Aujourd’hui, grosse journée en perspective : Stefano nous a préparé une randonnée du tonnerre comprenant la descente dans le Grand Gulch par le Bullet Canyon et remontée par Sheiks Canyon.
C’est en prévision de cette randonnée que nous avons mis dans nos bagages notre matériel de camping. Mais avouons que les nuits fraîches (jusqu’à -5° C quand même) nous ont un peu démotivés. Même si nous terminons notre boucle à la nuit tombée, nous rentrerons à Blanding. Na !
Nous partons sur la UT-95, descendons au sud via la UT-261, passons la Kane Gulch Range Station et empruntons un petit bout de piste en direction de l’ouest.
À 8h10, nous sommes prêt à commencer notre journée qui risque bien d’être la dernière où le ciel est tout bleu. Il s’agit donc de profiter à 1000%.
À peine 20 minutes après être partis, un premier spur trail qui part sur notre droite nous indique qu’il y a quelque chose à voir. Le prix à payer est une petite montée qui nous mène à mi-chemin du flanc du canyon.
Vous remarquerez sans doute que Stefano porte une écharpe. Je crois bien qu’il fait un petit 32°F, soit un poil moins que 0° C.
Quelques pictogrammes aux formes fantomatiques nous accueillent.
Il y a aussi des empreintes de mains, un dessin de chaîne de montagnes et d’autres représentations humaines.
Nous revenons sur le sentier principal et marchons quelques centaines de mètres. Toujours sur notre droite (en même temps, c’est compréhensible car c’est le côté du canyon éclairé par le soleil), une tour, tout en haut sur le rim.
La tour est construite sur un bloc rocheux dont les quatre côtés sont en dévers. Nous nous demandons comment les pierres ont pu être apportées pour la construction.
Voici l’autre côté.
Cette seconde montée a le mérite de nous réchauffer et nous ôtons une couche avant de redescendre dans le wash.
Le profil du sentier ressemble furieusement à celui de Kane Gulch. Ce qui est compréhensible, car Kane Gulch étant un canyon parallèle à Bullet Canyon, les deux se terminant dans le Grand Gulch.
Souvent, il nous faut rester et marcher sur un ledge, le lit du wash étant soit trop tourmenté, soit impraticable faute à un pour-off.
Et puis, lorsque le ledge devient trop étroit ou simplement cesse d’exister, nous descendons. Donc c’est tout sauf monotone.
J’ai remis une couche, j’ai protégé mes oreilles et les mains sont bien à l’abri dans les manches.
Je l’ai déjà mentionné dans un billet précédent : les cottonwood trees n’ont vraiment pas la vie facile !
Nous croisons un couple qui remonte, après deux nuits de camping. Nous nous arrêtons pour parler un peu. Ils ont les yeux qui brillent lorsqu’ils nous racontent leur expérience. Nous échangeons nos itinéraires respectifs. Nous les retrouverons deux jours plus tard au musée de Blanding. Ils viendront à la rencontre Stefano et lui avoueront être soulagés que nous soyons remontés sains et sauf : it’s a very long hike, nous disent-ils !
Le lit du wash commence à s’élargir. Nous marchons un long moment sur une sorte de plaine, recouverte d’herbe haute et relativement dense.
Il n’y a pas si longtemps, les ranchers y descendaient les vaches afin qu’elles y paissent.
Nous marchons ainsi quelques heures, suivant les méandres du wash. Et des méandres, il y en a !
Les rochers aux formes bizarres se suivent et ne se ressemblent guère.
Stefano nous dirige vers un petit side canyon et nous découvrons Perfect Kiva, niché dans une alcôve exposée au sud.
Le site a été partiellement restauré et est composé de plusieurs pièces, de greniers et d’un kiva en parfait état.
Seule l’échelle du kiva n’est pas d’origine.
Nous avions déjà vu des rangées de metates mais cette pierre en compte une bonne douzaine. Impressionnant.
Il y a aussi des empreintes de mains…
et des dessins peints avec un substance épaisse, qui laisse du relief.
Je remarque à nouveau ces taches sur la paroi. Je les ai déjà remarquées au cours des jours précédents et là, je me convaincs qu’elles ne sont pas le fruit du hasard.
Je les étudie plus longuement et en conclus qu’elles sont faites par des boules de boue projetées. Je suis persuadée qu’il s’agit d’un jeu. Qui lançait sa boule le plus haut, avec suffisamment de force pour qu’elle s’écrase contre la paroi et y reste ? La densité des impacts diminuent avec la hauteur.
Cette porte à la forme de T est magnifique.
J’ai fait quelques googling concernant la symbolique de cette forme. Tout le monde s’accorde à dire que cette forme est sacrée pour les Anasazis, mais sa signification reste obscure. D’aucuns affirment qu’elle symbolise l’entrée dans le monde spirituel. Passer une T-shape door, c’est donc non seulement une action physique mais également spirituelle.
Parfait exemple de construction opportuniste qui utilise des éléments naturels pour minimiser le travail à réaliser.
Nous descendons dans le kiva car un cahier laissé sur place par le BLM encourage les visiteurs à le visiter, moyennant le respect de quelques règles élémentaires.
Il y a fait sombre et frais. Sans le vouloir, nous soulevons des milliers de micro-particules de poussières rendant les photos … poussiéreuses.
Nous envoyons un message SPOT du billet.
Sans être réellement pressés, nous ne pouvons néanmoins nous attarder. Le chemin est encore long. Nous restons sur le ledge et nous dirigeons vers le prochain site, Jailhouse Ruins, situé à quelques encablures. Le nom à lui tout seul est déjà tout un programme.
Avant d’arriver sur le site, un reste de construction. Les morceaux de bois faisaient soit partie du toit, soit des murs.
Voici un aperçu de l’ensemble du site de Jailhouse.
La partie supérieure n’est pas accessible, d’où son excellent état de conservation.
Mais la richesse de la partie inférieure mérite à elle seule le déplacement.
Au centre, l’ouverture, qui semble barrée par des barreaux et qui a donné son nom aux ruines.
Un des murs de ce petit grenier arrondi est en parfait état de conservation. Nous avons peu souvent vu ce type de construction, faite de boue entassée sur une ossature de bâtons de bois.
Voici l’autre face de ce petit grenier.
Remarquez la fresque, sur la gauche, peinte en blanc sur le plafond noir de l’alcôve.
La voilà de face.
Protégé par la partie supérieur de l’alcôve et par un mur, ce grenier est encore entier. Sur la droite, une documentation laissée par le BLM.
Plus en hauteur, un cercle blanc sur lequel se distinguent des pointillés verts.
Nous sommes rejoins par deux papys. Le plus âgé à 78 berges ! L’autre est en bébé en comparaison, avec à peine 72 ans. Nous sommes épatés.
Gros plan sur les masques et sur la partie supérieure de Jailhouse Ruins.
Nous contournons le promontoire et trouvons des pétroglyphes.
Voici la vue que les Anasazis avaient chaque matin en se levant… Et encore, là, le ciel n’est pas bleu.
Nous envoyons le second message SPOT du billet (car nous, nous aimons bien envoyer des messages SPOT !).
Nous redescendons dans la vallée et poursuivons notre chemin.
Stefano s’arrête et pointe une falaise du doigt. Oui, et ? Vous voyez quelque chose, vous ?
Mais oui, sur une des corniches, une rangée de petits greniers a été construite, en tout cas à 15 mètres du sol. Incroyable !
Nous nous rapprochons du Grand Gulch.
Encore quelques greniers, perchés haut sur les falaises.
Le wash devient plus invasif et nous passons une portion où nous sommes coincés dans un tunnel de verdure. Il nous faut ruser pour garder les pieds plus au moins au sec.
Sans le savoir nous sommes arrivés dans le Grand Gulch et nous commençons à le suivre… dans le mauvais sens !
Heureusement, au bout de 15 minutes, Stefano sort son GPS et nous faisons demi-tour. Nous perdons le sentier et nous avançons au milieu d’une végétation dense et presque hostile.
Je m’attends à tout moment que Stefano se retourne et me dise : demi-tour ! Mais en réalité, faire demi-tour n’est pas une option : il est 15h40, nous avons quitté la voiture à 8h. Le calcul est vite fait. Revenir par le même chemin nous ferait arriver de nuit.
Nous obstinons et retrouvons finalement le sentier. Nous marchons maintenant dans Sheiks Canyon.
À suivre.
Flore du billet
Vous l’aurez compris. Nous aimons beaucoup des fleurs de cactus.
Et là, je pense qu’on peut parler de belle brochette !