralentit à proximité d’une série de volées de marches métalliques. Même si le métal est profilé, comme dirait Stefano, « la glissade peut être fatale ». C’est le motto qu’il me répète en boucle lorsque nous évoluons sur du terrain glissant. Une chute ici aurait l’effet d’un gigantesque jeu de domino.
Et voici Gullfoss, la « chute d’or ». Certains avancent qu’elle tire son nom des arcs en ciel qui se développent lorsque le soleil est présent. Aujourd’hui, aucun risque ! Moi, je préfère une autre théorie, issue d’une légende. Un riche fermier, Gygur, ne pouvait supporter l’idée qu’à sa mort son or changerait de main. Il préféra jeter son coffre-fort dans la cascade avant de trépasser. Il aurait mieux fait de l’enterrer et de dire à ces enfants de ne pas vendre les terres familiales à cause d’un trésor caché dedans… La suite est bien connue, de même que la morale de la fable.
Le bruit est assourdissant. Gullfoss est composée de deux décrochements, le premier de 11 mètres de haut, le second, plus impressionnant, de 21 mètres. L’eau, après sa première chute, a à peine le temps de se calmer avant d’être entrainée dans la seconde cataracte.
Les gouttelettes d’eau arrivent de partout. Elles sont si denses que nous parvenons à peine à discerner le fond du canyon, là où se fracasse l’eau. Le voilà, alors que le vent a momentanément rabattu le nuage contre une paroi.
Malgré l’humidité, nous poussons jusqu’au bout la visite pour nous approcher de la première chute. Nous sommes sur les derniers mètres avant que l’eau ne commence sa descente vertigineuse.
Le sentier est extrêmement glissant et humide à souhait. Les flaques d’eau, les cailloux isolés, de la mousse épaisse et les croisements fréquents avec des promeneurs requièrent un maximum de concentration. La remontée par les escaliers se fait en accordéon, comme le trafic sur l’autoroute, un matin de pluie.
Nous faisons une halte au restaurant où nous régalons d’une bonne « souplette ». Bien que capable d’accueillir des hordes de passagers déposés par des cars, l’endroit est si bien pensé et aménagé que l’atmosphère reste assez intime. Etonnant !
Autoportraits du lieu
Skogaffos
Descendant vers le sud par la route n° 30, nous rejoignons la route n° 1. Les paysages sont moins lunaires. Des champs, d’un vert quasi fluorescent, bordent la route. Sur certains, des balles de fourrage éparpillées, enrobées de plastique bleu, blanc, ou même rose, leur donnent un air de jeu de société abandonné. Les autres, la majorité, sont pâturés. La toison des moutons et des brebis est si épaisse qu’ils ressemblent à des barriques. L’herbe est si haute qu’elle oblitère leurs courtes pattes. Noirs ou blancs, ils dessinent d’immenses plateaux de jeu de dame.
Parfois, les nuages laissent émerger les cimes et nous apercevons des petites portions de surfaces blanches. Les glaciers !
Au-delà des champs, sur notre gauche, une falaise s’étire sans discontinuer.
Elle est ponctuée de chutes d’eau. Parfois, il y en a 3, 4, voire 5 dans notre champ de vision. Quelques-unes sont imposantes et spectaculaires.
Le GPS clignote pour annoncer un POI. Une cascade, qui ne nous couterait qu’un petit détour. En dépit de la pluie, nous nous décidons à quitter le confort et la douce chaleur de la voiture.
Nous sommes à Skogaffos.
L’Islande, rude contrée, est riche en légendes et autres croyances. Bien évidemment, ce qui précède exclut les hidden people (huldufólk) car l’existence de ces petits êtres est avérée et ne fait pas l’ombre d’un doute. Voici la légende autour de la chute d’eau de Skógaffos. Caché derrière le rideau d’eau repose le trésor du viking Þrasi Þórólfsson (le fils Þórólfs donc !). Découvert quelques années plus tard par un enfant, ce dernier, est-ce à cause d’une malédiction, de la malchance ou de sa constitution chétive, ne put ramener qu’une fraction du butin. Fraction exposée d’ailleurs au musée de Skógar, le village voisin. Tout compte fait, est-ce vraiment une légende ?
Je laisse Stefano et Luana se promener sur la plage de cailloux noirs. Je ne puis résister à l’appel de l’escalier de fer qui monte à droite de la chute d’eau.
J’arrive sur un replat d’où la vue n’est pas extraordinaire. Mais au moins mon cardio s’est un peu affolé (si peu) et surtout je suis sur un bout de sentier du « fameux » trek de Laugavegur. Tout un programme… Un jour, certainement.
De retour à la voiture, on ne peut plus parler de pluie mais de hallebardes ! Les essuie-glaces s’affolent.
Les dieux vikings sont avec nous. Au moment où nous arrivons à notre guesthouse, le rideau de pluie s’étiole. Nous pouvons vider la voiture sans nous faire tremper. Le bâtiment est à quelques centaines de mètres de la route, au milieu des champs. Sur la gauche, quelques teepees blancs pointent au milieu d’un champ. A droite, des barriques blanches errent. Nous sommes chaleureusement accueillis par une dame portugaise polyglotte. Elle nous propose une boisson chaude, à déguster dans une vaste salle commune dont la baie vitrée s’ouvre sur une prairie. Au loin, on devine la mer. A la grande déception de Luana, nous ne dormirons pas dans les teepees mais de de belles chambres, joliment aménagées.
Installés, réchauffés, nous partons en quête d’un restaurant. La ville la plus proche est Vík, à une vingtaine de minutes. Nous y trouvons un restaurant – Halldórskaffi – où nous arrivons dégoulinants, après avoir laissé la voiture moins de 10 mètres. La nourriture n’est pas exceptionnelle mais les bières sont savoureuses et le personnel – des jeunes Lituaniens – aux petits soins.
En rentrant, sur la piste qui mène à la guesthouse, le faisceau des phares révèle du mouvement. Stefano écrase la pédale de frein pour laisser passer une maman oiseau avec ses oisillons. Peut-être des chevaliers gambettes ? Ils marchent, en se dandinant, cahin-caha, sur leurs longues pattes effilées. Les petits trottinent, faisant trois pas pour un pas de leur maman. C’est sur cette note tendre que nous terminons notre deuxième journée en Islande.