Après une micro-sieste de quelques minutes dans la voiture, nous partons en direction de la Blue Mesa Scenic Road pour le départ de notre prochaine randonnée sur le Blue Forest Trail, un sentier hors des chemins battus.
Nous roulons au milieu d’une plaine recouverte d’herbe jaune. Mon regard erre de gauche à droite et de droite à gauche. Il s’arrête soudainement sur un relief incongru. Une tête, des oreilles. Je m’écrie : des pronghorns ! 5 ou 6 pronghorns sont allongés, ne laissant dépasser que leur tête au-dessus des herbes.
Stefano s’arrête, recule. Heureusement, il n’y a personne. Les pronghorns se lèvent, intéressés, peut-être un peu apeurés. Durant un moment, nous craignons qu’ils ne s’enfuient. Mais non. Ils restent là à nous regarder.
Un ranger arrête sa voiture et nous dit gentiment que nous n’avons pas vraiment le droit de nous arrête sur la route. Il nous demande de mettre la voiture sur le bas-côté. Il n’a pas tort… Nous ne sommes pas à Yellowstone…
Le premier jour, lorsque nous étions descendus dans la plaine jaune pour aller voir Onyx Bridge, j’avais dit à Stefano : j’espère que nous verrons des pronghorns. Chose dite, chose faite. Je suis vraiment très contente.
Nous garons la voiture à Blue Mesa. De là, part un sentier goudronné qui dévale la butte.
Arrivé en bas, à la première courbe, Stefano s’arrête et regarde son GPS. Il me dit : le Blue Forest Trail part de là.
Wow. Rien ne laissait présager un sentier. Mais en y regardant de plus près, nous décelons quelques empreintes sur le sable mouillé d’un wash. Nous quittons le sentier goudronné pour suivre le wash qui se termine après quelques dizaines de mètres dans un cul de sac. Mais de là, nous discernons un faint trail qui monte sur la dune.
J’ai écrit précédemment que la règle imposée par les rangers était de ne pas sortir des sentiers goudronnés. Là, vraisemblablement, c’est une exception à la règle vu que ce sentier fait partie de quelques sentiers libellés Off the Beaten Path, dont les dépliants explicatifs sont disponibles sur le site web du NPS ou au visitor center. Nous avons donc la conscience tranquille…
Le sentier se révèle quelques mètres avant que nous y marchions. Il est quasi invisible et ne défigure pas le paysage. La preuve, voici d’où nous venons. Plus de traces dès 5 mètres.
Ce sentier a été construit par les CCC (eh oui, encore eux) entre 1934 et 1937 pour connecter deux routes : celle qui permettait d’accéder à la partie supérieure de la Blue Mesa, et celle qui permettant d’accéder à sa partie inférieure. Il était initialement destiné au tourisme de masse mais a été fermé en 1955 lors de la construction du Blue Mesa Loop Trail, ce sentier goudronné dont nous avons parcourus les premières centaines de mètres.
La surprise est totale.
Nous suivons la crête des dunes. Nous perdons même le sentier et devons revenir sur nos pas. Pourtant il y avait un piquet de bois que nous avons bien remarqué mais nous n’avons pas vu la bifurcation. Vraiment discret ce sentier.
Voici quelques dunes typiques de type Chinle. Les strates et l’alternance des couleurs les rendent facilement identifiables.
Un peu plus d’une heure après avoir quitté la voiture, nous avons rejoint ce qui reste de la Lower Blue Mesa Road. Si nous la suivons, nous arriverons sur la route qui traverse le parc, au lieu dit des Teepees.
Les tuyaux mis pour canaliser l’eau sont en piteux état, rongés par la rouille.
A l’inverse, les ouvrages de maçonnerie sont toujours debout.
Nous suivons la route qui fait une boucle autour d’une dune, histoire de rendre hommage au travail des CCC. Il reste des pierres matérialisant le parking.
Le ciel est en train de se découvrir. Si tout va bien (c’est-à-dire si le vent continue de souffler dans le bon sens), nous devrions avoir un belle éclaircie. Nous renonçons à aller rejoindre la route goudronnée pour être dans les dunes lorsque le soleil apparaîtra.
C’est reparti ! Ce panneau sans écriture marque le début du sentier. Et comme vous pouvez-le constater, le soleil n’est pas loin.
Il est même très vite là !
Les troncs sont rares et encore plus rares au sommet des dunes.
Nous sommes euphoriques. C’est magnifique.
Ce coin a un petit air de Zabriski Point, à Death Valley National Park. Sauf que les dunes étaient plutôt de couleur uniforme.
Ces petits hoodoos m’avaient fait un clin d’œil à l’aller et j’y avais d’ailleurs gaspillé quelques pixels, sachant pertinemment que rien de bon ne sortirait. Par contre, maintenant, c’est une toute autre histoire.
Nous faisons extrêmement attention lorsque nous marchons car, par endroit, le sol est recouvert de petits cailloux tout ronds, ronds comme des billes prêtes à rouler joyeusement sous nos pieds et pour que ce soit plus drôle, à nous faire rouler avec.
Tronc perché. Les troncs tels que celui-ci, qui ont encore l’aspect du bois, n’ont pas terminé leur processus de pétrification. La structure du bois a été conservée. Si un morceau de ce bois-pierre est dilué dans de l’acide fluorhydrique il restera environ 5% de lignine. On ne parle plus de pétrification mais de perminéralisation. Ouf. Merci à la page du NPS qui répond aux questions les plus courantes posées par les visiteurs de Petrified Forest National Park.
Sur ces fameuses petits cailloux tout ronds…
Là, nous avons rejoint la mesa.
Mesa qui se rétrécie et se transforme en dune dont nous suivons la crête. Ces junipers sont les seuls arbres rencontrés du jour.
La descente finale, pour rejoindre le sentier officiel et goudronné.
Et enfin, revenus sur le sentier, la courbe dans laquelle nous avons dévié du droit chemin pour partir à l’aventure. Vive les objectifs grand-angle.
Nous remontons à la voiture au pas de course malgré la pente prononcée du sentier. Nous discutons avec animation (enfin, peut-être pas pour moi lors d’un passage un peu plus raide) de la beauté du paysage dans lequel nous venons d’évoluer. Vraiment incroyable.
La voiture nous attend sagement.
Il est tout juste 16h. Nous avons encore une heure devant. Une heure, c’est exactement le temps qu’il nous faut pour aller admirer Agate House.
Stefano, bon prince, s’arrête au bord de la route, pour une dernière photo alors que les ombres s’allongent.
Faune du jour
Contrairement à ce que nous avons toujours cru, le pronghorn n’est pas de la familles des antilopes. Ses plus proches parents sont la girafe (oui oui, la girafe) et l’okapi.