Weekend au Tessin, confinés jusqu’à la Toussaint. Non, je rigole. Mais à moitié. Vu l’invasion dont laquelle le Tessin a été victime en ce weekend pascal. Bouchons sur les routes, 40’000 visiteurs de plus dans les hôtels, les rues de Lugano noires de monde, certains avec masque, d’autres non.
Soyons honnêtes. Nous faisons partie de cette horde de visiteurs sauf que nous sommes à l’écart, à Montagnola, dans une ferme isolée. Nous ne verrons que 2 personnes et nous porterons un masque sans discontinuer, à part pour les repas dans la salle à manger où les deux rallonges de la table ont été réquisitionnées afin de maintenir les distances. Le reste du temps nous serons dehors, à crapahuter sur les montagnes environnantes.
En parlant de montagnes… Aujourd’hui, nous avons une classique au programme. Le Monte Boglia et les Denti della Vecchia.
Nous montons à Brè, par cette petite route étroite et sinueuse qui nous fait dire que même si on nous y offrait un château, nous le refuserions. Et pour que la fête soit plus belle, il y a des travaux et un feu qui régule la circulation.
Nous garons la voiture – qui étonnamment a encore ses deux rétroviseurs à l’arrivée – au centre du village à 9h30.
Et c’est parti pour 700 mètres de montée.
30 minutes plus tard, nous arrivons sur un premier espace dégagé où nous avons déjà une belle vue sur le lac, sur Brè, le Monte San Salvatore et même, à peine visible, la ferme à Vignino.
Si j’ai hésité en quittant la voiture à garder ma veste, je ne regrette plus rien maintenant. Le soleil est franc et le petit vent frais du départ, même toujours là, ne suffit plus à nous refroidir. Il fait chaud. Les Camelbaks sont déjà bien sollicités. Mais ici, au Tessin, les fontaines d’eau potable sont nombreuses.
Je prends le prétexte de photographier cet arbre pour souffler un peu. Outre le fait qu’il soit énorme, il a en plus avalé un panneau jaune.
Lorsque Stefano me demande si je préfère le sentier le plus long ou le plus court, je prends le plus court. Je sais exactement à quoi m’attendre. Le sentier va devenir de plus en plus escarpé, nécessitant parfois l’aide des mains. Nous passerons ainsi à proximité de Sasso Rosso, ce rocher qui émerge à droite de la photo ci-dessous.
Le sentier devient exposé, longeant le vide, directement au-dessus du lac. Par endroit, une balustrade a été installée, là où il n’y a ni arbre ni buisson pour retenir une glissage éventuelle.
Nous passons les restes d’une bâtisse, dont il ne reste que 3 murs, peut-être un ancien poste de contrôle des frontières. C’est vrai que depuis tout à l’heure les bornes marquant la frontière entre la Suisse et l’Italie bordent le sentier.
Nous avons décidé, il y a un moment déjà, que nous mangerions notre première barre de la journée là où nous nous étions arrêtés la dernière fois. Il y a un banc entouré de Mormon tea en plus d’une vue dégagée sur le lac et les montagnes environnantes. Le sentier a été érodé et le banc s’en trouve plus haut. Assise, je laisse balancer mes pieds dans le vide en admirant le paysage. Je montre à Stefano le Monte Generoso en lui disant que, la prochaine fois, c’est là que je veux aller.
Nous sortons de la forêt et arrivons sur la crête.
Le sommet n’est occupé que par deux randonneurs, assis loin de la croix. Nous sommes tout étonnés qu’ils n’y soient pas collés. Nous pensions que le froid et le vent auraient eu raison des fourmis volantes qui envahissent les sommets mais nous sommes déçus. En témoigne la tache noire ci-dessous.
Voilà. Le premier objectif est atteint. 712 mètres de dénivelé, 3,98 km en un peu plus d’une heure trente.
Nous commençons la descente vers les Denti della Vecchia.
C’est très étroit.
Et comme prévu, il y a de la neige.
Neige qui se raréfie sitôt que nous arrivons dans la forêt.
Nous arrivons au Pian di Scagn. Les suisses et les italiens se tirent la bourre et chacun y va de son panneau. Voici la version italienne des panneaux de randonnée.
Nous ne sommes plus qu’à 1’174 mètres d’altitude, contre 1’516 au sommet du Monte Boglia. Il est là d’ailleurs, le Monte Boglia.
Le second objectif de la journée se profile : les Dents de la Vieille.
Ça commence par monter gentiment, puis moins gentiment.
Nous passons une croix, puis une seconde, ça descend un peu pour remonter de plus belle.
Au passage dit Bochetta di Brumea, nous trouvons un cadre avec une image pieuse.
S’en suivent une descente puis une nouvelle montée.
Au somment d’une montée, Stefano annonce : celle-là, c’était la dernière. Un panneau semble le confirmer.
Sur notre gauche, les dents mal alignées et gâtées de la vieille dame laissent entrevoir des passages étroits et le vide.
J’ai un moment de mauvaise humeur après que trois montées bien sèches soient venues démentir l’affirmation de Stefano. Non Monsieur, ce n’était pas la dernière montée ! A la quatrième je peste. A la cinquième je capitule et me mets en mode automatique.
Moi, je ne recule devant rien (enfin presque). Les montées ne me font pas peur et, plus elles sont anticipées, plus elles sont faciles. Le Grand Canyon, c’est du beurre. Car je sais que j’en ai pour 4 à 5 heures de montée. Mais quand on me dit, c’est fini, mon mental se met en mode « c’est fini », mes jambes partent à la mer se reposer, mes poumons commencent à se mettre au vert et le cœur commence la sieste. Alors forcément, si on m’a raconté des balivernes, ben, faut remettre tout ce beau monde au taf, mon côté français prend le dessus et ça râle de tous les côtés.
Au Passo Streccionne. De là un sentier descend, que nous laissons, pour continuer sur la crête.
Au loin, entre les arbres, nous apercevons la Capanna Pairolo. Stefano me promet la pause. Il n’y a plus qu’à descendre précautionneusement car la neige est abondante et traître, à cause des trous qu’elle masque entre les rochers.
Encore un petit effort.
La dernière dent, à contre-jour. Les dentistes de la région ont de beaux jours devant eux.
La Capanna Pairolo.
Juste avant d’arriver à la cabane, une croisée de sentier. Ici comme dans le Jura, le randonneur a le choix.
La cabane est fermée. Des grimpeurs squattent déjà une des tables. Nous nous installons à distance respectable. Une fontaine d’eau potable nous permet de remplir les poches à eau. Elles sont à moitié vides.
20 minutes plus tard, nous nous remettons en route pour la seconde partie de la balade : le retour. Mais qui dit retour ne dit pas forcément descente, prévient Stefano. Il a compris. Je lui en suis reconnaissante.
Arrivés au bout du pâturage, nous rentrons dans une forêt exclusivement composée de feuillus, des hêtres. Le sous-bois est parfaitement propre. Je suis fascinée par le spectacle des troncs, globalement droits, mais ayant chacun une ou plusieurs marques distinctives. Un œil par-ci, une tache par là…
Comme les feuilles n’ont pas encore poussé, la lumière pénètre librement, éclairant le sol jonché de feuilles sèches de l’automne précédent.
Le sentier est lui même recouvert de feuilles, rendant la marche bruyante mais douce.
Sur une petite surface plane, un igloo de bois. C’est improbable mais ça y ressemble. Mais avant de penser « igloo », j’ai pensé à une sweating house, comme nous en avions vu une une fois, je crois vers Kane Gulch.
A proximité, un panneau raconte que ces constructions étaient utilisées pour fabriquer du charbon, plus léger à transporter que le bois. Les feuilles des hêtres peuvent être consommées crues ou cuites au beurre, alors qu’elles sont toutes jeunes. Je me rappelle d’ailleurs que petite, j’adorais attraper les jeunes feuilles vert-tendre des arbres et les croquer.
Le « liber » (seconde écorce) a servi autrefois comme aliment de survie, lors des disettes et des famines et était utilisé après avoir été transformé en farine. Enfin, les faînes (graines) sont comestibles et peuvent être consommées en petite quantité grillées comme des châtaignes (auxquelles elles ressembles d’ailleurs). Pressées, elles produisent de l’huile utilisable en cuisine ou pour l’éclairage.
Après deux heures de marche dans la forêt, durant lesquelles nous perdons plus de 400 mètres, nous arrivons à Creda. Nous avons longé les Denti della Vecchia d’est en ouest.
La rigolade est terminée. Nous devons remonter à l’Alpe Bolla, qui n’est pas très loin du Pian di Scagn. En d’autres termes, repasser de 878 mètres d’altitude à 1’203 mètres.
La montée se fait dans la forêt. Certains passages sont raides, mais dans l’ensemble je gère très bien. Il faut dire que le mental était prêt. 50 minutes plus tard, nous y sommes.
L’Alpe Bolla. Son rocollo et sa petite chapelle. Et une belle vue sur les Dents de la Vieille, qui ont longtemps été appelées Tuyaux d’orgue.
Nous marchons désormais sur une belle piste forestière, suffisamment large pour que nous puissions marcher de front.
Un peu avant le kilomètre 21, la descente finale vers Brè commence.
Nous arrivons à la voiture à 6h22. Nous ne serons même pas en retard pour le dîner.
Flore du jour
Impossible (pour le moment) d’identifier ces fleurs. Comme Stefano me dit, peut-être qu’elles ne sont même pas sauvages et mêmes pas d’ici. Un peu comme les palmiers qui envahissent les forêts.
Itinéraire du billet
C’est ici et c’est chez Suisse Mobile.
Autoportraits du jour
Lors du premier arrêt Clif Bar. Moi j’en connais un qui a eu bien chaud !
Au Monte Boglia.
A la Capanna Pairolo.
A l’Alpe Bolla.