Voilà pourquoi nous sommes à Kanab : pour clore nos vacances d’automne en beauté, nous avons opté pour un petit hit and run à Canaan Mountain, pour retourner voir les White Domes et Black Rocks.
Ce matin, je me réveille avec l’estomac encore plein des fajitas d’hier. Hum, la journée s’annonce « compliquée »…
Nous partons plein d’entrain en direction de Hildale et constatons que depuis notre dernière visite, la Water Canyon Road, à savoir la piste qui mène au départ du sentier qui monte vers Water Canyon, a été complètement refaite, et deux parkings et des toilettes ont été aménagés par le BLM (très certainement avec un budget voté avant le 8 novembre 2016…). Your tax dollars at work, comme disent les américains.
Sans compter un joli panneau, encore intact.
Water Canyon. C’est le V que l’on voit au centre de la photo ci-dessus. Le sentier longe le creek où l’eau coule à flots. Très large au départ, car très fréquenté l’été, il se rétrécit et devient plus raide et plus technique à mesure qu’il se rapproche du canyon.
Depuis que nous sommes partis j’ai branché le pilote automatique. Pour ne pas mentir, je me sens nauséeuse. Stefano a très vite ralenti, adaptant son rythme au mien, m’offrant une main aidante à chaque petite difficulté.
Il nous faut environ 45 minutes pour atteindre l’endroit où le sentier se perd dans le creek.
La lumière est très particulière. De l’eau suinte de partout tandis que les parois amplifient le bruit des gouttes d’eau, suintant au travers de la roche, qui s’écrasent sur le rocher.
La première fois que nous étions arrivés ici, nous avions eu un moment de doute. Le sentier avait disparu et les parois nous semblaient infranchissables.
Même aujourd’hui, encore, nous sommes impressionnés par l’ingéniosité de ceux qui ont dessiné le tracé.
Car il fallait vraiment l’imaginer.
C’est là que les choses sérieuses commencent. La main (voire les deux mains) de Stefano m’aident à franchir les passages les plus difficiles. Un pied devant l’autre, tel est mon moto du jour. Je suis dans un état second et je regrette de ne pas apprécier à 100% la balade. Mais même lentement, nous nous dégageons gentiment du canyon. Le rim est en vue.
Feuillage d’automne.
Nous sortons de l’ombre.
Le sentier monte en zigzag, utilisant chaque replat que le terrain offre. Par endroit c’est un peu aérien, nécessitant même un peu de scrambling. Il faut simplement éviter de regarder vers le bas.
Canaan Mountain. C’est un endroit difficile à décrire tant la variété du relief est grande : la base est une vaste étendue de slick rock, parsemée de végétation, principalement des pins. La couleur va du brun foncé au blanc (les White Domes) en passant par l’orange et le jaune. Ça et là, des formations rocheuses en forme de ruche (hive) plus ou moins arrondies.
Canaan Moutain, c’est un monde enchanté.
Lorsque nous arrivons sur le replat, il nous faut descendre un peu pour traverser un wash.
Contrairement à nos deux visites précédentes, au lieu de remonter le wash sur quelques centaines de mètres avant de nous engager dans la montée, nous le traversons et et suivons une crête.
Ce qui nous permet d’entrevoir une partie de Canaan Mountain que nous n’avions jamais vue, dont cette belle « ruche » toute ronde.
Les Twin Towers.
Nous prenons notre temps car les White Domes ne sont qu’une fin en soit.
Ce qui est incroyable, c’est la végétation, ou plutôt les vrais arbres qui poussent, profitant de chaque creux de slick rock où un peu de matière organique s’est mêlée à du sable.
Et parfois, la vie requiert un peu de débrouillardise lorsque le hasard vous a fait prendre racine pas tout à fait au bon endroit.
Comme cet arbre acrobate.
Et nombreux ceux qui n’ont pas su s’adapter à temps.
Jeux d’ombre.
Trois heures et demi après avoir quitté la voiture nous arrivons en vue des White Domes.
Le ciel est décidément trop bleu :-). Mais en même temps, mieux vaut un ciel trop bleu qu’un ciel tout gris, non ?
Nous nous délestons de nos sacs et je me pose un moment pendant que Stefano gaspille des pixels par millions. Je m’allonge, contemplant le ciel, les White Domes dans mon champ de vision et je me dis que nous sommes des privilégiés. Ici à Canaan Mountain, le temps pourrait s’arrêter…
Au sortir de ma rêverie, consciente que ma balance calorique ne penche pas du bon côté, j’essaie d’avaler une Clif Bar mais la moitié restera dans ma poche : il est encore trop tôt. Une bouteille en plastique d’un gallon traîne au pied d’un arbre. Vide, bien sûr. Elle terminera écrasée au fond du sac de Stefano, puis dans la poubelle de l’hôtel à Kanab.
Nous avons une petite pensée pour Michèle que la chaleur extrême a terrassée, l’empêchant de monter ici. Mais nous lui tirons notre chapeau car la partie la plus difficile reste la sortie du canyon. La prochaine tentative sera la la bonne, Michèle, nous n’avons aucun doute.
Un rampant !
Une petite dernière avant de partir pour la « fabrique de billes ».
La « fabrique de billes » ? C’est un endroit, vers les Black Rocks, où le sol est recouvert de billes de lave (enfin, je crois que c’est de la lave), allant du brun foncé au noir. J’avais ramené une bille lors de notre première visite en 2010, bille qui est maintenant toute polie à force d’avoir été tripatouillée durant des meetings ou conversations téléphoniques interminables. Certains font du penspinning, moi je joue avec ma bille.
Suite à un échange avec un lecteur, il apparaît que le terme pour désigner ces billes, est moqui balls ou moqui marbles car elles sont constituées de d’oxyde de fer.
Pour aller à Black Rocks, il faut rejoindre une piste sablonneuse qui traverse une zone vallonnée et arborisée.
Tadam ! Voici Black Rocks.
Des rochers dont j’explique la forme originale comme suit : imaginez faire bouillir du chocolat, puis le refroidir si vite que les bulles d’ébullition restent figées à la surface. Ensuite, telle une marmite en chocolat de la fête de l’Escalade, la croûte de chocolat doit être brisée.
Mais les billes ne viennent pas des rochers noirs. Les billes sont incrustées dans le grès et se détachent avec l’érosion de l’eau et du vent.
Voilà ce qu’on appelle l’embarras du choix.
Stefano m’aide à collecter deux ou trois billes car les spécimens parfaitement circulaire sont rares.
Des traces de pneu labourent le sol. Y’a des claques qui se perdent !
Mince, il est déjà 13h30. Vu ma vélocité du jour, mieux vaut penser au retour si nous voulons arriver avant la nuit à la voiture.
Je demande à descendre par Squirrel Canyon qui techniquement est plus facile mais Stefano craint que les 3.5 km supplémentaires nous fassent arriver trop tard. Il m’assure que je suis capable, même dans mon état, de redescendre par Water Canyon. C’est donc par là que nous descendrons.
Du coup, nous repassons dire au-revoir aux White Domes.
Pour redescendre jusqu’au wash, nous choisissons l’itinéraire habituel.
Ce qui nous permet de le longer et de constater que plusieurs pools contiennent de l’eau. Enfin, disons plutôt une substance liquide et noirâtre qui, néanmoins, est une manne pour la faune.
La descente se fait doucement et tranquillement. Stefano m’assiste dans les passages un peu délicats. À maintes reprises, je me dis que ce n’est pas possible que j’ai pu monter ici dans mon état.
Arrivée en bas du canyon.
I did it!
Pinocchio, dans le ventre de la baleine.
40 minutes plus tard, nous sommes à la voiture. Le soleil rase les crêtes.
Le retour à Kanab se fait sous le soleil.
Nous pouvons ainsi contempler les vastes plaines jaunes de l’Arizona Strip occupées autrefois par les dix mille têtes de bétail de Preston Nutter, un rancher autodidacte qui domina la région durant près de 40 ans. Aujourd’hui, seules quelques bêtes éparpillées paissent. Une piste part sur la droite. Stefano me dit qu’elle va jusqu’à Toroweap, au bord du Grand Canyon, et qu’il y a aussi des pétroglyphes à voir, mais qu’il faut une jeep. Pas grave, un jour, nous l’aurons cette jeep dont nous rêvons (enfin, c’est plutôt moi qui en rêve…). Elle sera parfaite. Seule la couleur reste à décider : verte pomme, orange ou jaune ?
Demain, nous rentrons sur Las Vegas pour nous envoler vers la Suisse. Ce dernier retour vers Kanab a donc un goût un peu particulier. Nous contemplons une dernière fois les maisons délabrée de Fredonia. Qui donc peut vouloir habiter ici ?
Arrivés à Kanab, Stefano opte pour le Subway. Je n’ai rien envie d’avaler et sitôt arrivée à l’hôtel je me couche, en grelottant. Stefano empile couvertures et doudounes jusqu’à ce que j’arrête de trembler. Demain sera un autre jour !
Autoportraits du jour
Je ne dirais rien Stefano, mais tu tires la langue ! C’est puéril !
En extase.
À Black Rocks, la « fabrique de billes ».