Hier soir, nous avons fini la journée avec du soleil et du ciel bleu. Ce matin, nous avons décidé qu’il allait faire beau et nous partons de super bon matin avec comme destination le départ du Black Cloud Trail, un sentier qui nous amènera au Mount Elbert par le côté sud-est.
Direction Buena Vista US-24 jusqu’où nous n’irons pas d’ailleurs. À mi-chemin, nous bifurquons à l’ouest sur la CO-82 en direction des Twin Lakes que nous passons sans nous arrêter mais néanmoins en admirant quelques belles cabanes à la vue imprenable.
Le Black Cloud Trail est une des trois voies qui permettent d’accéder au Mount Elbert.
Nous ne sommes pas les premiers. Mais il n’y a pas foule non plus. Un truck, un seul… et 12 satellites pour nous accompagner aujourd’hui, trouvés instantanément.
Il est 8:17 et si Stefano a mis ses gants, je peux vous dire qu’il fait froid… 25° F ce matin en quittant l’hôtel, soit un petit -4° C.
Et, nous allons être à l’ombre une bonne partie de la montée. Nous partons et je n’attends qu’une chose… Une belle montée pour me réchauffer.
De ce côté de la montagne, les aspens sont très présents et certains ont encore leur feuillage d’automne, jaune vif, presque fluorescent. J’espère que ce soir nous aurons du soleil pour en immortaliser quelques-uns.
Qui dit Twin Lakes dit forcément Twin Peaks… Les voilà ! Ils sont derrière nous, dans notre dos.
Pour ce qui est de devant nous, nous ne voyons rien, nous marchons dans la forêt. Mon vœux est exaucé : je suis très vite réchauffée…
Après environ 50 minutes de montée et la traversée périlleuse d’une rivière en furie (!), nos machines se sont mises en route et nous sommes en nage.
Il est temps de manger une Clif Bar et surtout d’enlever une couche ou deux. Sans parler de la pause technique qui, en général, fait partie du package.
La neige devient de plus en plus présente mais nous nous rapprochons du moment où le premier rayon de soleil va venir nous effleurer.
Nous allons bientôt sortir de la forêt. Et nous pouvons contempler et apprécier le défi qui nous attend ! Et ce n’est que le début !
Nous traversons une mini-forêt d’aspens. Les sapins y deviennent largement minoritaires. À la taille des troncs, nous en déduisons que les arbres sont tout jeunes.
Quelle est l’histoire de cette forêt ?
Le sentier nous emmène le long d’une combe.
Bientôt, les arbres sont plus rares et la végétation commence à changer.
Depuis que nous sommes partis, nous suivons des traces, traces qui appartiennent, selon toute vraisemblance, au passager du pick-up garé au trail head.
Nous avons beau tendre l’oreille, nous n’entendons personne.
Nous perdons les traces à proximité des restes d’une cabane.
Des chaussures, en bon état, attendent sur le toit des toilettes que leur propriétaire viennent les récupérer (1)…
La présence de nombreux morceaux métalliques, tordus et rouillés, nous rappellent que nous sommes dans une zone minière (2).
Plus de traces pour nous guider. Stefano branche ses path finding skills (aidé par son GPS…). Pour quelques mètres seulement car le versant sur lequel nous marchons maintenant doit recevoir une bonne dose de soleil. La neige y a disparu.
Le sentier est là, sa visibilité est d’environ une trentaine de mètres. Impossible de deviner par où nous allons monter.
À droite, dans la combe ? Sur la crête ?
Et bien non, contre toute attente, nous montons quasiment face à la pente, à part lorsque quelques switch backs bienvenus viennent reposer nos jambes.
Nous montons depuis 2 heures et avons gagné 916 mètres et sommes maintenant à 3’664 mètres.
La combe nous semble maintenant toute petite.
Et… je vais être franche avec vous… Je crois bien que je tire la langue, et pas qu’un peu !
Nous avons retrouvé la neige, le sentier n’est plus qu’une vague trace qui monte tout droit, face à la pente.
Je me suis laissée distancer (quelques mètres seulement) mais suffisamment pour ne plus avoir deux chaussures Vasque à suivre, sans me poser de question, sans avoir besoin de regarder où je vais.
Résultat, de temps en temps, je dois lever la tête et constate que cette montée est sans fin et surtout que que cette méchante crête semble reculer au fur et à mesure que j’avance.
Nous dominons maintenant la vallée et les montagnes auxquelles nous tournions le dos sont maintenant beaucoup moins imposantes.
La montée devant moi reste effrayante… Je crois même avoir pesté, ce qui est extrêmement rare !
Mais la patience et l’obstination payent toujours ! Nous sommes sur la crête… Nous sommes à 4’138 mètres. Notre point de départ était à 2’952 mètres.
Mais crête n’est pas synonyme de sommet, loin de là !
Le sommet, ce n’est pas le premier, ni le second mais bien le troisième au fond !
Il fait un froid glacial et le vent est particulièrement violent.
J’ai cumulé les couches et même mis une capuche… Pour dire !
Je contemple, pensive, le reste à faire (petit clin d’œil à Dimitri, un super ex-collègue que je regrette beaucoup !)
Nous sommes sur le « petit » Mount Elbert, qui correspond au second sommet de la photo précédant la précédente, à 4’313 mètres, soit 14’150 pieds, à l’altitude d’un 14er…
Nous continuons notre progression, suivant la crête et ses montées-descentes. Les bâtons nous sauvent la mise à plusieurs reprises et je bénis une fois de plus le choix fait par mon p’tiot frère.
Bip-bip ! Je regarde ma montre. 13h ! Non, ce n’est pas possible. Le temps a filé si vite. Nous marchons depuis presque 5 heures.
5 heures moins 1 heure, c’est le temps qu’il nous faudra pour descendre si nous nous arrêtons ici.
Nous regardons le sommet du Mount Elbert et décidons que même en une heure, nous n’aurons pas le temps de l’atteindre.
Nous délibérons et optons pour le demi-tour. Too bad! Mais nous ne voulons surtout pas rentrer à la tombée de la nuit !
Nous retournons sur le small Mount Elbert, histoire de faire quelques photos et d’envoyer notre message SPOT du jour.
Me voici d’ailleurs en pleine préparation…
Nous trouvons une place idéal pour le SPOT. Et non, les linges ne sont pas à nous !
Comme nous avons du temps (enfin pas trop mais quand même), nous revenons sur notre point d’arrivée sur la crête et continuons sur cette même crête, direction sud-est.
Là se trouve un autre sommet (et donc une autre montée), le Mount Cosgriff, qui culmine a 13,588 feet et qui fait donc partie des 13ers.
Dans l’alignement, le cairn du sommet du Mount Cosgriff, small Mount Elbert et Mount Elbert.
Belle brochette, non ?
Nous poussons encore un peu plus vers le sud-est pour apprécier une magnifique vue sur les Twin Lakes.
Vers 15 h, nous nous disons qu’il est réellement temps de commencer la descente…
C’est facile, c’est tout droit et tout au fond de la vallée… Les taches blanches sur la photo sont des cristaux de neige soulevés par un vent furieux.
Je me prépare psychologiquement à la descente.
C’est parti !
À plusieurs reprises nous regardons derrière nous, incrédules…
Étions-nous vraiment là-haut ? Car la descente est tellement raide, tellement longue que c’est à peine croyable.
En arrivant à la tree line, nous réalisons que fond de la vallée est… encore au fond de la vallée.
Nous re-traversons cette forêt de jeunes trembles aux branches dénudées.
Oui oui, nous étions là-haut ! Vous dire que la descente est longue serait un pléonasme. Les descentes sont toujours longues.
Mais celle-là est… interminablement longue !
Le ciel est maintenant bien dégagé. Le jaune d’or des feuilles est resplendissant.
Nous sommes à la voiture à 17h30. Timing parfait.
Nous profitons des dernières lueurs du jour pour nous approcher d’un des deux Twin Lakes.
Avec la pleine lune, nous nous sentons particulièrement privilégiés.
Première aujourd’hui : nous ne passons pas par la case « hôtel » et filons directement à notre cantine.
Lorsque nous arrivons, Brenda, notre serveuse d’hier soir, me dit : Hello Marie-Catherine, how are you doing? Elle est toute contente de constater mon étonnement.
Elle a lu hier mon prénom sur ma carte de crédit.
Notre golden burro-ito nous semble encore meilleur qu’hier.
Autoportraits du jour
Lors de la première phase de la montée.
Small Mount Elbert.
Au froid, au vent et sous les piques des cristaux de neige emportés par le vent… D’où notre air crispé.
Sur le Mount Cosgriff.