Pour la randonnée du jour, nous nous sommes fixés comme objectif de monter à la Capanna Sovèltra en passant par la gorge du ri della Valle Prato et ses impressionnants escaliers (Scalada Lónga). Nous pousserons jusqu’aux étables du pâturage Sovèltra où nous ferons connaissance avec un troupeau de joyeux moutons.
Nous laissons la voiture à Prato, dans le val Lavizzara, le long de la rivière Maggia. Prato est un village tristounet qui ne semble pas avoir été atteint par les subsides cantonales pour la rénovation de ses maisons, de ses églises ou des bâtiments administratifs. Certaines constructions sont dans un état de désaffection avancé, de grosses fissures zébrant les façades, les vitres des carreaux brisées ou fendues. Les maisons encore habitées ne font pas rêver. Les peintures des encadrement des fenêtres ou des portes, repeintes moult fois, s’écaillent. Nous avons tout le loisir de les contempler car le sentier traverse le village, pour se transformer par la suite en une route de terre battue qui mène au Monte di Predee, hameau autrefois habité à l’année.
La route passe encore une ferme, Sòstan, longeant le ri Valle di Prato.
Nous pouvons marcher de front, ce qui est plus facile pour papoter, chanter, se tenir la main ou rien de tout ça. Un monsieur nous double, chevauchant un minuscule quad. Nous rigolons, certains qu’il l’ait volé à son fils.
Témoin de l’ancien tracé de la route, ce petit oratoire, surplombant la rivière.
Nous retrouvons le voleur de quad après les quelques maisons du hameau de Presa. Il est maintenant à bord d’un mini-pelleteuse, bougeant des cailloux du lit d’un petit torrent qui descend des flancs du Pizzo Rüscada.
A Faed, quelques maisons de vacances, dont une incrustée d’un oratoire.
Deux jardiniers sont en train de faucher un pré au zacky-boy. Nous les observons un moment, admiratifs. La pente est tellement raide que nous nous demandons vraiment comment ils parviennent à garder leur équilibre, le zacky-boy en bandoulière, allant et venant, avec de grands mouvements de rotation.
Nous flânons ainsi un peu plus de 3 kilomètres, laissant nos jambes retrouver leur souplesse. Car malgré les étirements de ce matin, au sortir de la voiture, nos muscles étaient un peu raides et endoloris des 1’800 mètres de dénivelé d’hier.
Juste avant le Monte de Predee (ou Pradé), le riale Valle di Prato se donne en spectacle.
Monte di Predee, contrairement à Prato, est un mignon petit village où chaque maison a été amoureusement restaurée.
Nous nous asseyons sur un banc, près de la porte de la petite église consacrée à San Carlo pour manger une barre et observer les alentours. Un allemand est en train de quitter une maison de vacances, traînant une valise. Il laisse la porte ouverte et nous pouvons apprécier la qualité et le bon goût des intérieurs : bois clair, grandes dalles de granit sombre au sol. Une pancarte indique qu’il est interdit de laisser les voitures garées devant les maisons. D’où le parking, juste avant de passer le pont à l’entrée du village.
Regardez ces beaux toits de pierre…
Une petite grimpette dans les prés nous amène sur une autre piste forestière. Au fond, Schièd, un autre petit hameau, encore à l’ombre.
De piste, nous passons à un sentier.
Puis, nous retrouvons des marches ! Ah, elles nous avaient manqué !
Le sentier s’enfonce toujours plus dans la vallée, prenant de la hauteur et mettant de la distance entre nous et la rivière.
Stefano est parfaitement à l’aise. Même si, ces piquets de plastique hâtivement plantés dans le sol, entre lesquels un ruban de tissu est tendu, n’offre, in fine, qu’une protection psychologique.
La vallée se transforme en gorge de plus en plus étroite et profonde. Le plastique se transforme en métal !
La photo ci-dessous montre la fameuse Scalada Lónga (long escalier), la partie la plus impressionnante du sentier. Et penser que les vaches montaient (et descendaient) par ce chemin !
Un peu plus loin, tel que décrit dans les récits de cette randonnée, le sentier passe sous une roche pleureuse. Avec, à la clé, une belle douche. Stefano me propose de nous protéger avec un couvre-chef. Bien que la mesure me semble un peu extrême, j’acquiesce.
Bien m’en prend car douche il y a bien eu, avec un pommeau de douche allant à l’encontre des normes d’économie d’eau.
Nous sortons de la gorge et débouchons sur un pâturage. Trois drapeaux nous informent que sommes presque arrivés à la cabane.
La voici. La Capanna Sovèltra, ravagée par un incendie, en octobre 2017.
L’intérieur est protégé par un toit de tôle. Sans surprise, la cabane est fermée.
Lorsque Fiorenzo De Rungs, rencontré à la Capanna Pian di Crest, nous avait raconté l’accident, nous avions senti de l’irritation dans sa voix. Et de la tristesse aussi. Sa colère est compréhensible car l’incendie fut provoqué par un feu de cheminée. Pour limiter les dégâts, il aurait simplement fallu fermer la trappe d’arrivée d’air. Au lieu de cela, les gardiennes de l’époque étaient sorties, regardant brûler le chalet et faisant des photos. D’où le délai pris pour la reconstruction, l’assurance tirant la patte.
Quel dommage, car le site est enchanteur.
Il y a même une petit piscine dans laquelle je n’hésite pas à faire trempette, et ce malgré la présence d’orties très… urticantes.
Mais la balade n’est pas terminée. Car l’objectif du jour sont les étables du pâturage Sovèltra, un peu plus haut, sur les flancs du Pizzo Campo Tencia, le plus haut sommet entièrement tessinois.
Il nous faut moins de 45 minutes pour y parvenir. Après avoir traversé un troupeau de moutons dont je vous conte l’histoire.
Un troupeau de moutons paissait paisiblement sur le flanc de la montagne. Les bêtes, éparpillées, par groupe de 2 à 5, étaient fort occupées à brouter l’herbe verte du pré, le mouvement de leur tête décidé faisant tintinnabuler leur clochette. C’est alors qu’arrive un couple de randonneurs que ces ovins ignorent dans un premier temps. Jusqu’à ce que l’un des randonneurs (je vous laisse deviner lequel) émette quelques bêlements pour le moins réussis. Le bruit des clochettes s’arrête instantanément, une trentaine de paire d’yeux fixées sur le semeur de trouble. Le tintement reprend très vite, ainsi que le bruit d’une soixante de sabot martelant le sol. Les brebis accourent, curieuses de faire connaissance avec cet étrange énergumène parlant leur langue.
L’autre randonneur, une randonneuse, en fait, se dit qu’un mouton étant plus petit qu’elle ne présente pas de danger. Mais se questionne quant au risque potentiel d’une vingtaine de bêtes. Tout en gardant en mémoire l’épisode hilarant du film One million ways to die in the West où Albert cherche à échapper au méchant Clinch en se cachant dans un troupeau de moutons. Ils n’ont pas de grandes dents, se dit-elle pour se rassurer. Mais quid d’un mouvement désordonnée du troupeau ? Lorsqu’une des brebis s’approche et lui mordille une bretelle de sac, elle se résout à demander de l’aide et le coupable de cette situation cocasse chasse les pauvres bêtes avec de grands gestes.
Cinq minutes plus tard, les bêtes sont à nouveau éparpillées, vaquant à leur occupation favorite. Sauf l’une d’entre elle, un bélier, qui tente vainement de séduire une belle. Et nous, nous sommes attablés sur une table, entre les deux étables du pâturage Sovèltra.
Nous n’irons pas plus loin, Stefano m’ayant promis un dénivelé raisonnable après celui d’hier et en prévision de celui de demain. Il ne nous reste plus qu’à redescendre. Descente qui se fera par Cascina Nuova afin de faire une boucle.
Non non, je vous rassure. Le sentier blanc et bleu est celui qui monte à Pizzo Campo Tencia.
La Capanna Sovèltra, vue de l’autre côté du ri della Valle di Prato.
Le sentier évolue dans un pâturage boisé de mélèzes. Nous ne perdons ni gagnons de l’altitude. Le lieu-dit Cascina Nuova est constitué que deux bâtisses un peu en cheni (désordre).
Un magnifique rocher où la terre s’est accumulée, permettant à la végétation de pousser. Il est même probable que la terre ait été amenée par l’homme, histoire d’augmenter la surface arable.
Quelques étables, à l’extrémité du pâturage.
C’est d’ailleurs à ce moment que le sentier devient plus abrupt et exposé. Et à ce moment-là même que Stefano hésite, s’interroge et doute. Et puisque les vacances ne sont pas faites pour se stresser, le doute étant installé, nous rebroussons chemin et décidons de redescendre par là où nous sommes montés. Nous pourrons, au passage, bénéficier d’une seconde douche gratuite. Et refaire un coucou à la Capanna Sovèltra.
Nous espérons sincèrement que, lors de notre prochain passage, la cabane soit ouverte.
Des parapluies sont entreposés. Si certains pensent avoir bien fait en abandonnant ces parapluies ici, ils se trompent : ce ne sont que des déchets en puissance.
Stefano m’a fait promettre de ne pas lâcher la main courante et je m’y applique. Mission accomplie.
En contre bas, le ri della Valle di Prato rugit furieusement.
A la sortie de la gorge.
A Schièd, nous décidons de rester sur la route, pour varier les plaisirs. Ce qui rallonge la balade et nous permet de découvrir de jolis bâtiments.
Monte di Predee sous le soleil.
Avec sa cascade.
A Faed, les deux jardiniers sont encore au travail. A juger par la surface qu’il reste à faucher, soit ils terminent demain ou à la nuit tombée. Ces deux-là auront vraiment mérité leur bière et leur dîner.
La traversée de Prato nous laisse le même goût amer qu’à l’aller. Plus peut-être car nous prenons le temps d’observer. En face de là où est garée la voiture, un restaurant, fermé, peut-être définitivement. Clairement, le coronavirus n’a rien arrangé.
Nous rentrons à Cevio tout joyeux de notre journée et pouvons même nous arrêter à la Coop pour les courses du dîner. Assis devant notre bière au jus de pomme, nous commentons notre journée et discutons déjà de celle qui nous attend demain, la dernière de nos vacances au Tessin. Nous devons la choisir de telle sorte à ce qu’elle soit inoubliable.
Itinéraire du jour
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
A la Capanna Sovèltra. Elle est pas belle, la vie du randonneur ? Elle est tellement belle que je crois bien que nous avons tous les deux les yeux fermés.
A Sovèltra. Après l’attaque des moutons !
Au Monte di Predee.