Cette année, pour le 1er août (jour de fête nationale suisse), nous avons décidé de partir très très loin. Nous allons passer deux jours au Brassus, un charmant petit village vaudois, sis à moins de 40 km de la maison. L’éloignement de notre lieu de villégiature est tel que, partis de la maison vers 19h, nous sommes attablés au restaurant de l’Hôtel de la Lande, au Brassus, vers 20 heures, après avoir pris possession de notre chambre.
Mais ça, c’était hier. Parlons maintenant au présent. A 9h, nous sommes prêts à partir pour notre randonnée du 1er août. Nous nous sommes garés à la pointe sud ouest du Lac de Joux, là où l’Orbe s’y jette.
C’est joli (à prononcer avec un bel accent suisse-allemand, bitte).
Nous traversons la Rue Centrale et commençons notre montée par la Route des Fuves, route que nous abandonnons très vite car un petit panneau jaune nous invite à suivre un joli sentier qui monte bien raide pour rejoindre, 500 mètres plus loin, la même route.
Quel farceur : il nous a juste permis de couper un virage et surtout de mettre nos moteurs en route.
Notre but de balade est multiple : d’abord, bien sûr, passer une belle journée au grand air, dans notre Jura adoré. Mais pour cela, me direz-vous, pas besoin de nous expatrier deux jours au Brassus. Ensuite et surtout aller voir quelques chalets et pâturages éloignés que nous ne pouvons atteindre en une journée de balade. Il y aura donc beaucoup de noms nouveaux.
D’abord, il y a une série de noms avec pièce.
Là, nous sommes à la Pièce chez Marc.
C’est une vaste bâtisse dont la rangée de fenêtres nous fait croire qu’elle a été reconvertie en colonie de vacances. Jusqu’à ce que nous jetions un coup d’œil au travers des carreaux sales et sur le cheni entassé à l’intérieur.
Nous continuons à travers champ, traversons un mur afin de changer de pâturage.
En vue, la Pièce aux Reymond.
Alors que nous marchons tranquillement, Stefano s’arrête et chuchote : regarde, des renards… Je prends un peu de temps à les localiser mais, coup de chance, ils ne sont pas très farouches. Nous sommes loin et ils ne se sentent pas en danger.
Nous passerons bien deux minutes à les regarder avant qu’ils ne se cachent dans les arbres.
La Pièce aux Reymond.
Le toit bicolore lui donne un charme certain. Le bois de chauffage est minutieusement aligné contre le mur. La voiture nous décourage de nous approcher.
Non loin, il y a un magnifique corral de pierre sèche.
Nous avons retrouvé une route qui nous mène à la prochaine pièce.
Et bien non ! Celui-ci n’est pas une pièce mais La Brenette. Ou La Branette. Les orthographes diffèrent, selon la source. Une chose est certaine : c’est que ce chalet est bien joli, avec son vieux toit de tôle inégalement rouillée et son pan de mur tavillonné.
Vue du Lac de Joux de depuis le pâturage magnifiquement entretenu de La Brenette : un véritable gazon anglais.
Toujours sur la route, commentant avec enthousiasme nos découvertes et la rencontre avec les renards, nous arrivons à la Pièce à Neveu.
Un passage de mur plus loin, nous voilà dans le pâturage d’une nouvelle pièce. Heureusement que nous nous méfions de ces petits ponts métalliques qui empêchent le bétail de traverser. Celui-ci est particulièrement glissant et un randonneur un peu moins attentif que nous n’aurait pas échappé à une chute.
La Pièce à Ferdinand ressemble beaucoup à sa sœur, la Pièce à Neveu. Tant par le volume que par la citerne à proximité, entourée d’un joli mur de pierre sèche.
C’était notre dernière pièce. La prochaine bâtisse est un couvert, couvert que nous appellerons le Couvert de la Pièce à Ferdinand, compte tenu de la courte distance qui les sépare.
Non loin, un petit chalet privé, La Chanterelle, qui n’est pas La Chanterelle que nous connaissons.
La route se dirige désormais perpendiculairement aux contreforts du Mont Tendre.
Nous arrivons à la Cabane des Saules, un chalet tout mignon appartenant au village des Bioux et pouvant être loué à la journée.
Stefano me montre les carreaux et me dit : mon oncle fabriquait des fenêtres identiques. C’était l’époque où le menuisier découpait les vitres à la taille voulue puis les fixait aux montants avec des petits clous avant de les entourer de mastic. C’était l’époque où le double vitrage n’existait pas…
Non loin, un panneau indique : Mont Tendre. Le même Mont Tendre que nous connaissons si bien. Mais nous ne sommes pas venus au Brassus pour nous retrouver au sommet du Mont Tendre, même si nous continuons à marcher vers lui.
Nous arrivons à un très joli couvert. Nos critères esthétiques pour les couverts constituent un sous ensemble de ceux avec lesquels nous jugeons les chalets. Encore que le terme « juger » soit à prendre au second degré et n’engage que nous. Ces critères sont : le toit et les pans de mur (couleur et matière), la présence ou non d’une citerne entourée de pierre sèche et également l’absence de matériel posé autour tels que des citernes ou abreuvoirs en plastique, des voitures, des barrières, … Celui-ci réunit tous ces critères.
Nous traversons les Bois de la Rippe, tout tranquillement, en marchant sur la route goudronnée. Les lieux sont pas mal fréquentés et nous devons laisser place à quelques voitures qui nous passent sans ralentir. Nous nous faisons toujours la remarque : très peu sont les conducteurs qui ralentissent. Souvent, les rétroviseurs ne passent pas loin de nos bras. Nous pardonnons volontiers ce manque de respect aux locaux qui travaillent dans le coin mais sommes beaucoup moins indulgents pour les autres.
En arrivant près de La Racine deux voitures déversent leurs passagers, dont pas mal d’enfants. Une petite pleure déjà, avant même d’avoir fait 3 pas. Leur destination ? Le Mont Tendre. Hum, nous leur souhaitons silencieusement beaucoup de plaisir ! La montée va être longue…
A La Racine, les poules caquettent joyeusement. Une a même réussi à passer la clôture et picore dans le pré. Espérons que le berger la rattrape avant que le goupil Renart s’en fasse un dîner.
Cet hiver, nous nous y étions arrêtés pour un pique-nique. Assis sur le mur, nous avions terminé notre pause par la dégustation d’une barre d’Ovomaltine. Miam… Aujourd’hui, nous ne pourrions nous asseoir sur le mur, il nous arrive à la poitrine.
Sur l’esplanade proche de l’entrée, des objets de décoration divers et variés, avec plus ou moins de goût mais c’est très coloré.
Non loin du Croset au Boucher, 3 cercles de pierre sèche émergent. Enfin, deux et demi pour être précis. Ça nous semble très récent. Alors évidemment, nous y passons un peu de temps, cherchant le meilleur angle.
Car gaspiller des pixels, nous, on sait faire !
Demain, ce tas de bois ne sera plus qu’un tas de cendre. Ses heures sont comptées. Car, peut-être que nos lecteurs non-suisses ne le savent pas, mais la tradition du 1er août, jour de fête nationale suisse, est de faire de grands feux de joie à la nuit tombée.
Le feu de joie évoque les signaux utilisé autrefois comme moyen visuel de transmission. Le feu de joie est également un reliquat de la fête celte de Lugnasad consacrée au dieu Lug au début du mois d’août. (source Wikipedia)
Nous avons droits à un grand signe de bras en guise de salut des convives attablés sur la terrasse du Croset au Boucher.
Illustration parfaite du mot « avachi ».
Nous traversons rapidement le pré pour aller voir si L’Églantier est ouvert. Hélas, non. Nous aurions bien aimé rencontrer à nouveau cette charmante dame, propriétaire d’une part, qui avait eu la gentillesse de nous faire visiter le chalet.
Je regarde avec gourmandise l’églantier accolé au mur. Pousse, petit églantier, pousse… Nous nous reverrons cet hiver. Je salive déjà en pensant aux fruits acidulés dont je me délecterai.
Nous rejoignons une petite sente confidentielle qui, via un pâturage boisé puis une véritable forêt nous fait perdre 100 mètres d’altitude. Stefano me montre un endroit et me dit : c’est là que nous avions photographié des anémones. Wow, quelle mémoire ! Effectivement, nous loin, nous trouvons des plumeaux caractéristiques desdites anémones.
Nous arrivons aux Quatre Puits.
La butte, à gauche, c’est le Mont Tendre.
Quatre cercles de pierre sèche, dont deux presque avalés par la végétation.
Celui-ci est le puits parfait.
De l’extérieur comme de l’intérieur…
Celui-ci n’est plus un puits…
Un troupeau de vache rôde autour des Quatre Puits. Nous prenons un soin tout particulier à les éviter…
Nous passons non loin de L’Arbalète où les parasols ouverts et les cris d’enfants nous gardent éloignés. Une fois, nous avions reçu un bonjour froid, alors nous n’insistons pas.
Juste à côté, Le Grand Croset Dessous.
C’est ainsi que nous arrivons à La Chanterelle, celle que nous connaissions, magnifique petit chalet privé avec ses volets jaunes.
Nous sommes en terrain connu mais pas familier. Ce petit couvert, – le Couvert des Grands Crosets – nous l’avons vu qu’une fois et je me rappelle très bien que nous avions attendu le soleil en vain. Revanche prise aujourd’hui.
La sortie (ou l’entrée, c’est selon) du pâturage des Grands Crosets Dessous.
Si nous partons à droite, nous redescendons vers Le Brassus. Nous partons donc à gauche en sachant pertinemment ce que nous allons trouver. Et nous nous en réjouissons d’avance.
D’abord, nous trouvons Le Petiot, un petit chalet pour lequel nous avons eu le coup de foudre. Il est encore plus joli que dans nos souvenirs.
Puis vient le Couvert du Poêle Chaud, encore nommé injustement sur Google Maps le Pas du Yéti. Allez savoir ! Nous avions été tenu à distance lors de notre dernier (et unique) passage par un barbecue fumant. Et comme un barbecue est rarement seul…
Mais aujourd’hui nous prenons nos aises : il est à nous tout seul.
L’intérieur est impeccable et pas un graffiti ne vient salir les murs. Il y a plusieurs tables, un poêle et même des log books pour les voyageurs puissent y laisser leurs impressions. C’est ainsi que nous constatons qu’il est très fréquenté l’hiver et qu’à Noël dernier, plusieurs familles se sont réunies pour une fondue.
A l’extérieur, sous le toit, les murs ont été joliment peints.
Toujours sur la route, nous faisons un petit crochet pour aller découvrir deux chalets privés.
Le premier, La Petite Gentiane est fermé.
Lorsque nous arrivons au second, fermé également, 4 personnes sont attablées sur la terrasse. Nous les saluons et … un ange passe. Un gars me regarde et me dit : « vous êtes la cousine de Robert (*) ? Je suis un ami. » * nom fictif car je ne me rappelle plus du prénom donné. Je comprends qu’il tente de justifier leur présence et leur réponds : « non, et il n’y a aucun problème que vous soyez là ! Profitez ! ». L’ange est passé et leur conversation reprend. Nous apercevons le nom du chalet : Le Chardon Bleu. Et effectivement, un buisson de chardons bleus égaie le jardin.
Nous arrivons aux Grandes Chaumilles. Des personnes sont sur la terrasse et nous restons très discrets.
Non loin, une tâche vert pomme attire notre regard. On dirait une roulotte. Nous nous approchons pour constater que c’est effectivement une magnifique roulotte aux couleurs vives. Ce que nous prenons pour une chaise longue n’est autre qu’un panneau solaire. Belle installation.
Alors que nous passons le mur qui sépare le pâturage des Grandes Chaumilles de celui de La Perrause, un troupeau de génisse vient se mêler à nous.
Les génisses de cette race ont la même caractéristique : une curiosité commune qui les fait venir quasiment systématiquement vers nous afin de nous sentir, de nous lécher et également de grappiller quelques caresses que nous distribuons toujours avec plaisir.
Stefano ferme la barrière. Elles restent là, à nous regarder. Nous nous éloignons en nous retournant plusieurs fois : elles sont toujours là…
Nous arrivons à La Perrause. Même chose que lors de notre dernier passage : 3 voire 4 voitures, du monde sur la terrasse. Nous passons.
Nous arrivons en vue de La Plateforme.
C’est plus ou moins ici que nous amorçons le retour. Il est presque 16h.
Le panneau qui annonce la Cabane du Bois Gentil est tout neuf. Le 20 juillet dernier, il ressemblait à cela :
Et aujourd’hui, c’est un joli panneau planté dans le sol. Good job!
Nous rejoignons la route qui mène au Couvert de Poêle Chaud (oui oui, nous avons fait un grand détour) et arrivons sur la piste forestière qui rejoint Le Croton. Mais avant, il y a Le Chevreuil, ce joli chalet aux rideaux au motif de vaches.
Presque en face, le chalet Les Rocailles que nous photographions pour la première fois.
Au Croton, les vaches nous attendent. Et nous, comme nous sommes timides, nous traînons.
Moi d’un côté…
… et Stefano de l’autre.
La porte n’est pas verrouillée : sous l’énorme cheminée, la potence pour tenir le chaudron au-dessus du feu. A l’époque, on y fabriquait du fromage.
Afin d’éviter la rencontre avec les vaches, nous évitons la barrière et suivons une petite combe parallèle déserte.
Cette combe nous amène au Couvert du Croton. C’est un couvert, certes, mais il n’est pas exclu qu’il y ait une partie habitable.
Il y a un portail et surtout beaucoup de bric à brac entassé dehors.
Il a même été baptisé.
Le pâturage des Esserts jouxte celui du Croton.
Nous avons maintenant une magnifique vue sur le Lac de Joux. Nous distinguons même la voiture, petit point jaune isolé sur le parking, quelques deux cents mètres plus bas.
Les Esserts.
Ou plutôt La Montagne des Esserts, qui culmine à 1’284 mètres au dessus du niveau de la mer (!). Pour la petite histoire, dans la Vallée de Joux l’on parle de montagne pour désigner un pâturage.
Nous avons rejoint une route qui, d’après le GPS de Stefano, va nous ramener sur la Route des Fuves.
Arbre esseulé dans le pâturage du Chalet du Chef.
Alors que nous marchons vers le Chalet du Chef, une voiture nous dépasse et se gare pile poil en face de la porte. Crap, Le conducteur descend, ouvre le haillon arrière qui à son tour cache la fenêtre. Pas la peine d’aller plus loin : nous faisons demi-tour.
Nous retrouvons nos traces de ce matin et descendons tranquillement vers la voiture.
Nous sommes contents d’enlever nos chaussures. Surtout moi qui, depuis quelques sorties, ai des ampoules qui reviennent aux talons. Ce matin je suis partie avec une bonne couche de Compeed et de Tensoplast, en prévention, mais comment dire… la prophylaxie n’a pas trop fonctionné. Demain, il faudra prendre d’autres mesures. Mais suffit ! Trêve de parler de mes bobos.
Nous rentrons à l’hôtel alors que quelques gouttes de pluie s’écrasent sur le pare-brise. Douchés, nous sortons en quête d’un restaurant. N’ayant aucun espoir de trouver quelque chose d’ouvert en Suisse, nous prenons la direction de la France, sous une pluie battante.
Le premier restaurant repéré par Stefano est fermé.
Nous passons donc au plan B : Restaurant l’Atelier au Bois-d’Amont (remarque : il a fermé définitivement le 15 janvier 2024). Il semble fermé mais une lumière scintille au premier étage. Nous tentons notre chance. Bingo, c’est ouvert. Encore faut-il que nous ne soyons pas mis dehors en raison de notre tenue de hiker : short, sandales Keen et tee-shirt. Car nous sommes ici dans un restaurant listé dans le Gault et Millau.Hésitants, nous attendons à l’entrée. Le chef vient à notre rencontre et balaie nos doutes d’un revers de main : « ici, c’est décontracté », nous assure-t-il. Ouf, car nous avons faim.
Patrick Brocart, chef et propriétaire des lieux, nous installe à l’opposé d’une table de 6 convives. Il vient nous présenter la carte, un tableau noir aussi haut que lui où écrits à la craie se présentent 3 groupes de 3 choix : 3 entrées, 3 plats et 3 desserts. Tout est fait maison. Miam ! Que choisir ?
En entrée, nous partons pour une terrine de foie de volaille avec un coulis acidulé, servie dans un verre type whisky posé sur une ardoise où trône également une cuillère de compote de pomme. Dans le verre, la couche brune de terrine contraste avec celle du coulis, d’un beau rose vif. Quelques zigzags de couleurs différentes complètes la décoration. Nous savourons… Ce type de restaurant, c’est une première pour nous. Nous échangeons nos impressions, mêlées aux moments forts de la journée.
Puis vient le plat de résistance. Un demi-bar au citron et à l’huile d’olive pour Stefano et des filets de caille pour moi avec une sauce délicate mêlée à des cerises. Le chef m’avait prévenue : la caille c’est fort en goût et c’est effectivement le cas. Peut-être un peu trop pour mon palais mais je ne regrette pas l’expérience. Nous piquons quelques pommes de terre grenaille d’une petite cassolette. Le tout est une merveille.
Nous ne pouvons résister à l’appel du dessert à partager à deux : une glace au chocolat, avec quelques fruits rouges et une crème pâtissière très légère. Nous refusons le café et la conversation s’engage avec le chef, originaire des Alpes du Sud, d’où son parler où subsiste encore quelques mots chantés. Il profite de l’offre de la région : marche, course à pied, VTT et ski de randonnée, mais dans les Alpes. Ce ne sont pas les gens de passage qui forment le gros de sa clientèle : ce sont les habitués, pour la plupart des Genevois ou des Vaudois.
Enchantés par cette soirée, nous remercions chaleureusement Patrick Brocart et rentrons, tout joyeux, au Brassus, où une bonne nuit de sommeil nous attend.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Flore du jour
On l’appelle également Casque de Jupiter.
Autoportraits du jour
Tout près de L’Eglantier. Il y avait une belle souche à la surface bien plate et bien lisse.
A L’Atelier.