Ce matin, réveil à 5h15. Nous petit-déjeunons dans la chambre car il est bien trop tôt pour que le coin petit-déj’ de l’hôtel soit ouvert. À 6h10, nous sommes dans la voiture, direction Hildale, avec comme but de retourner à Canaan Mountain.
Nous-mêmes sommes étonnés du timing. Mais, avec cette mousson, nous savons que les journées se terminent pour cause d’orage à partir de 14h au pire, 16h dans le meilleur des cas.
Nous arrivons à Hildale 50 minutes plus tard. Hildale et ses maisons immenses, conçus pour abriter des familles de polygames. Des champs de légumes, des vergers pour dépendre le moins possible de l’extérieur. Nous croisons une femme et nous sommes projetés 100 ans en arrière. Coiffure de fin du 19ème siècle et robe jaune pale unie à manches longues qui descend jusqu’aux chevilles, cintrée sous la poitrine.
Stefano a lu quelques articles sur cette petite ville est c’est tout simplement hallucinant. Fondée pour abriter une branche dissidente de l’église LSD (mormons), la communauté fonctionne comme une secte.
Toutes les décisions sont prises par un chef. Le shérif de la ville fait des misères à tout non mormon, interdisant même le parc municipal aux enfants ne faisant pas (ou plus) partie de la secte. Les habitants versent 10% de leur revenu à l’église. La polygamie étant proscrite par la constitution, les secondes, troisièmes, quatrièmes femmes sont considérées comme des mères célibataires et touchent des allocations diverses et variées de la part du gouvernement. Sympa, le subterfuge !
Allez, encore quelques faits : de nombreux jeunes garçons sont excommuniés et chassés de la communauté, cela pour permettre à ceux qui restent de pouvoir avoir plusieurs femmes. Il va sans dire que les mariages sont arrangés. Non, vous ne rêvez pas, nous sommes le 8 juillet 2012, soit au début 21ème siècle, aux USA !
Nous empruntons la Water Canyon Road. La piste commence par du gravier et très vite se détériore.
Elle est complètement défoncée. Quelle dégradation depuis 2009 ! De grosses ornières la défigurent, profondes de 20 à 30 cm.
Nous nous disons que si rien n’est fait, d’ici une année, il faudra laisser la voiture à Hildale et parcourir les 3km de la Water Canyon Road à pieds…
Impossible en tout cas de faire demi-tour, donc nous continuons.
Le parking à côté du bassin de rétention d’eau est en vue. Mais avant, un banc de sable. Damn it! Stefano s’arrête et descend de la voiture pour aller inspecter. Je vous rappelle que notre voiture, depuis le 24 mai, n’est plus un vrai 4×4. Un 4×4 est derrière nous et un autre arrive en face. Là encore, impossible de faire demi-tour. Pas d’autre choix que de poursuivre en passant le banc de sable (en fait, il suffit de prendre un peu d’élan…).
A 7h37, nous attaquons la balade du jour, à savoir retrouver Canaan Mountain et ses formations rocheuses multicolores.
Nous marchons avec un groupe de 11 jeunes qui pratiquent le canyonisme (canyoneering comme disent les américains) et qui vont effectuer la descente du canyon. Ils sont équipés : casques, mousquetons, cordes, chaussures de wading (en tout cas pour certains, les autres portant les sacro-saintes baskets). Nous montons tous au même endroit. Au fil de la montée, le groupe se désintègre et nous servons de guide à deux filles.
Wouah, nous avions oublié que le sentier était si raide… en plus d’être très aérien et très sablonneux ! Tout pour plaire ! La dernière centaine de mètres est terrible. Je préfère 1’000 fois la sortie du Grand Canyon via le South Kaibab Trail !
À 9h nous sommes en haut de la falaise et dominons le canyon. Partis d’une altitude de 1584 m, nous sommes maintenant à 1988 m.
Nous laissons là les jeunes et commençons notre exploration.
Ah… Canaan Mountain. Que de souvenirs ! Nous étions tombés sous le charme en 2009 et nous étions promis d’y revenir. C’est chose faite aujourd’hui.
Premier lieu à (re-) visiter : les White Domes (dômes blancs).
Nous rejoignons le wash à l’origine du canyon…
…et le remontons sur quelques centaines de mètres.
Quelques pools sont encore pleines et grouillantes de vie : têtards à tous les stades de développement, insectes divers et variés.
Ensuite, eh bien, y’a plus qu’à … monter. Les dômes sont tout en haut.
Quel est le plus court chemin pour aller du point A au point B ?
La ligne droite bien sûr…
C’est raide ! Je veux ma Maman !
Autre question. Quel est la meilleure raison pour s’arrêter lors d’une montée qui n’en finit pas ? La réponse : prendre des photos et en profiter pour récupérer…
Nous approchons.
Stefano est (loin) devant et trompe l’attente en prenant quelques photos.
Moi, le voyant immobile, j’en profite aussi. À propos, vous avez repéré la lune ?
Encore un effort !
Les White Domes sont encore là !
Aussi beaux, sinon plus que dans nos souvenirs.
Stefano part d’un côté…
Je pars de l’autre…
C’est un de ces instants magiques durant lesquels je me répète que lorsque l’Homme sera capable d’imaginer et de concevoir une telle beauté, alors, et seulement alors, Il pourra se targuer d’être un génie.
Sorry Stefano, pour la tache !
Heureusement que l’accès à Canaan Moutain est confidentiel. Les pas de 1’000 visiteurs quotidiens abîmeraient forcément ce relief de la roche.
Nous partons ensuite pour les Black Rocks. Et comme par hasard, le sentier est… sablonneux à souhait !
Pourquoi Black Rocks ? Tout simplement pour ça …
Des bout de lave (?), noirs ébènes, disséminés sur le slick rock.
Le tout agrémenté de quelques formations rocheuses aussi jolies qu’intéressantes.
Le slick rock est incrusté de boulettes de sable. L’érosion les libère au fur et à mesure et elles se roulent et se regroupent dans les creux de rocher. Il y a deux ans, j’en avais pris une pour en faire mon totem.
Ici, une chaise. Elle me rappelle Jacob’s Chair, près du Hite Crossing Bridge, sur la SR-95. En version mini, je vous l’accorde.
Des nuages commencent à se former à l’horizon, du côté de Zion. Depuis que nous avons quitté la voiture, je scrute l’horizon. De la pluie et nous sommes coincés sur notre parking pour des heures, voire jusqu’au lendemain. Stefano semble également préoccupé.
A 11h20, nous décidons de rebrousser chemin et de redescendre.
Nous prenons quand même le temps d’envoyer notre message SPOT du jour.
Demi-tour, en avant toute !
Nous repassons par les White Domes et nous offrons quelques minutes de plaisir.
Au fait, avez-vous vu les nuages, à l’horizon ?
Sapin acrobate.
Nous descendons au pas de course et entamons la descente de Canaan Mountain par le sentier qui s’enfonce par la suite dans Water Canyon.
Le groupe de ce matin est quelque part en bas. Nous entendons le cliquetis des mousquetons et voyons une des personnes descendre en rappel une paroi d’une cinquantaine de mètres. Ils ont encore un grand bout à faire avant de rejoindre la voiture. Faire passer 11 personnes successivement, ce n’est pas rapide. Nous espérons que les gros nuages noirs au-dessus de leur tête (et de la nôtre du même coup) ne vont pas déverser des trombes d’eau. En tout cas pas tout de suite. Ils se retrouveraient sinon en fâcheuse posture.
Voici quelques images de la descente.
La végétation est luxuriante.
À 13h48 nous sommes à la voiture et deux minutes plus tard, nous empruntons la piste défoncée.
Derrière nous, des gros nuages noirs couvrent maintenant le ciel. Ils ne sont plus isolés, ils forment un plafond épais et menaçant.
Ouf !
Nous faisons un arrêt à la station de service Chevron, sur la Highway 389, à proximité de Pipe Spring. Étant donné que nous sommes dans une réserve indienne, l’essence est détaxée, et c’est toujours ça de pris. Nous trouvons des portions de légumes crus (carottes, brocolis, choux-fleurs, tomates) à tremper dans une vinaigrette. Le vent s’est levé et souffle violemment. Nous garons la voiture dans le sens du vent et dégustons notre en-cas. Les restaurants mexicains c’est bien, mais question légumes, ce n’est pas vraiment ça.
Nous rentrons à l’hôtel où je m’écroule pour une sieste d’une bonne heure. Je dors la bouche ouverte et Stefano qui google et wikipédie durant ce temps, rigole bien.
Ce soir, repas au Escobar’s, notre cantine mexicaine à Kanab.