Aujourd’hui, nous innovons. Nous allons rejoindre le Grand Gulch par Collins Canyon, un canyon qui se situe sur son côté ouest alors que tous les canyons qui nous ont jusque là permis de rejoindre le Grand Gulch se situent du côté est. Ça ne change pas grand chose, certes, si ce n’est que la distance pour accéder au trailhead est plus importante que d’habitude et que donc nous avons pris la tente et ce qui va avec pour éventuellement, je dis bien éventuellement, dormir dans le coin ce soir.
La piste d’accès est une véritable autoroute jusqu’à ce que, environ à 3 km du trailhead, un passage particulièrement caillouteux réveille notre côté chicken. Nous faisons une marche arrière et garons la voiture sur un terre-plein qui s’avère un excellent site pour monter la tente.
Nous partons d’un pas allègre.
45 minutes plus tard, nous arrivons en vue du parking. 3 voitures y sont garées. Un hiker est en train de faire sa toilette du matin. Il est tellement absorbé par ses ablutions qu’il ne nous voit pas arriver (et pourtant nous lui faisions face). Si bien que lorsque nous le saluons, nous le voyons sursauter et ses premières paroles sont : you scared the shit out of me. Il nous dit aussi que 2 minutes plus tôt, il était nu comme un ver. Nous on rigole. Il a passé 4 nuits dans le Grand Gulch et ses compagnons sont encore en train de remonter.
Juste après cette barrière, nous rencontrons les compagnons du hiker qui est encore sans doute en train de se remettre de sa frayeur. Un jeune, qui nous a été décrit comme a spider (car à priori capable d’escalader à mains nues et sans matériel des falaises) porte le sac de Bill, un vieux monsieur de plus de 80 ans qui connaît la région comme sa poche. Il nous sort même une carte et nous montre deux emplacements où nous trouverons des panneaux de pétroglyphes.
Un peu après, se trouve un ancien camp de cowboys. Au début du siècle, les ranchers avaient aménagés un chemin pour faire descendre le bétail dans Collins Canyon.
Ce camp n’est autre qu’une poubelle à ciel ouvert.
Collins Canyon, alors que nous sommes encore près du parking. Les parois ne sont pas très hautes et nous marchons sur un rim.
Quelques dizaines de minutes plus tard, nous sommes dans le vif du sujet.
Nous suivons les indications de Bill et nous engageons dans l’ancien lit du wash. Au fil des années, l’eau a sapé un bloc rocheux changeant ainsi le cours du wash. L’endroit où l’eau a creusé la falaise s’appelle The Narrows. Nous le rejoindrons au terme de notre détour.
Nous marchons sur la partie maintenant sèche du wash qui s’est remplie de sable au fil des années. Cette particularité s’appelle ici un rincon, un mot espagnol signifiant abandonned meander, soit méandre abandonné.
Nous arrivons au premier panneau de pictogrammes.
Ce sont des pictogrammes bicolores.
Sur certains, une des couleurs s’est affadie, rendant certaines des formes anthropomorphiques étranges.
Ici, ce sont les restes de formes d’animaux.
Nous repartons. Ce petit détour ne doit pas nous faire perdre de vue notre objectif final de la journée, à savoir Bannister Ruins, quelque part dans le Grand Gulch.
C’est à proximité de l’endroit où la boucle de l’ancien lit du wash rejoint son cours actuel que nous trouvons le second panneau.
Il est un peu plus « pauvre » que le précédent, tant par la matière que par la précision des dessins.
Il a été aussi abîmé par des graffitis.
La plus belle partie est sans conteste ces ribambelles de formes anthropomorphiques.
D’autres dessins, épars, ont été rendus abstraits par la disparition d’une couleur les composant.
Nous arrivons à The Narrows. La vue du tronc, de taille fort respectable, coincé entre les parois réveille notre imagination. Lors d’orages violents, la puissance de l’eau, décuplée par cet entonnoir, doit être phénoménale. Mieux vaut ne pas se trouver dans les environs.
Nous avons rejoint le Grand Gulch.
Nous arrivons à une jonction du wash et d’un rincon. Nous avons le temps et décidons d’aller explorer les parois avoisinantes.
Presque en même temps, nous repérons ce que nous appelons des tâches suspectes sur une falaise. Un coup de zoom confirme qu’il s’agit bien de dessins.
Voici le panneau dans son ensemble,
et quelques détails.
De nouveau, une des couleurs semble avoir disparu et ne laissant que des corps sans pattes dont certains même sans tête.
Le rincon.
Nous revenons dans le lit du wash et nous apprécions les zones d’ombre qui nous apportent un peu de fraîcheur.
Voilà, nous y sommes : Bannister House Ruin.
Bill nous avait dit qu’elles étaient inaccessibles et que c’est une des raisons pour lesquelles il nous conseillait d’aller voir les deux panneaux.
Nous observons avec envie le site, devinons des pièces cachées derrière le second mur. À ce moment précis, nous regrettons de ne pas avoir un drone.
Une boîte du BLM contenant des informations éclaire notre lanterne quant au nom du site : bannister veut dire rampe que nous étendons à balustrade. Effectivement, ces deux troncs ne faisaient pas partie d’une construction et semblent n’avoir été placés que dans un but de protection.
La même boîte du BLM nous apprend également que le site était sans doute facilement accessible à l’époque avant que l’accès ne s’écroule.
A notre niveau, un reste de construction. Ce qui semble être un kiva excavé, ce qui est peu courant.
Proche du midden, nous trouvons quelques morceaux de poterie.
Bannister Ruins, bien à l’abri dans son alcôve, avec un message SPOT en partance.
Voilà. Objectif de la journée atteint avec en plus 3 bonus : 3 beaux panneaux de pictogrammes.
Il ne nous reste plus qu’à revenir à la voiture.
Durant les 3 km de piste du trailhead à la voiture, nous abordons le sujet crucial du jour : do we stay ou do we go? Nous sommes plutôt pour rester lorsque des no-see-ums viennent tournicoter autour de nous. Non, nous ne resterons pas. Nous doutons que le mesh de notre tente soit suffisamment fin pour les tenir à l’extérieur. Nous rentrons donc vers Blanding, avec la promesse d’une nuit confortable.