Au départ de San Carlo, le sentier qui permet d’accéder à la Capanna delle Creste s’agrémente de centaines de marches et offre un magnifique cocktail de forêt, prés et terrain rocailleux. Les deux laghetti d’Antabia, aux eaux translucides, invitent à la baignade.
Lorsque le réveil sonne, à 6 heures, il fait bien trop nuit pour voir l’état du ciel. Mais nos app Metéo sont alignées : la journée sera belle, avec un beau ciel bleu à la clé, maculé de quelques nuages en fin d’après-midi.
Après notre journée de récupération d’hier, nous avons choisi un tracé un peu coriace, histoire de sortir de notre zone de confort et surtout de mériter le dîner du soir.
Nous partons vers Cavergno, puis Foroglio pour nous arrêter un peu avant San Carlo, juste avant de traverser la rivière Bavona qui donne son nom à la vallée. Un peu avant le pont, le Ri d’Antabia rejoint la rivière Bavona. Les intempéries de l’été ont eu raison d’une portion de la route, emportée par l’eau et les débris charriés par le ri. « Ri ». Deux lettres pour qualifier un petit cours d’eau. Le mot, si court, semble inoffensif presque insignifiant. Il n’en est rien. La route est en cours de réfection et des engins de chantier s’affairent à déplacer les gros blocs de pierre et les troncs d’arbre afin de dégager et reconstruire le lit du ruisseau. Pour mieux se rendre compte de la débâcle : le chiffre de 92 litres d’eau en 6 heures cité par le journal Il Ticino, soit 92 mm. Metéo suisse qualifie d' »abondante » une pluie de 50 mm en 24 heures. Ici, ramené à 24 heures, nous sommes à 276 mm.
Voilà. 3h15 de montée pour notre destination du jour, la Capanna Piano delle Creste. Ça c’est dit ! Moi j’aime lorsque les choses sont claires. Je rajoute une heure à la durée indiquée pour y inclure nos diverses pauses techniques, gastronomiques (barres Clif) et photographiques.
Les premières centaines de mètres nous permettent de nous chauffer. Nous qualifions le terrain de « plat » en comparaison à ce qui nous attend. A savoir de belles marches d’escalier sitôt que le déclivité s’accentue.
Elles sont belles, n’est-ce pas ?
Nous pivotons sur nous-mêmes et contemplons ce qui nous attend à la descente.
Avec, en prime, des marches construites sur des murs, lorsque le terrain le nécessite.
Après 30 minutes de montée, une chapelle appelle au repos. Le dessin, qui représente un moine franciscain, est délicieusement naïf.
Nous, nous profitons surtout du replat relatif sur laquelle elle est posée.
Car Stefano, pour avoir lu des récits de cette randonnée, sait que le répit est de courte durée.
Effectivement…
Puis, sortis de la forêt, nous arrivons en vue d’un alpage, peut-être celui de Muiaröö.
Quelques chalets y ont été construits, peut-être à l’origine même n’étaient-ce que des étables. Derrière cette montagne, le Glacier du Basòdino.
L’un deux est ouvert et des silhouettes s’agitent autour. Elles répondent à peine à nos salutations.
La montée continue allègrement, le sentier longeant parfois, à hauteur respectable, le lit d’un ri que la confédération n’a pas jugé bon de nommer. De temps en temps, je vois Stefano se déporter sur le côté non exposé, d’un pas assuré, sans ralentir. Jusque là tout va bien.
Nous pensons que le moment est venu de traverser le ri. Mais non, le sentier continue sur la droite du ruisseau, soutenu par les racines des mélèzes et contournant les rochers les plus imposants.
Nous le retrouvons quelques minutes plus tard 15o mètres plus haut. Le passage borde une petite retenue d’eau et quelques pierres astucieusement disposées pour éviter de se mouiller les chaussures.
La sortie de lit du torrent est un peu brusque.
Cet autre petit ruisseau émerge de la terre, à moins d’un mètre du sentier.
Le terrain s’aplanit et nous arrivons en vue du Riale di Basòdino.
Une corde, puis des blocs de ciment savamment alignés permettent une traversée aisée.
Même pour moi, peu friande de ce genre d’exercice.
Un petit quart d’heure plus tard, nous arrivons à Corte Grande, et constatons que toutes les étables ont été retapées.
Quel dommage ! Le bétail ne monte plus et le rumex a remplacé l’herbe.
Nous soufflons un peu, nous sustentons rapidement et nous remettons en route avant que les jambes puissent s’imaginer, une demi-seconde, que la montée est terminée. C’est qu’elles sont promptes à tirer des conclusions, celles-là !
Vue d’ensemble de Corte Grande.
Nous avons à peine couvert quelques centaines de mètres que Stefano pointe une tache blanche, sur la droite, à un mètre du sentier. Des edelweiss. Quelle chance ! Trois autres spécimens, tout aussi jolis, sont également visibles, un peu plus loin. Six magnifiques exemplaires.
Je raconte à Stefano l’album des Aventures d’Astérix Le Gaulois – Astérix chez les Hélvètes – où seule une potion contenant une edelweiss pourrait soigner le contrôleur d’impôt romain, Claudius Malosinus, empoisonné par un méchant gouverneur romain. Je lui narre l’épopée qui conduisit Astérix et Obélix en Helvétie et dans les Alpes Suisses à la recherche de la fleur rarissime.
Le gros de la montée est fait. Le sentier suit maintenant le flanc de la montagne, s’élevant doucement, jusqu’à arriver sur un plateau.
Sur notre gauche, un torrent, le Ri d’Antabia, celui-là même auprès duquel nous avons garé la voiture.
Comme la pente est infime, le Ri d’Antabia forme à cet endroit un marécage.
Encore un effort. La cabane n’est pas loin.
Quatre personnes sont attablées. L’une d’elle, vraisemblablement la bénévole responsable des lieux, nous dit qu’il reste encore des pâtes, si jamais nous voulions déjeuner. Nous expliquons que nous souhaitons d’abord aller voir les lacs et qu’au retour nous nous arrêterons boire quelque chose.
Je regarde ma montre : quatre heures au lien des trois heures quinze annoncées. Mon calcul était bon.
Quelques moutons paissent autour de la cabane.
Le premier petit lac est tout proche.
En montant au second, nous pouvons l’admirer dans son entier.
La montée au Laghetto d’Antabia (le plus grand) n’est pas anodine. Le sentier passe dans la rocaille et le lac ne se révèle qu’au dernier moment.
Je suis affamée. Manger devient ma priorité, bien avant le gaspillage de pixels. Stefano capitule et nous nous posons au bord du lac, sur un rocher.
Je me ravise néanmoins, gardant le sandwich pour après la baignade.
Revigorée, ravigotée, énergisée, le sandwich n’en est que meilleur. Rassasiée, voire béate, je laisse Stefano décider du moment de notre remise en route.
Moi, je suis quelqu’un de très facile à vivre. Un peu moins lorsque j’ai faim ou sommeil. Un bébé, quoi !
Nous repartons vers la cabane.
Alors que nous arrivons au petit lac, nous croisons un étrange équipage : deux femmes soutenant, tirant, halant un vieux monsieur dont les pas ne sont guère assurés.
La Capanna delle Creste. Autrefois des étables de l’Alpe d’Antabia, dont l’exploitation a été abandonnée en 1968, elles ont été retapées entre 2004 et 2009.
Nous nous asseyons, une bouteille de Rivella pour Stefano, un Sprite 100% sucre pour moi et deux belles parts de gâteau aux pommes.
La gardienne du refuge vient discuter avec nous, bientôt rejointe par un monsieur, aperçu en venant, un zacky-boy à la main. Curieux, nous parlons du vieux monsieur rencontré. Ils nous confirment qu’un hélicoptère l’a amené et qu’il reviendra le chercher dans quelques heures. C’est un hériter de la famille Dornier, constructeur allemand d’avions. Amoureux du lac d’Antabia, il vient ici une à deux fois par an. Le monsieur au zacky-boy se révèle être Fiorenzo De Rungs, un des membres fondateurs de la Società Alpinistica Valmaggese, société qui gère trois cabanes de la région : celle où nous nous trouvons, la Capanna delle Creste, la Capanna Fiorasca et la Capanna Soveltra, cette dernière malheureusement fermée, ayant été dévastée par un incendie.
La conversation va bon train. Des nuages viennent sporadiquement masquer le soleil, rafraîchissant drastiquement et soudainement l’air.
Fiorenzo nous raconte la vie sur les alpages, des « sentiers des chèvres » qui étaient des raccourcis pour descendre plus vite dans la vallée. Il nous explique aussi que les vaches sont devenues plus « costauds » à cause de croisements, et que l’une des conséquence est qu’elle ne pouvaient plus monter par les sentiers trop étroits et raides… Puis il nous a monté la rénovation de la Capanna Fiorasca et nous montre un livre photos qui illustre les travaux. Nous profitons de l’arrivée d’une famille de randonneurs pour nous éclipser. Nous aurions pu l’écouter des heures durant. Cependant, il nous faut descendre, car point d’hélicoptère ne viendra nous chercher pour nous déposer dans la vallée.
Le taux de sucre dans le sang flirtant avec les limites autorisées, nous nous remettons en route, sachant exactement ce qui nous attend, vu que nous rentrons par le même chemin.
Nous explorons les abords du Riale del Laghetti dont les eaux alimentent le Ri d’Antabia.
Nous sommes tout surpris d’y repérer des alevins et quelques poissons de bonne taille.
Nous sommes tellement absorbés par la descente, nous remémorant la conversation avec Fiorenzo, que nous ratons l’endroit où nous avons découvert les edelweiss.
Par contre, nous ne dédaignons pas les myrtilles, abondantes ici.
En arrivant à Corte Grande, le ciel s’est assombri de vilains nuages noirs ne présageant rien de bon.
Pas très loin, le pâturage de Muiaröö.
Commence alors la loooooooooongue série de marches.
Tantôt silencieux, tantôt chantant ou papotant, la descente, même interminable, arrive à sa fin.
Le village de San Carlo est en vue.
Nous arrivons à la voiture un peu après 18h, les pattes une peu fatiguées mais absolument ravis de notre escapade du jour. Outre de magnifiques paysages, nous avons fait de belles rencontres avec des personnes authentiques et passionnées. Et surtout, surtout, nous avons bien mérité notre dîner !
Flore du jour
Itinéraire du billet
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
A Corte Grande.
Au Laghetti d’Antabia.
Au retour, à Corte Grande.